Les crocodiles du Roi

12 mins

Yamoussoukro – Côte d’Ivoire

Il était une fois un président qui se prenait pour un Roi. Si encore il était le seul, me direz-vous, mais j’ai cru comprendre que c’était monnaie courante ! Quoi qu’il en soit, ce président jouait tellement au Roi qu’il s’était fait bâtir un château – pardon, un Palais présidentiel – entouré de lacs, eux-mêmes remplis de crocodiles pour en protéger les accès, et tout le monde, aux environs, appelait ces monstres « les crocodiles du Roi »…

Ces derniers allaient me faire vivre une nouvelle et bien étrange aventure, mais au jour de mon arrivée dans la ville, c’est une chose que j’étais à mille lieues d’imaginer !

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Notre aventure africaine se poursuit en Côte d’Ivoire et après une courte étape à Abidjan – trop dense et trop bruyante à son goût – Papa a tenu à nous installer dans une autre ville, tout au centre du pays. Celle-ci porte un nom bizarre, que j’ai eu un peu de mal à retenir et à prononcer au début mais que je répète en boucle à présent, parce que c’est un bon moyen de le mémoriser, et parce que je le trouve rigolo : « Yamoussoukro », ou « Yakro » pour les initiés. Maman, qui continue de nous faire l’école, m’a enseigné que c’est la capitale politique et administrative du pays, quand Abidjan en est la capitale économique. Je n’ai pas tout écouté ni tout compris du rôle de chacune, je l’avoue, mais j’ai retenu que l’idée était née de la volonté du premier Président du pays – encore souvent surnommé ici « le Roi » ou « le Sage » – qui souhaitait faire de Yamoussoukro, son village central, une capitale centrée. J’ai pensé au village de mes grands-parents, en France, au fin fond de la Champagne, et je me suis dit que j’étais bien contente qu’il soit resté village, et que personne n’ait encore eu l’idée d’en faire une capitale.

Je me suis promenée dans la ville ce matin avec Papa, pendant que Maman faisait travailler Alphonse, et après Paris, Buenos Aires ou Dakar, j’ai trouvé cette métropole drôlement calme, presque endormie. Papa a lui aussi été surpris de voir de grandes et fastes avenues s’arrêter net pour laisser place à des chemins de terre rouge, des sentiers un peu boueux, qui ne mènent nulle part et se perdent au milieu de la brousse.

J’aime bien moi, le côté inachevé de cette ville, il fait travailler mon imagination, je peux y inventer plein d’histoires. Je suppose ainsi qu’une grande catastrophe est survenue et que les ouvriers des routes ont dû quitter leur poste de façon soudaine. J’ai proposé un tremblement de terre, ou une tornade et Papa a ri de mes hypothèses. Il m’a donné une autre explication, plus adulte, plus réaliste sans doute : une histoire d’argent. Je continue de préférer les miennes alors j’ai fait mine d’adhérer mais mon père a bien vu à ma moue que c’était juste pour lui faire plaisir. Il a souri, puis il a passé sa main dans mes cheveux, toujours dans l’espoir d’écraser mon épi mais celui-ci est resté égal à lui-même : têtu et rebelle, un peu comme moi, je crois.

Nous sommes rentrés à l’hôtel Président, où nous résidons. Le bâtiment est un peu vieillot mais il présente l’avantage d’avoir une belle piscine. Maman nous attendait sur un transat au bord, tandis qu’Alphonse pataugeait dans le petit bassin, une bouée autour de la taille, en plus de ses brassards. Je me suis bien sûr moquée de lui, il a pleurniché, Maman m’a réprimandée et a menacé de ne pas m’emmener avec eux voir le lac aux crocodiles sacrés si je ne cessais d’embêter mon frère. J’ai haussé les épaules et j’ai sauté dans le grand bain, juste pour montrer à Alf combien je suis grande, mais pendant que je nageais, cette histoire de crocodiles m’a tracassée, aussi j’ai décidé de rejoindre mon frère dans le petit bain, histoire de faire la paix. J’ai joué un peu avec lui, je lui ai montré comment nager sans bouée, puis j’ai pris ma voix la plus douce pour demander à mes parents quand ils avaient l’intention de nous emmener voir les crocodiles. Papa a ri, Maman a froncé les sourcils, et tous deux en répondu en chœur que j’étais vraiment trop maligne.

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La tête sous les draps, je lis à la lueur de ma lampe de poche, aussi discrètement que possible pour ne pas réveiller Alphonse. J’ai hâte de rencontrer les crocodiles du Roi et je voulais en savoir plus sur eux avant de m’en approcher, alors j’ai emprunté le guide qu’utilise Maman pour préparer ses cours, et j’ai découvert des choses incroyables sur ces animaux fascinants ! Les sauriens – j’ai commencé par apprendre ce mot – de Yamoussoukro sont de véritables crocodiles du Nil, des monstres pouvantatteindre une longueur de six mètres ! l’origine, ils ont été placés comme gardiens de la propriété duPrésident Houphouët-Boigny… Ils se sont tellement multipliés depuis qu’ils ne peuplent plus seulement les trois lacs entourant le domaine, mais qu’on les trouve même aujourd’hui dans les canaux de la ville !

Chose étrange, mon kaléidoscope chauffe doucement depuis le début de ma lecture, et je ne sais à quoi l’attribuer. Pas d’images bizarres pour le moment mais je le connais, il ne livre pas tous ses secrets d’un coup et prépare toujours plus ou moins ses effets. Ainsi je sais qu’il s’apprête à m’annoncer quelque chose, mais quoi ? Je vais dormir, on verra demain…

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Il me semble que nous arpentons les allées de Notre-Dame de la Paix depuis des heures ! Alors que je piétine d’impatience à la perspective de rencontrer les crocodiles du Roi ! Maman passe et repasse dix fois devant chacun des vitraux, comme pour me narguer, elle s’enthousiasme sans fin pour les dimensions de la basilique, évoque une énième fois les différences avec celle de Saint Pierre de Rome à laquelle elle ressemble tant, et Papa photographie le dôme sous tous les angles, sans jamais se lasser… Je soupçonne très fortement mes parents de s’être alliés pour me faire perdre patience, et même Alphonse m’agace à jouer les enfants sages, lui qui en temps normal aurait demandé mille fois à sortir jouer sur le parvis !

Nous y voilà enfin… Le lac aux crocodiles sacrés ! La première chose qui me frappe lorsque nous arrivons sur les lieux, c’est le calme qui y règne. Pas le moindre bruit, pas le plus petit mouvement, juste cette eau trouble, presque boueuse, qui m’attire et me fascine et qui, en dépit de sa tranquillité, me glace le sang. J’imagine les monstres tapis sous sa surface, leurs yeux jaunes rouler telles des billes sous leurs paupières closes, leurs corps larges et puissants déjà prêts à bondir, à surprendre et à foudroyer les proies au moment de l’attaque. Papa pose une main sur mon épaule et je sursaute. Il rit, puis il pointe devant lui.

– Là, sur ce gros rocher en face, tu vois ?

Je reste bouche bée. Trois énormes troncs d’arbres morts viennent de se mettre à ramper lentement devant nous avant de se laisser glisser dans l’eau en silence, et sans remous. Je frissonne encore quand j’aperçois un petit homme – ou peut-être est-ce un enfant ? – de l’autre côté des grilles. Il longe le lac, passe juste à côté des crocodiles, dont il caresse le nez de son bâton, pour se diriger vers nous et notre poste d’observation. Papa et Maman s’écartent et nous tirent vers eux, persuadés que l’homme va nous réprimander pour nous être trop approchés mais ce dernier nous adresse un large sourire sans dents et nous fait signe, au contraire, de nous coller à la palissade

Maman regarde Papa d’un air dubitatif mais celui-ci fait quelques pas en avant et  malgré mon effroi, je l’imite pour lui montrer combien je suis courageuse. Seule la porte grillagée nous sépare désormais du repaire des monstres et de l’homme qui, de près, n’est effectivement pas plus grand que moi ! La peau de ce dernier est ridée comme un vieux parchemin, son grand sourire ne le quitte pas, et ses yeux bruns recèlent une espièglerie et une jeunesse qui suscitent tout de suite en moi une grande sympathie. Et comme pour me conforter dans mes impressions, mon kaléidoscope se réveille doucement et se met à ronronner comme un chat au fond de ma poche.

— Vous voulez que je vous présente mes protégés ? Alors voici Commandant, ici vous avez Capitaine, là, Maître de Cabinet…

L’homme désigne tour à tour chacun des monstres qui rampent autour de lui, sans manifester aucune trace d’inquiétude, comme s’il pointait des animaux de compagnie ! Les crocodiles glissent lentement vers nous, l’un d’eux frôle la grille, je peux sentir le mouvement d’air que sa longue queue déplace et, malgré moi, je frémis. 

— Voyez, c’est Monsieur Colonel qui veut vous dire bonjour !

Le plus grand crocodile du parc, un colosse d’une longueur de quatre mètres au moins et large comme une table de salon vient de faire volte face devant la grille avec une rapidité déconcertante, et il me fixe à présent de ses impressionnants yeux jaunes. Bien qu’intimidant, son regard m’interpelle : j’y décèle une lueur d’intelligence à laquelle je ne m’attendais paset quelque chose de plus profond encore, comme une sorte d’humanité.

L’homme lui tapote le dos de son bâton et sourit de plus belle. Je remarque alors qu’il lui reste une seule dent et je ne peux m’empêcher de penser au contraste qu’il affiche ainsi avec ses « protégés » qui ne sont, eux, que mâchoires ambulantes ! Je souris intérieurement en pensant que c’est peut-être par revanche qu’il a développé une telle passion pour ces animaux… Puis l’homme – Dicko – explique à Papa que c’est l’heure du repas et, se tournant vers moi, il me demande si cela me ferait plaisir d’y participer en jetant un poulet vivant aux crocodiles ! Devant mon regard atterré, il se met à rire franchement et hausse les épaules avant de s’éloigner en slalomant entre les géants.

**********

Je n’ai pas participé au déjeuner des crocodiles et j’ai même fermé les yeux lorsque Dicko leur a jeté en pâture des poulets vivants ! Maman et Alphonse étaient déjà partis aussi seuls Papa et moi avons entendu le son terrifiant des mâchoires qui claquaient dans les airs avant de broyer les os des pauvres volatiles. Lorsque le vacarme a cessé, j’ai enfin osé rouvrir les yeux et j’ai compris, à la quantité de plumes qui jonchaient le sol, que les sauriens venaient de se livrer à un véritable carnage… Et j’ai frémi en pensant que cela se produisait en moyenne deux fois par jour ! Dicko, heureux et fier, nous souriait toujours de son sourire d’enfant, et Papa l’a poliment remercié avant de me prendre par la main et de se pencher à mon oreille pour me demander une énième fois « Tu es sûre que ça va ? »

J’avais la nausée mais je n’ai rien montré et nous avons lentement regagné l’hôtel. C’est en arrivant dans ma chambre que j’ai réalisé que mon kaléidoscope vibrait, et ce depuis longtemps ! Je me suis alors rappelé qu’il avait même vibré plus fort durant toute la séance du repas des monstres, mais que dans ma peur, je l’avais négligé. Prenant conscience qu’il s’attachait désespérément à me dire quelque chose d’important, je l’ai enfin sorti de ma poche, j’ai collé mon œil à sa lunette, et ce que j’y ai vu m’a glacée d’effroi…

**********

Le vieil homme ne craint pas les crocodiles. Il n’a pas peur, jamais. Il les aime, il les nourrit, il les chérit, chaque jour que Dieu fait. Il les connaît tous, depuis toujours : certains ont presque son âge, les autres, il les a vus naître. Il leur a consacré sa vie, tout son temps, ils sont sa famille, ses enfants, la famille qu’il aurait pu avoir, les enfants qu’il n’a pas eus. Chaque jour, depuis quarante ans, il court et danse entre leurs gueules immenses, prend la pose, un pied sur leur dos, évite savamment leurs claquements de dents en l’air et leurs coups de queue. Il en a fait un show pour le public, pour les touristes qui viennent toujours plus nombreux et de tous les endroits du monde pour le photographier. Il a mis en place ce petit rituel des repas, qui plaît à certains – pas à tous, et rarement aux enfants, il est vrai. Il repense soudain à la petite fille aux cheveux blonds et aux taches de rousseur. Le vieil homme ne saurait dire pourquoi, mais cette petite fille lui a fait un grand effet. Peut-être parce qu’elle a tenu tête à ses parents et refusé de partir au moment du repas des sauriens ? Ou parce qu’elle lui a planté un regard franc et entier dans les yeux, et un sourire tendre en plein cœur ?

Le vieil homme ne sait pas comment les choses arrivent. Elles arrivent, c’est tout, c’est comme ça. Il exécute ses gestes de façon mécanique, les mêmes gestes chaque jour, depuis un si grand nombre d’années ! Le lac aux crocodiles est son antre, sa fosse aux lions, il en est le maître, il est ici chez lui. Il connaît chaque caillou comme sa poche, il sait où marcher, où éviter de poser les pieds, mais à ce moment, allez savoir pourquoi, le talon de sa sandale glisse et le pan de sa djellaba vient frôler le museau de Capitaine. Un Capitaine de mauvaise humeur, ou surpris, tout simplement. Alors, et contre toute attente, l’énorme crocodile donne un violent coup de queue au petit homme qui, déjà déstabilisé par sa glissade, perd complètement l’équilibre et tombe comme une pierre dans le lac. 

**********

Des clapotis, une nuée d’écailles, des vêtements qui volent, du sang. Les images dans mon kaléidoscope sont terrifiantes ! Je reconnais tout de suite le lac aux crocodiles et je pense d’abord aux poulets qui, chaque matin, leur sont jetés vivants, à cette scène terrible que j’ai refusé d’affronter tout à l’heure. Mais un détail m’interpelle et très vite je réalise que c’est encore plus grave. Les vêtements ! Ce n’est pas une scène de repas que me montre mon objet magique, mais un terrible et effroyable accident ! Je quitte ma chambre sans réfléchir, et je mets cinq secondes à rejoindre celle de mes parents.

— Papa, Maman, c’est horrible, il faut retourner au lac, quelqu’un va tomber dans la fosse aux crocodiles !

Ma père pose son appareil photo, ma mère lâche son livre. Le sang bout dans mes veines, ma tête est prête à exploser : je sais par expérience que le kaléidoscope m’annonce des faits à venir, ou des événements susceptibles d’arriver, mais là, il a vibré si longtemps avant que je ne le consulte que j’ai bien peur que le pire ait déjà eu lieu !

— Qu’est-ce que tu dis, Gisèle ?!

Je tente d’expliquer à mes parents ce que le kaléidoscope m’a montré : le sang, les vêtements déchirés, le lac en ébullition, la rage des crocodiles… Je suis tellement fébrile que je bégaie, les mots se mélangent, Papa fronce les sourcils, il me demande de me calmer, de répéter… Je sens que le temps presse, je le tire par la main en criant « il faut tout de suite rejoindre le lac aux crocodiles ! »

C’est à l’instant où nous arrivons que le drame se produit. Nous avons juste le temps d’apercevoir Dicko, debout sur une pierre au milieu de la fosse, et je ne sais pas si ceci est lié à ce que je viens de comprendre mais il me semble encore plus petit et plus frêle à cette distance. Je m’apprête à lui crier de faire attention mais les mots n’ont pas le temps de sortir de ma bouche et, impuissants, Papa et moi assistons à la chute de Dicko, le soigneur de crocodiles, au milieu du lac.

Les eaux se troublent, le grondement monte. En moins d’une seconde, c’est le feu, la guerre, la fin du monde dans le lac. Je suis terrifiée, Papa l’est tout autant que moi. Il me serre fort contre lui, il ne sait que dire, je ne peux plus rien faire ! Il veut me couvrir les yeux, je repousse énergiquement sa main, je ne parviens pas à détacher mon regard du combat qui se déroule sous mon nez. Je ne vois pas grand-chose, tout se passe sous l’eau qui bout, mais les immenses queues qui sortent et frappent la surface laissent peu de doute sur le carnage en cours et sur son issue fatale. J’ai encore en mémoire les clichés du kaléidoscope et j’attends avec angoisse de voir paraître les lambeaux de vêtements et le sang qu’il m’a si durement exposés. 

Le sang paraît enfin alors je pousse un cri et je ne retiens plus mes larmes. Elles roulent à gros flocons sur mes joues glacées. Papa me serre toujours très fort et je sens qu’il tremble. Il n’a pas eu le temps de m’éloigner de la scène, tout est allé si vite, il est si choqué lui-même ! L’ébullition du lac a cessé, le calme est revenu. Il ne reste que le rouge. Même le ciel s’est coloré, sans doute en hommage… Soudain mon œil est attiré par quelque chose qui bouge, à quelques mètres de moi et il me faut quelques secondes avant de comprendre ce que je vois : une forme chétive, un corps tout frêle, trempé jusqu’aux os et dont les vêtements sont en loque, vient de se relever doucement. Je n’en crois pas mes yeux : Dicko, le soigneur de crocodiles, que je pensais déjà en bouillie au fond du ventre de ces monstres, vient de revenir à la vie !

**********

Je regarde Dicko. Le vieil homme a perdu son sourire. Il m’explique qu’il n’en veut pas aux crocodiles, qu’il ne peut pas leur en vouloir : il sait qu’ils ont agi par réflexe, par instinct, que c’est leur nature qui les a poussés à se jeter sur lui, comme ils se jettent sur tout ce qui entre dans l’eau, sur tout ce qui pénètre leur territoire. Non, il s’en veut à lui, dit-il, de s’être montré si confiant, et surtout d’avoir glissé. Il en veut également un peu au Capitaine quand même… Ce saurien qu’il a vu naître, à qui il a souvent réservé les meilleurs morceaux de viande, un animal qu’il considérait, plus que beaucoup d’autres, comme un ami. S’il lui en veut, ce n’est pas tant de l’avoir jeté à l’eau lui — ça aussi, à la rigueur, il peut le comprendre. Mais ce qu’il comprend moins, c’est ce qu’il a fait au Colonel. Ce qu’il a fait et ce qu’il a laissé les autres faire… A cette évocation, je vois les yeux du vieil homme s’embrumer. Pauvre Colonel ! Dire que le vieux crocodile lui a sauvé la vie ! Le vieil homme me raconte : comme il n’a pas tout de suite compris ce qui lui arrivait au moment où il tombait dans le lac, il a mis plusieurs secondes avant de réaliser qu’à peine entré dans l’eau, un nouveau coup de queue puissant l’en éjectait tout de suite, et que c’est ruisselant et tremblant, mais sain et sauf, qu’il a assisté, depuis la berge, à l’acharnement des crocodiles sur celui qui venait de les priver d’un encas, à savoir le plus vieux, le plus grand et le plus imposant d’entre eux, le Colonel !

Nous avons quitté Yamoussoukro ce matin, après une dernière visite à Dicko à l’hôpital. Dicko qui n’a pas l’intention de changer de métier malgré ce qui vient de lui arriver. Je n’en ai rien dit à mes parents, mais son récit m’a sidérée. Et je n’ai toujours pas compris pourquoi le kaléidoscope m’a envoyé ces images, car je n’ai pas pu faire grand chose pour empêcher le drame, finalement. Papa dit que si nous n’étions pas arrivés à temps, les crocodiles auraient fini par attaquer Dicko sur la rive, et que même si je n’en ai pas conscience, je lui ai sauvé la vie… Peut-être, je ne sais pas. Si c’est le cas, j’en suis heureuse, mais je ne peux m’empêcher de penser au Colonel, que j’aurais voulu sauver aussi. Je revois son regard, si fort et pénétrant lors de notre unique rencontre… Tentait-il de me dire quelque chose ? Aurais-je pu le protéger si j’avais accordé davantage d’attention à mon objet magique ? Ces questions me hantent. Une chose est sûre, l’action de ce géant, son sacrifice surtout, me touchent énormément. Ils prouvent que l’empathie n’est pas réservée à l’homme et que les animaux, même les plus froids et les plus féroces, ceux dont on attend sans doute le moins, peuvent, dans certaines circonstances, se révéler bien humains.

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2 Commentaires
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Cora Line
2 mois il y a

Gisèle nous livre là, un frémissant épisode de ses voyages ! J’ai eu des frissons pendant le “déjeuner” des sauriens et même plus…Mais l’épisode est “délicieusement raconté”. Bravo Séverine

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