Saqqarah – Le trésor maudit (partie 1)

8 mins

Ce texte est la première partie d’une expérience d’écriture en ping-pong avec AudeMaz, nous nous sommes concertés sur les grandes lignes du démarrage de l’intrigue sans rentrer dans les détails. Chaque chapitre sera donc une surprise. N’hésitez pas à partager vos impressions et pronostics


– Salut mes petits loulous ! C’est Flossy et bienvenue dans cette nouvelle vidéo ! Vous avez eu plein d’idées complètement débiles pour le défi dix-mille abonnés “Flossy t’es pas cap de…”, je vous remercie d’être toujours aussi fidèles, et du coup j’en ai sélectionné une pour vous ! Comme vous le voyez derrière moi, je suis dans la forêt. Je suis avec ma pote Sofia, tiens Sofia fais coucou à la caméra

– Coucou !

– Elle va m’aider pour le défi que vous avez lancé : “Flossy t’es pas cap de faire une vidéo dans une maison hantée”. Et bien si, je suis cap ! Je suis dans la forêt d’Iraty dans les Pyrénées, et il paraît qu’il y a une maison glauuuuuque dans ces bois. Son propriétaire aurait disparu depuis un siècle, on ne l’a jamais retrouvé. Et devinez quoi ? C’est là bas qu’on va ! Si cette vidéo vous plaît, n’oubliez pas de mettre un petit pouce à la fin, parlez-en autour de vous, et on se retrouve dans la maison hantée !

Simon coupa sa Go-Pro, et remit son sac à dos. Il n’était pas vraiment le genre sportif. Plutôt en léger surpoids, habitué à faire des vidéos cloîtré dans sa chambre-studio à Nantes. Les cheveux longs et bruns, une barbe d’une semaine et des petites lunettes à monture invisible, l’attirail parfait du youtubeur.

– Qu’est-ce que t’en dis Sofia, on va cartonner ou pas ! lança-t-il en levant la paume

– Mais trop ! Allez viens, j’ai hâte de voir ça ! répondit la jeune femme en lui rendant son high-five

Ils étaient partis depuis le matin avec un matériel assez lourd, dans l’objectif avoué de tourner le prochain clip Youtube de Simon Flaubert, alias Flossy. Sofia était son amie d’enfance, ils se connaissaient depuis toujours, et étaient même colocataires à Nantes. Acolyte dans la vie, dans la réalisation des vidéos de Flossy et éternellement dans la friendzone, les deux s’entendaient à merveille et se complétaient bien. Ce projet aussi idiot qu’hilarant les avait motivés dès le début, et ils étaient partis en train chez les parents de Sofia qui habitaient Biarritz. Après quelques heures de voiture, ils avaient enfin posé leurs bagages à Larrau, à la frontière espagnole, pour aller faire leur tournage dans la forêt d’Iraty. Il randonnaient depuis le matin, et avaient l’intention de camper dans la forêt à côté d’une maison abandonnée, pour tourner un maximum de scènes de nuit. Flossy avait choisi le lieu en faisant quelques recherches rapides sur le net, et avait souhaité éviter les lieux clichés comme la forêt de Brocéliande, ou les châteaux hantés. 

Les feuilles craquaient sous leurs pas, la forêt était plutôt paisible et accueillante à vrai dire. Il faudrait jouer d’astuce pour rendre tout cela crédible. Les arbres hauts alternaient avec des clairières d’herbe verte, et des rochers moussus. Ils marchaient depuis trois heures en suivant les coordonnées sur le GPS du smartphone de Sofia, lorsque la silhouette de la maison apparut enfin. 

Elle était construite d’un mélange de bois et de pierres. Les fondations, solidement ancrées reposaient sur des murets en pierres empilées, jointes par un mortier grossier. Par dessus, des murs en poutres et planches, partiellement pourris, élevaient la maison d’un étage et de combles. Le tout était en mauvais état, et la nature avait déjà bien repris ses droits. Flossy poussa la porte, qui résista un peu, tant le bois était gonflé d’humidité et de moisissures. Elle finit par s’ouvrir en raclant obstinément ce qui restait de plancher. Un morceau de mur avait pourri sur l’autre façade et laissait passer de la lumière. L’ambiance était passablement lugubre. Parfait pour un canular de fantômes.

– Du coup Flossy, il faut que tu me racontes pourquoi tu as choisi cet endroit ! demanda Sofia

– Je te lirai ce que j’ai sous la main tout à l’heure, on doit monter la tente d’abord

Les deux amis sortirent le matériel. La tente deux-secondes se déplia en un clignement d’œil, et ils allumèrent un feu de camp à proximité de la maison. Flossy avait bien l’intention de manger son cassoulet en boîte avant de commencer à tourner. Il sortit quelques feuilles qu’il avait imprimées de son sac et les tendit à Sofia.

– J’ai trouvé un site qui parlait d’un mec qui a disparu au début du siècle et qu’on n’a jamais retrouvé. Eugène Charpentier. Il habitait dans cette maison. C’était un excentrique, un explorateur de la fin du dix-neuvième, qui est venu s’installer ici après avoir soit-disant retrouvé la trace d’un trésor barbare de l’époque des grandes invasions. Il s’est pas mal baladé au moyen-orient, et il est revenu avec cette obsession

– Les grandes invasions de qui ?

– Bah, tu sais, les sarrasins, Charles Martel, tout ça, vers l’an 1000. Ils avaient des forteresses en Espagne et sont arrivés jusqu’en France. Quand ils ont été repoussés, ils n’auraient pas pu ramener toutes leurs richesses et ils auraient caché le reste dans les montagnes. En tous cas c’est ce que croyait ce mec. Il a passé la fin de sa vie à explorer la région avant de disparaître dans des circonstances mystérieuses. Les habitants du coin disent qu’il a trouvé le trésor mais qu’il s’est tué en essayant de le déterrer, et que du coup il rôde autour pour chasser ceux qui voudraient lui piquer, expliqua Simon en dévorant son cassoulet

– Et c’est lui que tu veux rencontrer ?

– Franchement Sofia, tu crois aux fantômes ?

– Ben, on sait jamais !


Sofia prépara le projecteur LED et la perche micro. La nuit commençait à tomber, les circonstances étaient au top pour tourner l’épisode. Flossy faisait quelques grimaces pour se délier, et lui fit signe qu’ils pouvaient y aller.

– Trois, deux, un, action !

– Je suis maintenant dans la fameuse maison hantée de la forêt d’Iraty, démarra Flossy avec une voix volontairement mystérieuse. Nous allons rester là toute la nuit et nous vous en partagerons les meilleurs moments. J’avance  en ce moment même dans le couloir qui mène au salon. Vous entendez tous ces bruits ? C’est la forêt autour qui fait son concert de nuit. 

Sofia braqua le spot sur le mobilier décrépi de la pièce. Des feuilles mortes jonchaient le sol, les chaises avaient partiellement pourri et les murs avaient été vandalisés par des artistes en herbe. Flossy souleva un drap qui couvrait un meuble. Le drap était tellement moisi qu’il lui resta à moitié dans la main.

– Vous voyez ça ? C’est dégoûtant. Il y a une atmosphère super bizarre ici. Je suis sûr qu’il y a un petit fantôme caché quelque part. On va le trouver ensemble. Je me dirige maintenant vers le premier étage, continua Flossy en commençant à monter l’escalier en mauvais état.

– Fais attention quand même, prévint Sofia

– Les marches semblent couiner quand je marche dessus, c’est la maison tout entière qui rejette notre présence, dit Flossy d’un ton théâtral, essayant de rendre la scène plus effrayante qu’elle ne l’était vraiment.

Alors qu’il arrivait au deux tiers de l’étage, la marche céda. Sa jambe traversa avec peu de résistance le bois pourri, et il tomba en avant. Il eut juste le temps de poser ses mains sur la marche supérieure pour rester en équilibre quelques secondes dans cette pose grotesque, quand tout l’escalier s’effondra. Sous ces marches se cachait la cage d’escalier qui descendait à la cave, et Flossy fit une chute de près de trois mètres, aplatissant au passage l’escalier sous-jacent. Sofia filmait toujours. Elle resta prostrée quelques secondes sans pouvoir réagir, persuadée que Simon était mort.

– Oh putain, j’ai trop mal, entendit-elle depuis en bas

Sofia se précipita pour vérifier l’état de son ami. Elle se pencha par le trou béant. Le spot révéla Simon allongé sur les restes des marches éparpillées sur le sol de la cave, où quelques planches de bois sobrement posées à même le sol faisaient office de plancher. 

– Ça va Simon ?

– Je crois que je me suis pété le poignet

– Si c’est que le poignet, tu t’en sors bien. Attends, je t’envoie une torche, je vais chercher quelque chose pour te sortir de là. Comment tu te sens ?

– Franchement ? Je devais être en train de flipper tout seul dans le noir dans la cave d’une maison hantée, mais je suis juste en train de douiller à cause de ma main, cria-t-il. Je préférerais presque qu’il y ait un spectre à la con et ne pas avoir traversé deux étages de plancher, si tu vois ce que je veux dire.

– Ok ok, calme toi, on va te sortir de là. Qu’est-ce que tu vois ? demanda Sofia en fouillant dans leur matériel pour trouver quelque chose pour l’aider à remonter

La cave n’était pas très profonde, peut être deux mètres de plafond, il aurait pu en ressortir sans effort avec ses deux mains valides. Mais dans son état, la tâche était un peu plus compliquée.

– Envoie le spot et la caméra, je vais filmer un peu le temps que tu trouves un truc

Il réceptionna le sac à dos avec un peu de matériel de tournage, posa le spot à même le sol et commença à filmer dans la pénombre.

– Vous voyez ça les abonnés ? Flossy vient de chuter de deux étage pour vous faire une super vidéo ! Je suis dans la cave de la maison hantée, ça transpire le fantôme ici, continuait-il en essayant de rester convaincant. Il y a plein de trucs bizarres, regardez cette poupée horrible ! dit-il en faisant un zoom sur un poupon en plastique. Et voici la radio de Satan ! enchaîna le jeune homme en filmant un vieux tourne disque. Il parait que si on joue le vinyle des Beatles à l’envers dessus on entend des incantations sataniques ! 

– J’arrive, Simon, résonna la voix de Sofia. Je vais pousser la table dans le trou, on pourra monter dessus pour ressortir.

– Et voici le bureau du gardien du trésor, sur lequel il inscrit tous les noms de ceux qui vont mouriiiiir.

Flossy fanfaronnait pour ne pas perdre la face, mais sa main le faisait souffrir, et son tournage prenait l’eau. Il coinça la caméra contre son torse avec son avant-bras et utilisa sa main valide pour fouiller les tiroirs du bureau. Il y trouva du bric-à-brac, des crayons, des trombones, quelques ustensiles un peu anciens. Probablement début du siècle. Et un petit carnet. Il le feuilleta rapidement, c’était un journal. Les dates étaient aux alentours de 1890. Le carnet était rempli de textes, moitié français, moitié basque, ponctués de cartes approximatives et de coordonnées.

– Voici le journal d’Eugène Charpentier, on dit que celui qui le lit va mourir dans l’année, raconta Simon en prenant sa voix dramatique. Fuyez pauvres mortels !

Simon le rangea dans son sac, la luminosité était de toute façon bien insuffisante ici pour lire quoi que ce soit.


Entre temps, Sofia était descendue à son tour dans le sinistre soubassement. La lumière du projecteur faiblissait : la batterie de secours était restée dans la tente. Par chance, elle avait apporté des lampes à manivelle. Dans la petite trousse à pharmacie qu’elle avait préparée, il y avait un bandage strap, heureusement. Elle enveloppa patiemment le poignet meurtri de son ami qui gémissait à chaque tour de tissu. Il pouvaient maintenant ressortir de là et se remettre de leur émotions.

– Bon, tu ne crois pas que tu as assez fait le pitre ? Il faudrait qu’on retourne à la tente, je n’ai pas envie de dormir dans cette cave. Il va falloir qu’on marche demain pour rentrer, et j’espère que ça ne te fera pas trop mal.

Elle retourna vers le muret mettre en place la table qui leur permettrait l’ascension du décroché là où l’escalier s’était effondré. A la première tentative, un pied de la table parut s’enfoncer dans le plancher. A l’emplacement de la chute de Simon, une latte du plancher avait craqué, et le sol dessous était étonnement vide. Sofia enleva les morceaux de bois brisé, et y découvrit une cavité. Elle y glissa sa main et découvrit en tâtonnant un coffret de bois, enveloppé dans un tissu. A l’intérieur, reposant sur de la ouate en piteux état, un magnifique pendentif brillait. Une chaîne dorée aux anneaux imposants soutenait un pendentif de topaze en goutte d’eau gros comme un œuf de caille, d’une beauté éblouissante. La boîte, bien dissimulée, avait miraculeusement échappé aux pillards successifs. 

Sur le couvercle de la boîte était gravé RUQIYAT?


Saqqarah (Le Trésor Maudit) – partie 2

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7 Commentaires
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Aude Maz
3 années il y a

En toute objectivité j’adore 🙂
Je m’attèle à la suite dès à présent en espérant être à la hauteur de ton imagination. Je vais essayé de te réserver quelques surprises dans le prochain chapitre 😉

Ibrahim Najuev
3 années il y a

J’ai hâte de lire !

Gaëlle Galindo
3 années il y a

La co-écriture plaît énormément !

Très bon début d’histoire !

Curly Mc Hado
3 années il y a

La co-écriture nécessite une bonne compréhension de l’autre ! Visiblement, vous etes bon à ce jeu là! Ça me donne envie d’en lire plus. A quand la suite ?

Ibrahim Najuev
3 années il y a

J’ai lu et franchement j’adore cette idée de youtubeur c’est génial et en plus la couverture est très belle bravo !

Aude Maz
3 années il y a

Aurore je vais essayer de faire vite (et bien!) pour la compréhension de l’autre on va voir c’est un peu le suspense 😉

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