Si j’avais su que quitter la noirceur de la capitale allait m’enterrer si précocement dans cette jungle champêtre où tout n’est que maïs, blé, tournesol et coquelicot à perte de vue, je n’aurai pas accepté ma mutation avec l’entrain dont j’ai fait preuve.
Ici, le croyais-je, je vivrai une fin de carrière paisible à alterner la paperasse du bureau et la reconnaissance sur le terrain entre deux fermes tenues par des octogénaires endurcis, en faisant fi des remarques et autres protestations des autochtones à l’encontre du “parisien”.
Mais la retraite dorée à la campagne prit ce matin une tournure dramatique. Thérèse Bedonneux avait contacté le bureau pour nous informer du drame s’étant déroulé dans son jardin peu avant l’aube : son mari, Eugène Bedonneux, 81 ans, avait été retrouvé raide mort entre ses plantations de tomates, un râteau enfoncé dans la gorge. Thérèse, après l’avoir sommé de ne pas laisser refroidir sa tasse de Chicorée, avait été voir dans le jardin situé à l’est de la maison de plein-pied. Sa voix au téléphone tremblait et respectait à la lettre tous les signes d’une veuve en état de choc. Une heure plus tard, j’arrivais sur les lieux de l’accident. Et très vite, je constatai qu’il ne s’agissait pas d’un accident mais d’un homicide étant donné qu’Eugène avait été frappé à la nuque par le râteau avant de tomber face contre terre. Me voilà bien embêté, sans équipement, sans équipe, sans matériel pour analyser une scène de crime.
Aux premières constatations, je pus définir que l’assassin n’avait eu besoin que d’un seul coup pour tuer Eugène Bedonneux. En raison du poids de l’outil et de la force nécessaire pour le manier et asséner un coup brutal, j’en déduisis que l’auteur de ce crime était un homme, âgé entre 20 et 40 ans, qui connaissait très bien les habitudes des Bedonneux pour être présent dans son jardin avant six heures du matin. Très clairement, Eugène était attendu et aussitôt le coup mortel porté, le meurtrier avait pris la tangente, laissant le pauvre octogénaire le nez dans la terre humide, la savate gauche décollée de son pied et gisant près du panier de tomates. Je notai mes impressions sur mon carnet Moleskine quand la voix de Thérèse se fit entendre. Elle m’interpellait d’une manière vindicative, comme si nous étions de grands amis de bistrot. S’il s’agissait d’une habitude locale, je dus admettre que sa manière de m’apostropher m’avait choqué. Lorsqu’elle apparut au bout de l’allée, je lui fis signe de ne plus approcher afin de ne pas troubler la scène de crime. J’indiquai à la veuve qu’il me faudrait revenir avec du matériel et prévenir également une ambulance pour le corps. Entre deux sanglots, elle m’invita à boire une tasse de café que, malgré mon code de conduite de ne jamais accepter quelconque nourriture ou boisson, j’acceptai bien volontiers.
– Cherchez pas m’sieur l’flic, ch’ais qui c’est qu’a fait ça à mon Eugène.
Thérèse sortit sa phrase sans préambule alors qu’elle déposait une vieille tasse fêlée remplie d’un café noir dont les senteurs aigres me firent regretter de l’avoir accepté si vite.
– Ah oui ? dis-je en noyant ce breuvage de trois gros sucres. Mais comment pouvez-vous l’affirmer ? Vous avez vu ou entendu quelque chose qui…?
– Nan m’sieur, mais l’fils Pellard, y d’vait rendre des sous passqu’y jouait aux trucs à gratter, v’savez hein les machins comme le millionnaire.
– Oui, les tickets de la Française des Jeux.
– Ouais p’t-êt’ bien. Et l’fils Pellard même qu’y a prit cinquante euros à Eugène et Eugène y disait qu’y d’vait rendre les sous pour payer l’versement à Bertrand.
– Attendez, l’interrompis-je en notant les noms dans le carnet, le fils Pellard vous dîtes ? P. E…
– Mettez-y deux L et un D à la fin. Ch’uis sûre qu’c’est lui qu’a tué mon mari m’sieur l’flic. Il est jeune et costaud avec des dessins bizarres sur les bras. Ce ch’napan j’vous jure qu’s’y r’vient ici…
– Madame Bedonneux, calmez-vous. Je vais interroger ce monsieur Pellard. Vous connaissez son prénom et son adresse ?
– Ouais j’y vais vous donner ça d’suite m’sieur.
Thérèse Bedonneux, du haut de ses 76 ans, marchait avec vigueur tout en traînant les pantoufles au sol, faisant lever son caniche à chaque déplacement. Un suspect potentiel et un mobile, bancal certes mais présent, nourrissait là ma première affaire criminelle de campagne.
Si j’avais su que quitter la brigades des homicides de Seine Saint-Denis allait me mettre un crime de paysan sur les bras, je n’aurai pas sauté sur l’occasion. Ici, la moindre petite affaire peut prendre des proportions incroyables. Entre les silences, les secrets et leur rejet de mon passé de flic parisien… Après avoir noté prénom et adresse de ce jeune Pellard, je pris congé de Thérèse Bedonneux, appela l’hôpital le plus proche pour embarquer la dépouille d’Eugène et informa le procureur de la scène de crime. Peut-être qu’il daignera envoyer une brigade de gendarmes assermentés, ce qui me laissera tout loisir de ne rien faire. La pré-retraite me tend les bras.
Et il pourrait y avoir une suite.
Ah ben non, faut pas s’arrêter là roooooohhh
Attention, tu as mal rentré le tag #SiJavaisSu et ton pen n’apparait pas dans le concours
Alors oui, il pourrait y avoir une suite sans problème. Je voulais poser les bases pour entrer dans le cadre du concours. Et en effet, il semble y avoir un souci au niveau de l’appellation du hashtag. Je ne savais pas qu’il fallait respecter la casse à ce point là hihi. Je vais corriger
Bonjour Franck,
Ton Pen est ajouté au concours !