LE REVENANT
Le mythe d’Orphée reste présent dans ton esprit. Tu as la bêtise de croire que grâce aux progrès de la médecine, aidée par la science, tu est revenu entier du royaume d’Hadès. Ou bien, tel Sisyphe, tu penses avoir trompé Thanatos.
Tu te crois un roc alors que tu n’es qu’un potentiel tas de cendres.
Devant il n’y avait rien, pas plus d’Eurydice que de démons, ni d’ancêtres pour t’accueillir. Alors tu regardes ton monde les yeux grands ouverts. Ahuri !
L’espoir ne fait plus partie de tes pensées. Coupable d’être malade, inutile, tu te rends compte que tu n’as plus rien à perdre puisque tu t’est délesté de tout. Tu t’en veux juste de faire de la peine à tes proches.
Revenu … ! Miracle …!
Revenu ? Non ! En fait, tu n’es pas vraiment parti. Pas non plus coupable d’être là car tu n’a fait que reculer le délai, alors que tant d’autres…! Et puis tu te faisais tellement à l’idée de n’être plus que tu n’éprouve pas le besoin de remercier pour ton retour.
Miracle ? Chance ? Destinée ?… Malédiction oui ! Car te voilà doté d’une clairvoyance que tu ne soupçonnais pas. Les traitements ont-ils aiguisé certains de tes sens tandis que d’autres disparaissaient, rongés par les acides.
Quelle horreur de lire le mensonge dans les yeux de ceux que tu aimerais tant croire. Quel dégoût de découvrir, dès leurs conceptions, les manigances et les stratagèmes que tu as toi-même tramés, jadis, en habile manipulateur. Tromperie, arnaque ! Tu vois tout. Pour toi l’argent n’à plus de valeur, moins qu’un sourire sincère, une caresse, ou simplement une main posée sur la tienne sans arrière-pensées. Tout cela est devenu si rare.
Inutile ? Tu ne l’es pas vraiment ! L’argent est toujours omniprésent, attaché à ta carcasse, collé à ta sueur, flairant ta fièvre. Dans ce monde de faux semblants, tous tournent autour de toi, les biens-vivants, les infirmières avec leur empathie feinte, et leurs discours personnalisés et protocolaires. A tout moment, tu te sent comme un bout de bidoche disséquée, manipulée, baladée de cabinets en laboratoires, monnayable à souhait, recyclable à merci. Chacun en veut sa part, son morceau. Les chacals se disputeront ton corps encore chaud jusqu’à tes cendres et même ta mémoire serra exploitée, si elle a quelques valeurs, et qu’importe celles que tu auras voulu inculquer. Après avoir participé à l’enrichissement de l’empire agro-industriel en bouffant plus que nécessaire, te voilà l’otage privilégié du royaume médico-pharmaceutique. Dans l’attente de tomber, raide mort cette fois, dans les bras grouillant des trafiquants de cadavres qui gouvernent le circonspect, mais bien réel, monde thanato-économique
Alors, maudissant ce funeste don, tu supplies “celle qu’on appelle pas” de ne pas t’oublier ici.
Forte thématique et ça sonne si vrai pour celui qui la subit. Un texte pas toujours facile à lire tellement il amène à des choses non dites .J’aime .
Alors il est important de les dire . Ou de les écrire 😉 Merci de l’avoir lu et commenté !