Journal d’un loup page 54 à 57. LE CHÂTEAU DE LOUVUS

5 mins

29/07/87

Toujours aussi sec. 

Je vais approfondir mes explorations, ce qui, je pense, va m’entraîner plus loin et plus longtemps.

Le soleil n’est pas encore levé quand je prends la direction du nord-est.

J’ai traversé et longé la nationale qui traverse la forêt en remontant vers le nord. Rien trouvé de substantiel. 

Il y a dans cette partie de la forêt , une immense propriété datant du XVI ou XVII ème siècle, entourée d’un mur de 2 mètres de haut coiffé de tuiles romaines. Les fondations de pierre meulière sont surmontées de pavés de craie taillés, eux même surélevés de carreaux de terre. A certains endroits, à cause du temps et du manque de tuiles, les intempéries ont érodé les joints de mortier et les carreaux de terre, puis les pierres sont tombées créant des brèches et laissant ainsi le libre passage. 

A l’ouest, dans cette propriété d’environ 200 hectares, se trouve un parc d’une dizaine d’hectares et au centre du parc, une grande demeure bourgeoise. C’est le domaine du château de Louvus dont la partie non habitée est visitable une fraction de l’année.

       

          Château de Fléchère

  Je me suis arrêté sur le parking qui dessert l’entrée du château, vide en cette heure matinale, pour admirer cette grande bâtisse,

En façade et le long de la route devant le château, les jardins à la française sont clôturés par une grille de métal dont chaque pointe se termine, à 5 mètres de haut, par une lame de hallebarde en croissant de lune. Fermée tous les soirs, une lourde porte de fer forgé ouvre en journée sur les jardins. En forme d’ogive, elle est décorée aux armes de la famille, un L, un V et un D, entrelacés dans une guirlande de feuilles de vigne et de grappes de raisin. Une allée de cailloux blancs enjambe d’anciennes douves, comblées et engazonnées, qui ne se signalent que par le muret qui les entoure. Elle mène à la porte du château située entre deux tours carrées exposées vers l’ouest. A gauche, une partie des jardins à cédé la place à un petit complexe sportif avec terrains de tennis, volley-ball, but de hand-ball le tout encerclé d’une piste de course. Au fond, d’anciennes dépendances ont été  transformées en bureaux. De grandes portes de bois aux ferronneries séculaires trahissent d’antiques écuries tandis qu’à l’étage de grandes fenêtres neuves laissent deviner d’anciens greniers à foin aménagés. Au centre du bâtiment deux portes plus petites indiquent l’ancien emplacement des logements du personnel. Sur la droite du château, un vaste édifice plus récent, maçonné en briques et carreaux de craie soigneusement ordonnés qui forment des frises et des figures géométriques. Le tout est ajouré de grandes et nombreuses fenêtres. Les volets et la massive porte de bois sombre contraste avec le rouge et le blanc de la façade, eux-mêmes jouant avec le gris brillant des ardoises. Quatre grandes cheminées elles aussi de briques rouges percent la toiture dans un alignement parfait. Un escalier arrondi, large dans le bas mais se rétrécissait degrés après degrés mène jusqu’à une large porte à double battant armée de clous, de ferrures et d’un lourd heurtoir de bronze en forme de patte de lion griffue. Sur le fronton gravé dans la clef de voûte, le nombre 1889 datait cette construction. Ce bâtiment, plus récent que le château, a été réhabilité depuis quelques années en un centre d’aide et de réadaptation pour jeunes filles, mères célibataires, délinquantes légères, ou soustraites à des familles abusives.

Sur le mur, un panneau indique “PENSION DU VIGNOBLE”.  Le ” DU V ” disparaît immanquablement pour donner « PENSION          IGNOBLE » et réapparaître fraîchement repeint aussi régulièrement. 

Plusieurs personnes s’activent déjà sur le perron et des voitures commencent à arriver. Le personnel, je pense.

Discrètement, je reprends mon chemin en suivant le mur d’enceinte qui s’enfonce dans les bois. Sans oublier de dépouiller la poubelle pour y récupérer une bouteille plastique d’un litre, deux canettes de soda et 5 brochures “Welcome to London” polycopiées à l’intention d’élèves voyageant en bus et sûrement abandonnées à leur retour d’excursion. 

 Pour une brochure, c’est une trentaine de feuilles avec leurs couvertures qui sont reliées par une espèce de ressort en plastique. Sur chaque brochure, seul le côté belle page est imprimé, il me reste la fausse page pour écrire. 

 Le grand mur s’avère en fait bien plus dégradé à mesure que l’on avance dans la forêt. Seule la partie, visible du parking et de la route, est entretenue régulièrement. Le reste est réparé plus ou moins solidement et certaines brèches tout juste obstruées par un grillage. 

Je suis cette enceinte depuis longtemps quand j’aperçois la queue de l’étang du héron. J’entend le cliquetis des élévateurs, le crépitement de grêle du sable et des cailloux qui tombent en tas et le ronronnement des moteurs de camions impatients de reprendre la route. Trop de bruit pour moi, je visiterais plutôt au retour si c’est plus calme. Dommage j’aurais pu y prendre de l’eau.

La ferme du chien jaune

Je croise et suis quelque temps un chemin de grande randonnée, reconnaissable à ses balises blanches et rouges, avant d’attaquer la montée d’une colline où les résineux remplacent progressivement les feuillus.  

C’est un des trois monts, le plus au sud, qui forme la vallée où se trouve cette ferme que j’avais aperçu du haut de la colline aux silex

Cette ferme, très isolée, est logée au creux d’un petit vallon formé par les trois élévations montagneuses au sein de la grande forêt de sapins.

Elle est située au carrefour de trois ruisseaux qui se rassemblent pour former une petite rivière et une minuscule route qui ne dessert que la ferme, enjambe une grosse vanne qui sert de pont et qui crée une jolie cascade. 

C’est une ferme  presque carrée, très ancienne, genre Louvière. Sur les murs de pierres noircis par le temps, forts et hauts qui en forme l’enceinte, viennent s’adosser des bâtiments dont les façades sont toutes tournées vers la cour intérieure. Une grande arche de pierre avec une monumentale porte de bois, devait permettre l’accès des hauts chariots de foin et de paille à cette cour pavée. Avec une petite porte percée à l’arrière d’un bâtiment qui semble être une étable et qui mène à un gigantesque tas de fumier, ce sont les seuls accès  sur l’extérieur de cette maison forte.

Haut perchées, quelques trouées bardées de fer, percent les murs de-ci de-là plus pour aérer, je pense, que pour laisser entrer la lumière.

Tout autour de cette fortification et couvrant la vallée, s’étalent des prés. Chevaux, bœufs, ânes, moutons et chèvres paissent, séparés entre eux par des haies soit de charmes et de saules, soit des barrières de barbelés ou bien électrifiés. D’énormes pommiers, creux pour la plupart, sont disséminés dans chaque pâturage, et font de bons parasols aux animaux parqués.

De cette hauteur, à travers une fenêtre percée par la foudre dans les sapins, j’ai tout loisir de contempler cette image de carte postale. Je l’imagine même en hiver quand tout est recouvert de neige. 

Beuglements, hennissements, bêlements et braiements se mixent dans une belle cacophonie et montent jusqu’à moi en résonnant dans toute la vallée. Puis c’est le chant d’un coq qui me fait percevoir une multitude d’oiseaux courant dans la cour. Au centre une mare sombre, cerclée d’un muret sur les trois-quarts de sa circonférence, où grouillent quelques canards et que j’imagine poisseuse de l’huile qui s’écoule d’un vieux tracteur, en formant des flaques irisées .

 Quand, par de brefs instants, tous ces bruits s’arrêtent, je perçois le cliquetis caractéristique d’une chaîne sur les pavés de la cour. Vu d’ici, c’est un grand chien roux ! Non, plutôt jaune ! Qui traîne les 5 à 6 mètres de sa lourde entrave. C’est le seul prisonnier attaché de cet idyllique paradis fermier.

Je campe là !                                                                             

 

  Ferme de Longwé 08 Ardennes

 

 

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