02H00

Alors qu’une pluie torrentielle balayait la rue, Marc se tenait devant la fenêtre du premier étage, dans le noir. Il alluma une cigarette. A deux heures du matin, la route en contrebas était plongée dans l’obscurité de la nuit.

La météo idéale.

Située dans un quartier pavillonnaire, la maison d’en face, à travers les jumelles, paraissait inhabitée. Ce n’était pas le cas, Marc en avait la certitude.

Après avoir regardé l’heure à sa montre fluorescente, il mit en route sa radio et demanda d’une voix enrouée :

” – Sierra Unité à tous les éléments. Dans l’ordre de bataille, compte rendu de situation. Parlez.”

Après quelques secondes de silence, l’appareil crachota :

“- Ici Sierra 2. Trinôme en place. Prêt à intervenir. Parlez.

– Ici Sierra 3. En place sur le toit. Aucun visuel sur la cible. Pluie trop épaisse. Parlez.

– Ici Sierra 4. Véhicule en place, prêt pour évacuation. Parlez.

– Ici Sierra 5. Point d’accès déverrouillé, serrure conforme aux indications de l’équipe de reco. Pétard en place pour l’extinction des feux. Parlez.”

Satisfait, Marc répondit :

“- Sierra Unité à tous les éléments Vous connaissez vos attributions. Sierra 2, soyez prêt. Sierra 3, retirez-vous. Sierra 4, faites chauffer le moulin. Sierra 5, attendez mon ordre pour le top départ. Terminé.”

Marc posa la radio sur la table à côté de sa chaise. Il tata sa poche à la recherche de son téléphone satellite. Il était rassuré de l’avoir, les indicatifs radios n’étaient pas nécessaires avec cette ligne sécurisée.

Alors qu’il composait un numéro, il observa dans la rue une camionnette banalisée allumant son moteur, phares éteints. Les vitres teintées, même la lueur des lampadaires ne permettait pas de distinguer les occupants.

Marc y avait veillé cette fois.

Une voix familière retentit dans le téléphone :

“- Sierra Unité ?

– Oui mon colonel, le dispositif est en place.

– Bien pris Sierra Unité, ne quittez pas”

Marc patienta, en soufflant un nuage de fumée de cigarette. Il entendait différentes voix lointaines dans le téléphone, comme si une dizaine de personnes étaient massées prêts du combiné de l’interlocuteur.

“-Sierra Unité. Les écoutes des fréquences polices sont favorables, aucune patrouille à proximité du lieu d’intervention. L’avion est en attente à l’aérodrome… Vous avez le feu vert du bureau et du général. A vous de jouer.

– Bien reçu, je lance l’opération.”

Marc raccrocha, il sentit son pouls s’accélérer, comme la veille d’un combat.

Il éteignit sa cigarette en l’écrasant sous sa semelle, et rangea précautionneusement le mégot dans sa poche.

Il ramassa sa radio :

“– Sierra Unité à tous les éléments, on y va. Sierra 5, action ! Terminé.”

Marc observa la maison à travers ses optiques. Il distingua un mouvement sur le côté gauche, dans le jardin de l’autre côté de la route. Sierra 2 était en place, pensa Marc.

Soudain, une détonation retentit, à des kilomètres d’ici. Marc sentit le sol vibrer légèrement sous ses pieds.

La lumière des lampadaires de la rue vacilla, avant de s’éteindre.

L’obscurité de la rue était plus épaisse que jamais. Les conditions d’intervention étaient alors parfaites.

Trois ombres sortirent d’un bosquet du jardin, et pénétrèrent dans la maison, par la porte du garage.

Marc avait choisi cette entrée car il s’agit de l’accès le plus directe pour se rendre dans la chambre à l’étage. De plus, la serrure de cette porte était la moins complexe pour le serrurier.

Les équipiers étant hors de vue, c’était l’affaire de quelques secondes. Marc retenait son souffle. Du coin de l’œil, il vit la porte arrière de la camionnette s’entre-ouvrir, malgré la pluie toujours battante.

Tout à coup, trois éclairs, accompagnés de trois détonations sourdes, percèrent la noirceur et le silence de la nuit, en provenance de la fenêtre de la chambre de la maison.

Fort heureusement, les coups de feu furent étouffés par la pluie.

Quelques secondes plus tard, les trois ombres ressortirent de la maison, avant de se diriger vers la camionnette. Ils s’engouffrèrent aussitôt à l’intérieur par la porte arrière déjà ouverte.

Le véhicule se mis en route silencieusement et disparut au coin de la rue.

Marc, ayant observé le manège, savait que la demande de compte-rendu radio était inutile.  Il connaissait la valeur du travail de Sierra 2. Il rangea son matériel, sortit par l’arrière du bâtiment de son point d’observation et disparut dans les ténèbres nocturnes.