Il ne m’a jamais été donné de vivre un spectacle si saisissant, si apaisant que celui-ci.
Le reflet d’un miroir, son regard, le mien se perdant au milieu de microscopiques petits cheveux. Je pourrai rester là mille heures.
Juste à le regarder.
S’affairer, se caresser le crane,
prendre soin de lui.
Parfois, son sourire éclaire la petite pièce, et mon ciel s’ensoleille, s’étoile. Mon cœur bat la
chamade à un rythme soutenu.
D’amour. Le vrai, l’unique.
Plus le rasoir glisse sur sa peau,
plus je le découvre. J’imprime à cet instant la moindre aspérité de son corps, ses blessures, ses cicatrices à nouveau découvertes après le passage de la lame. Je le caresse du coin de l’œil, comme une lionne surveillant ses petits. Prête à bondir si quelqu’un s’avise de lui faire du mal, la mâchoire serrée. Lui est détendu et je m’imprègne de
cet atmosphère.
Normal.
La vie, le présent.
Lui, et moi.
C’est ainsi que les choses doivent être.
Il est beau. Avec la barbe, et les cheveux longs. Sans barbe, le crane rasé. Peu importe, il est
beau. Et chaque jour qui passe, je me surprends à rester interdite devant cette image qu’il me renvoie. Une beauté singulière.
Savant mélange entre peau et affect.
Entre corps, et intellect.
Je suis fière d’être aimée de lui. Fière de l’aimer.
Il passe, repasse la main sur ce crane nu, je vibre. Je me retiens de lui sauter au cou, de
l’empêcher de finir pour plonger mes yeux dans les siens. Je veux que la magie continue. Le sabot du rasoir s’abaisse, se relève. Les cheveux s’éparpillent dans le lavabo, et moi, je tente vainement de me concentrer.
Un spectacle dont je me souviendrais probablement toute
ma vie.
Le premier.
Le notre.
Il m’a offert, sans le vouloir, sans le savoir sûrement, un moment béni des dieux, de ceux qui
marquent à jamais. Oui, mon homme s’est coupé les cheveux, a rasé sa barbe, rien d’exceptionnel diraient certain(e)s, mais pour moi, c’était le partage d’une intimité. Loin du lit, de la sexualité, juste un moment unique. Emprunt d’une douceur absolue. Porté par ses gestes millimétrés, la connaissance de son propre corps. Un corps que j’apprends moi-même à connaître, à apprendre. Je pourrai le regarder sans cesse mon homme. Imprimer sa peau, ses micros expressions, ce regard parfois plus sombre.
J’admire ce qu’il est, ce qu’il développe et ce qu’il partage avec moi, pour nous.
L’amour a cette force, le mien surtout, d’aller chercher le meilleur de l’autre. Et à cet instant,
entre le rasoir, et ce tapis de cheveux, je l’ai aimé follement.
Entièrement.
A jamais.
Cet instant a marqué ma vie.
Notre vie.
Car c’est ainsi que je veux la vivre avec lui, dans ce
partage de moments aussi beaux qu’uniques. Faire revenir le réel, le quotidien, dans un absolu sans limite.
L’eau dégoulinant sur son corps, je la devine. Je ne le regarde plus, je me sais fébrile à cet
instant, mon cœur et mon corps à l’unisson d’un désir de le ressentir, de prolonger cet amour puissant à travers nos deux corps.
Je ne veux pas briser la douceur de ce qu’il vient de m’offrir.
J’apprécie juste sa beauté dans le reflet du miroir, ses soupirs, sa fragilité parfois. Et j’aime la mienne là, maintenant, tout de suite, celle qui me fait ressentir enfin à quel point j’ai changé, à quel point je sais apprécier la vie, l’amour, et cet homme qui est mien désormais.
Je ne le remercierai jamais assez de m’avoir fait vivre cette sensation unique d’être vivante,
aussi vivante, à quelques centimètres de lui…