Elle n’arrive pas à ouvrir la porte du sauna. Elle a beau tirer, pousser, donner des coups d’épaule, elle reste imperturbablement close.
Elle crie plusieurs fois, en s’excitant sur la poignée : je suis enfermée, s’il vous plaît, vous m’entendez ? et elle a fini par hurler jusqu’à l’extrémité de l’expiration. Ça lui donne encore plus chaud, ça fait décrocher son cœur. Alors, elle s’arrête après cinq ou six tentatives.
Elle panique et ça lui donne toujours plus chaud. Ce chaud qu’elle attendait tant pour relaxer ses membres endoloris… maintenant, elle suffoque, elle respire plus fort et plus profondément pour aller chercher le souffle qui crante et fait des ratés. La chaleur extérieure de sa peau brûle à l’intérieur et la consume. Les pensées quittent sa conscience. Ses organes bougent, ils se cognent, se coincent et se tordent. Elle est envahie par une quinte irritante, sèche, nerveuse qui met de l’huile sur sa brûlure. Elle gratte sa gorge à grands coups d’ongles qui griffent sa peau déjà au supplice.
Elle sent la chaleur qui est en train de gagner du terrain autour d’elle. Comme un manteau qu’on poserait, elle avance sur elle, elle la piétine, elle la vampirise. Son corps tourne sur lui-même à la recherche d’une fenêtre, d’un trou, d’une fente. Ses yeux font des cercles et se révulsent. Elle se sent au bord de l’évanouissement.
Elle va mourir, elle est sûre qu’elle va mourir. Il faut qu’elle arrête de s’agiter mais elle ne peut pas s’asseoir et attendre la grande faucheuse. Non, elle ne veut pas finir ici. Elle se rue sur la porte, elle tape dedans à grands coups de pied, à grands coups de poing, elle puise toutes les forces qu’elle a au creux du ventre et, avec ses tripes, elle se remet à hurler : au secours, je suis enfermée, venez je vous en prie, au secours !
Elle glisse contre la porte, elle s’écroule en larmes. Sa peau ruisselle, ses tempes vrombissent, les veines de ses mains sont gonflées, rouges, tellement rouges qu’elles semblent prêtes à exploser. Elle se sent fatiguée. Si fatiguée. Un instant, elle songe à la fraîcheur du dehors et elle pleure encore plus.
Elle ferme les yeux et murmure : s’il vous plaît, je vous en supplie, venez m’ouvrir la porte, venez.
Elle halète, elle essaie de se calmer, de se dire que c’est impossible que personne ne vienne la sauver. Elle essaie même d’imaginer qu’il fait froid mais la chaleur est insupportable à tel point qu’elle perçoit son sang, peu à peu, devenir gazeux. Elle est en surchauffe et elle sait que d’un moment à l’autre, le processus ira jusqu’au bout…
Dans un sursaut, peut-être le dernier, elle bondit sur ses pieds, elle tape, elle tape, encore et encore, avec les mains, avec les poings, avec les pieds, elle se fracasse entièrement contre la porte, sa voix diminue au fur et à mesure des appels pour conclure sur un long gémissement presque inaudible. Elle ne sait pas pendant combien de temps elle s’est battue contre l’évidence avant de s’écrouler…
Oh madame, madame, pardon, j’étais persuadée qu’il n’y avait personne ! Pardon ! ça va, dites-moi, ça va ? madame ?
Elle aurait pu sentir qu’on lui parlait, qu’on lui touchait le bras, qu’on la secouait, qu’on lui donnait même des tapes sur les joues. Elle aurait pu si elle vivait encore.