♤ Jared ♤
Paris, Salle de spectacles, Extérieur, 22 h 35
Le concert est fini depuis un moment et les fans sont encore déchaînés dehors. Ils hurlent, s’excitent, sautent, sifflent, scandent nos prénoms et le nom du groupe. Comme d’habitude, les groupies sont habillées de façon provocante pour nous aguicher. Elles tentent de se démarquer les unes des autres, dans l’espoir qu’on les choisisse pour finir dans notre pieu. En temps normal, j’aurais pris le temps de mater la marchandise avant de choisir celle qui a le moins de formes, pour ne pas dire carrément plate, mais pas ce soir. D’une, je n’en ai pas envie et de deux, je n’ai pas le temps.
C’est surtout que t’as envie de te taper Andreas, baby ! Je suis sûr que si tu lui dis que tu as envie de le baiser, il ne dira pas non.
Que dalle ! Ce mec me fout les nerfs. J’ai plus envie de lui en coller une que de lui foutre ma bite dans le cul !
Dixit le mec qui a rougi comme un puceau quand le beau gosse lui a dit qu’il était bien foutu ! Qui bande à chaque fois qu’il le regarde ? Et qui s’imagine le sauter dans tous les coins sombres qui existent ?
Dégage !
Je reste à l’écart de l’hystérie générale une clope aux lèvres, tandis que Liam, Kane et Peter signent des autographes sur des photos d’eux et de nous. Ils dédicacent notre album qu’elles ont apporté, ainsi que toutes les parties bien en chair de leur corps. Il y a aussi une avalanche de selfies avec bisou sur la joue. Certaines groupies n’ont pas froid aux yeux, elles les chauffent et leur roulent des galoches, afin de décrocher leur ticket pour une nuit d’orgasmes. Kane est un chaud lapin et un séducteur. Liam est réservé et authentique. Quant à Peter, il est le papa de deux terreurs rousses appelées June et April. Alors autant dire que les coups d’un soir sont quasi inexistants pour eux, enfin pour Liam et Peter, surtout. En ce qui concerne Kane et malgré les apparences, il est sélectif. Il ne partage pas son plumard avec n’importe quelle nana. Elle doit avoir quelque chose de particulier voire de spécial, qui attise suffisamment sa curiosité pour qu’il lui donne le numéro de sa chambre.
J’observe ce cirque en fumant, tranquillement. Liam fait encore quelques signatures avant de fuir dans le bus. Il faut dire que se faire rouler des patins par des inconnues, signer des culs et des seins, ce n’est pas sa came, mais il joue le jeu. Peter le suit quelques instants plus tard pour répondre à l’appel de ses filles. De son côté, Kane ne tarde pas à me héler pour que je le rejoigne. Je prends mon portable et je regarde l’heure. Il me reste un peu de marge avant mon rendez-vous avec l’autre connard, à vingt-trois heures. Je vois nos roadies passer avec les dernières caisses et j’alpague Mike, qui est le dernier à sortir.
— Il n’est pas là, Andreas ? lui demandais-je.
Putain, mais pourquoi je lui demande ça ? J’en ai rien foutre de ce mec.
— Non. Il est parti, peu de temps après Damon et les autres.
— Comment ça, il est parti ?
— Il n’allait pas bien depuis la fin d’après-midi, mais je pense que c’est son appel de tout à l’heure qui l’a achevé. Il était livide quand il nous a demandé s’il pouvait rentrer.
— Je vois, merci.
— De rien.
Mike va rejoindre les autres pour leur donner un coup de main.
Bordel, c’est quoi ce délire ? Qu’est-ce qui se passe avec Andreas ? C’était quoi cet appel ? Et c’était qui, surtout ?
Pour quelqu’un qui n’en a rien foutre de lui, je te trouve bien inquiet et jaloux tout à coup, baby.
Ferme là, ce n’est pas le moment !
Contrarié, je termine ma nouvelle clope. Je la jette et l’écrase avant de rejoindre Kane, dans la fosse aux lionnes. Plus vite je termine cette séance de dédicaces, plus vite je me rends à ce rendez-vous avant de retrouver Andreas pour éclaircir tout ça.
En espérant que cet enfoiré ne fasse pas durer les choses comme d’habitude…
***
Je suis dans cette suite du Love Motel depuis vingt minutes et ce connard n’est toujours pas arrivé. J’ai déjà eu du mal à me débarrasser des groupies à la séance de dédicaces et à trouver une parade pour me rendre ici. Alors si en plus, il prend son temps pour se ramener, je vais péter un plomb. J’ai autre chose à foutre, je dois voir Andreas et lui parler.
Je comprends mieux son jeu de mots de ce matin. J’ai vraiment l’impression d’être en Enfer avec le thème de cette suite. Il y a des squelettes, des flammes, des symboles sataniques et des inscriptions incompréhensibles sur les murs. De plus, la pièce est dans les tons jaune-orangé et rouge. Il n’y a que la salle de bain qui se démarque de cette ambiance infernale et qui est normale. Le type de l’accueil m’a dit que les chambres disposaient d’une fenêtre commune en vis-à-vis. Pourquoi, pour faire du voyeurisme ? Mais elle n’est ouverte que si les deux parties sont d’accord. Comme si j’allais accepter de me faire mater en train de baiser cet enfoiré. Une pute qui en saute une autre, voilà le concept de ce rancard quotidien. Tout ça pour récupérer cette foutue de vidéo dans son intégralité, qu’il prend un malin plaisir à m’envoyer par extraits. À croire qu’il est tombé amoureux de ma queue, ce bâtard.
J’ai le temps de visiter quinze fois les lieux, de m’en imprégner et même de tester le matelas avant qu’il décide de se montrer. Je suis debout aux pieds du lit à regarder ailleurs lorsqu’il se place dans mon dos. Il caresse mes bras et mon torse, du ruban noir avec lequel il me bande habituellement les yeux. Oui, je le baise à l’aveugle. J’ai eu du mal à trouver mes marques au début, mais c’est un jeu d’enfant, désormais. Je connais son corps et ses zones érogènes par cœur, à force de le pratiquer. Cependant, il y a quelque chose qui a changé dans l’ambiance et je n’arrive pas à mettre le doigt dessus.
Après avoir mis le ruban sur mes yeux et l’avoir noué, ses mains redescendent le long de mon buste. Il l’effleure du bout de ses doigts, m’envoyant des décharges électriques dans tout le corps. Il me file des frissons et me fait bander comme un taureau, ce qui lui permet de plonger l’une de ses mains dans mon boxer. Il me caresse en alternant langueur frustrante et cadence frénétique, tout en me bouffant le cou et le lobe d’oreille. Je grogne, je gémis et j’envoie des coups de bassin par moments. Cette enflure à un toucher de fou et il me rend dingue.
Bordel ! Je sens que je vais prendre un pied d’enfer, ce soir…