Les deux Joconde

J’en ai ma claque de voir cette pimbêche me r’garder par-dessus son épaule gauche avec ses yeux de hareng-du-Nord ! Et voilà que ça la reprend ! Elle en fait des caisses… et que j’te dodeline du turban pour bien épater la galerie avec sa perle qui pend à son oreille et lance des éclairs aux visiteurs… et que j’te montre bien que j’sais tenir une parole même si aucun son ne sort de sa bouche entrouverte ! Dernièrement, j’ai entendu un visiteur chuchoter que son turban bleu c’était pour cacher sa pelade ! Elle était trop occupée à faire des effets de ruban pour l’entendre ! Sérieux !A quoi y pensait donc ce pôv Vermeer quand il a tiré le portrait de cette fille, sa servante à c’qui paraît, même s’il raconte que c’est une de ses filles ! A d’autres, ça jasait fort dans les chaumières, la p’tite n’avait pas froid aux yeux et le vieux Jan était encore vert ! Bon là, elle a le ticket avec un papy qui la zieute grave… Tu vas voir ma vieille, avec mon sourire inimitable, j’vais l’attirer dans mes filets! Renonce ! Tu peux pas lutter ! A moi le pépé…

J’ peux pas l’encadrer la sainte nitouche d’à côté ! Trop polie pour être honnête avec ses mains l’une sur l’autre bien posées à plat sur son ventre rebondi pour ressembler à une madone ! Et pis quoi encore ! A Florence y s’dit qu’la Lisa, elle faisait le tapin avec les aristos avant d’rencontrer Francesco et qu’y d’mande à Léonard d’la peindre ! Enfin, on dit ça ! Les gens sont méchants des fois. A Delft, c’était pareil quand ch’uis rentrée au service de Catherine.Comme elle était toujours grosse, j’entendais qu’il s’disait des médisances dans mon dos quand je faisais le marché. Comme quoi je n’faisais pas qu’le rangement et l’nettoyage des pinceaux dans l’atelier de Jan ! J’laissais dire…Pour sûr, la Mona, elle paraît bien fatiguée avec ses cernes qui la vieillissent ! Bientôt, il ne restera plus rien de son sourire énigmatique. Paraîtrait qu’elle fume en douce et qu’elle a du cholestérol…Oui là, le petit pépé est sous son charme ! Mais que fait-il ? Voilà qu’il sort une bombe et peinturlure la bouche de Mona, manière de rajouter la petite touche qui manquait à la commissure de ses lèvres ! Une bave rouge que ton Léonard n’avait pas prévue ma belle ! C’est pas grave, va prendre une douche mais prend ton temps, rien ne presse pour ton retour !! Du coup, la prochaine balade sous « La nuit étoilée » avec Van Gogh…elle est que pour moi ! Tiens, justement, le voilà qui rentre avec un magnifique vase et « Les Tournesols », mes fleurs préférées ! Trop chou ! Ah Mona, j’oubliais : avec cette peinture-aérosol, très nouvelle sur le marché, il faut frotter très fort pour la faire disparaître, à s’en arracher le vernis, à c’qui paraît  ! Bye bye…