1391 Epoque Nanboku-cho, province de Chikuzen.
Mamoru ouvrit les yeux. La couleur de feu du ciel trahissait un crépuscule imminent. Il gisait sur l’herbe piétinée des plaines de Chikuzen, parmi une multitude de cadavres.
Exténué par les derniers jours de combat, il essaya douloureusement de regarder autour de lui.
Du coin de l’œil, il aperçut son sabre, qu’il reconnut à sa tsuba (garde) ouvragée. Il lui avait été offert par son maitre, le Daimyo (chef de clan) du fief Akizuki.
Mamoru servait ce clan depuis son enfance. Son clan a été mis à mal par la coalition des clans du nord, décidés à soumettre les fiefs dissidents du sud. Saisissant son sabre, il tenta de ce relever en s’appuyant dessus, tel un vieil homme.
Une fois debout, il réalisa avec peine que la plupart des cadavres autour de lui étaient des membres de son clan.
Le général Rokurota, chef de l’armée de défense du clan, lui avait confié son ultime commandement. Sa tâche était de sécuriser la retraite de l’héritière du clan, la princesse Akizuki.
Escortée par sa garde personnelle, sous les directives du général, elle devait rejoindre le mont Aso, afin de rallier les renégats Yamabushi, cachés dans les massifs montagneux.
Le chef de clan ayant été assassiné, la survie de la princesse était l’unique chance d’assurer la subsistance du clan.
L’ennemi avait submergé les troupes de Mamoru, qui menait une action de guérilla depuis des semaines.
Il avait été désarçonné par le coup de lance d’un cavalier adverse, avant de perdre connaissance.
Les guerriers l’avaient délesté de son arc, et de son kodachi (sabre court), ou peut-être était-ce l’œuvre de paysans pilleurs de cadavres.
Seul son sabre long était miraculeusement tombé non loin du lieu de sa chute.
Sans vivre, sans monture, Mamoru se mit en route vers les montagnes.
Alors qu’il entrait dans le défilé de Kogano, Mamoru distingua, dans l’obscurité grandissante, les silhouettes de deux hommes, occupés à fouiller dans une pille de guerriers morts.
Les dernières lueurs du soleil lui permirent d’apercevoir sur leur armures, l’emblème de la coalition de Kyoto.
L’adversaire était là.
L’un d’entre eux le désigna de sa lance :
“- Que fais-tu ici samouraï ! Provoqua le guerrier. Ton clan n’est plus, dépose les armes !”
– Regarde son armure, c’est surement un samouraï de haut rang. Rapportons sa tête à notre fief, nous serons grassement récompensés ! Lança le deuxième.
– Bonne idée, de toute façon il tient à peine debout. On devrait en venir à bout aisément.”
Les deux guerriers s’avancèrent vers lui. L’un le menaçait de sa lance, tandis que l’autre dégaina son sabre.
Mamoru ne se donna même pas la peine de rétorquer, et se contenta, malgré la fatigue, de lever son sabre afin de se mettre en garde.
Ces deux larrons constituaient l’unique obstacle entre lui et son clan.
S’il ne survivaient pas à ce combat, au moins il emporterait l’un d’entre eux dans la mort.
Le lancier se rapprochait, contrairement au sabreur qui le contournait.
Alors qu’il se concentrait, il vit du coin de l’œil le sabreur bouger brusquement.
Mamoru pensa à une feinte, car seul le lancier avait l’avantage sur le sabre, par la longueur de son arme.
Il vit juste. Le lancier le chargea.
Prêt à réceptionner le coup, il dévia la pointe de la lance du bout de son sabre.
La lance s’enfonça dans le sol.
Emporté par son élan, le lancier tituba. Mamoru profita de cette ouverture et envoya le bout de son sabre dans la gorge de l’adversaire.
Ce dernier, les yeux écarquillés, s’effondra dans un dernier gargouillis ensanglanté.
Dégageant sa lame des chairs du lancier, Mamoru entendit un cris derrière lui.
Faisant volte-face, le soleil dans les yeux, il eut à peine temps d’apercevoir le deuxième guerrier se précipitant vers lui, sabre armé au dessus de sa tête.
Sachant qu’il était trop tard pour dévier le coup, il lança le tranchant de son sabre vers le tronc du sabreur, espérant le prendre de vitesse.
Le sang du torse de ennemi giclant sur son visage, il savait que sa lame avait atteint son objectif. Le sabreur s’étant figé derrière lui, Mamoru se retourna.
Par chance, son sabre l’avait touché au flanc, à la jointure des deux faces de son plastron.
Le guerrier, se vidant de son sang, le toisait, lâchant son arme.
Dans un dernier râle, il s’écroula sur le cadavre de son compagnon, mort avant de toucher le sol.
Le souffle court, le samouraï mis un genou à terre, sentant un liquide couler sur son front et dans ses yeux.
Portant sa main au visage, il pensa d’abord au sang de son dernier opposant.
Mais il comprit, sentant ses forces le quitter, qu’il s’agissait du sien.
Mamoru sentit ses jambes se dérober sous son poids.
Avec le poids de son équipement, il sentait également le poids de ses années de servitude, de ses nombreuses batailles gagnées au profil de son clan.
Le samouraï n’avait aucun regret. Il ne faisait que son devoir.
Sentant ses dernières forces l’abandonner, Mamoru jeta un ultime regard vers le lointain mont Aso, où les derniers des siens survivaient.
Sa tête reposant sur le sol, le samouraï sourit, avant de fermer les yeux définitivement.
J’aime beaucoup l’univers et c’est bien écrit.
C’est juste un texte court ou tu comptes faire une histoire plus longue ?
Yop ! Aucune idée, j’avoue que ça me botterait bien d’en faire un récit plus long. J’aime bien le contexte historique de ce genre d’histoire.