« Finalement, tu es de leur côté, tu es sympathisant avec les « Trumps » de ce monde ! »
J’avoue que j’en ai eu le souffle coupé. Comment Claude avait-il pu en arriver là ? On en était au dessert, nous nous préparions à passer à la cafétéria. Nos autres collègues s’arrêtèrent net de parler. Il n’y avait pas que moi qui ait marqué un temps d’arrêt. Toutes les discussions que nous avions entre nous depuis des mois se déroulaient toujours dans une ambiance cordiale, amicale, axée sur l’écoute, la compréhension, la recherche d’explications. Nous étions un groupe d’une dizaine de collègues qui se retrouvaient tous les jours pour déjeuner ensemble au restaurant d’entreprise. Nous parlions souvent de ce sujet d’actualité brûlante : le réchauffement climatique. Bien sûr, toutes les positions étaient représentées, les climato-sceptiques, les adeptes purs et durs du GIEC, les écolos radicaux … Souvent la discussion se continuait à la cafétéria, on allait même jusqu’à s’envoyer des liens d’articles par Internet. Claude était très loyal, très méthodique dans ses raisonnements. Il s’était même créé une sorte de rapport amical entre nous, bien que nous ne nous voyions pas en dehors de la Société.
Ma position personnelle consistait surtout à partir des faits, à éviter toute position polémique. De temps en temps, je me faisais un peu l’avocat du diable, parce que j’aime beaucoup la provocation. Mais ce jour-là, le fait que Claude m’ait assimilé brutalement a un adepte de la théorie du complot, à un partisan du populisme et surtout qu’il nie le caractère rationnel de mon raisonnement, cela m’a complètement sidéré. J’étais abasourdi, sans défense, sans plus aucune capacité de répliquer. J’ai ramassé mon plateau, je me suis levé, j’ai prétexté avoir une note a terminer dans mon bureau avant la réunion de quatorze heures, pour m’en aller sur-le-champ, sans rien dire à personne.