« Regardez, il bouge, il va se réveiller. »
L’impression de revivre la même scène, plusieurs fois auparavant, la voix de maman et je sens d’autres personnes avec elle dans la pièce.
« Laissez-moi lui parler, dès qu’il le pourra. »
Le prof de chimie est là, je lève lentement les paupières, ils sont trois avec une infirmière, je regarde tout autour, j’ai encore un tube dans le bras et la pince sur mon doigt. Maman s’approche de moi et elle me prend la main, mais ce n’est pas moi qu’elle regarde, j’ai l’impression qu’elle est en train de poser une question muette au professeur.
« Pouvez-vous me répondre jeune homme, sinon j’attends un peu, j’ai parlé à votre mère, il faut que j’en sache plus. »
Je suis en train de tout remettre en place, mon voyage, ma fatigue et maintenant mon réveil et lui qui je suis sûr, va tenter de savoir, il faut que je fasse attention à ce que je vais répondre, j’essaie de regrouper mes pensées, je lui fais signe que oui, maman ne me lâche pas et serre plus fortement.
« Bien, bien, on va tenter de vous aider pour que vous alliez mieux, mais il me faut des réponses correctes pour avancer, je suis un peu dans le flou si vous ne me dites rien. Je pense que vous me comprenez. »
J’acquiesce lentement de la tête, je me sens un peu vaseux mais les idées en place, il n’aura comme sujet que ce que je voudrais bien.
« Expliquez-moi ce qui se passe quand vous vous endormez, vous avez mal quelque part, une douleur dans la tête, dans la nuque peut être ? »
« J’ai un peu mal à la tête, c’est vrai mais parce que je fais plein de cauchemars, je n’arrive pas à dormir tranquillement. »
« Des cauchemars ? Je sais, vous m’en avez parlé, mais quel genre, je n’arrive pas à comprendre pourquoi ça vous fait cet effet. »
Mon ami m’a aidé quelque peu quand je m’en suis servi, j’ai lu qu’un rêve pouvait produire de la fatigue comme si on avait l’impression de trop y participer, comme une course à pied, il faut que je lui fasse une réponse dans le genre.
« Je crois que je suis complètement dans mon rêve, tout me fait peur comme si j’étais dedans, je cours pour m’échapper, mais je n’y arrive pas. »
« Je connais un peu ce genre de cauchemars, mais pour être plus précis, que ou bien qui voyez-vous ? Des choses que vous reconnaissez ? »
Là, je ne sais pas quoi lui dire, il faut que je reste flou.
« Des fois oui, des fois non, ça me semble juste réel quand je m’en souviens au réveil. »
« Mais là, maintenant, vous nous avez fait une grosse fatigue, de quoi parlait ce rêve, ou alors ce cauchemar, si vous en souvenez encore. »
Je ne risque rien à raconter un peu de mon dernier voyage, sans être trop précis.
« J’étais dans une fête, tous des adultes qui buvaient de l’alcool, il y avait des gâteaux et des cadeaux, moi je n’avais que du jus d’orange, comme je ne connaissais personne je voulais partir. »
Je parlais lentement pour penser chaque mot, pour ne pas trop en dire.
« Et vous avez pu vous échapper ou il y a autre chose ? »
« Non, non, rien de plus, je me suis réveillé là dans le lit. »
« Bien, bien, et les autres sont du même genre si vous vous souvenez ? »
« Je rêve quelquefois d’amis, de gens que je connais, mais ce n’est pas souvent. »
« Bien, bien, donc vous croisez des gens que vous ne connaissez pas, c’est ça qui vous fait peur. »
J’ai l’impression qu’il veut me coincer quelque part, qu’il veut que je lui dise quelque chose de spécial, je ne sais pas trop, je continue dans le flou.
« Oui, c’est ça, je ne connais pas les gens, alors je veux partir, et ça me réveille. »
« Une autre petite question. Vous avez déjà rêvé de gens de la clinique que vous avez croisés plus tard dans les couloirs ? »
Je ne sais pas trop quoi lui répondre.
« Peut-être une fois ou deux, je ne sais plus, à force de voir toujours les même personnes, ça doit être possible. »
Mince, trop tard, je viens de repenser à sa phrase, il a dit plus tard, enfin, je ne sais pas trop, il va falloir que j’arrête, on dirait un film ou l’inspecteur interroge le coupable, ça commence à bien faire.
« Bien, bien, avez-vous une idée du temps que tout cela dure pendant votre sommeil? »
« Non, non, pas du tout, j’ai l’impression que ça va vite, c’est tout. On pourrait arrêter, je me sens un peu fatigué. »
Maman me lâche la main après l’avoir serrée fortement comme une réponse à ma phrase, je crois que la lionne qui protège va entrer en action.
« S’il vous plaît professeur, je pense que ça suffit, il vous dit qu’il est fatigué, je pense que vous en avez assez, vous reviendrez une autre fois surtout que je ne comprends toujours pas ce que viennent faire des rêves dans son état. »
« Bien, bien. Je vous le laisse, vous avez raison. Donnez-moi juste trente secondes avec lui, et je m’en vais, il faudra que l’on programme son IRM prochainement, et normalement, il n’a plus d’examens. Attendez-moi quelques secondes avec l’infirmière, j’arrive. »
Le temps que je me retrouve seul avec lui, il sort enfin son carnet, comme pour appuyer ce qu’il va me dire, il tourne quelques pages, mais n’écrit rien.
« Vous le savez peut-être, je ne sais comment l’expliquer, mais à deux chambres de vous dans le couloir, il y a un hospitalisé presque comme vous, il conduisait après avoir beaucoup trop fêté un anniversaire, sur les trois personnes du véhicule, il est le seul survivant, mais malheureusement dans un état végétatif avancé, je pense que vous me comprenez. »
« Je vous écoute, mais je ne vois pas ce que vous voulez dire. »
« Par un certain hasard, au moment de votre fatigue, son corps a fait un malaise, il était en train de rejeter toute l’assistance qui lui permet de survivre, c’est-à-dire qu’il a voulu se remettre à fonctionner comme avant l’accident. Tout est question de hasard, il y en a beaucoup ces temps-ci, vous fonctionnez très bien malgré votre accident, vous avez eu de la chance et beaucoup de courage, je finis ne vous inquiétez pas, mais je vais vous expliquer brièvement mon travail, je vous l’avais promis. Peut-être le savez-vous, je vous crois assez intelligent pour ça, j’ai travaillé dans le domaine des rêves et de la télépathie, je sais ça fait un peu science-fiction, mais mon but serait d’aider des gens comme lui justement, tenter de stimuler une partie du cerveau pour réveiller le reste, une petite porte d’entrée si vous préférez. Bien, je ne vous retiens pas plus longtemps, je crois que votre mère doit s’impatienter, on en reparlera une autre fois, bonsoir jeune homme. »