↔•↔
Nyra Sairi
Partie comme une furie, Aeris avait surpris ses trois amis qui étaient à présent sous le choc. Kaleb n’avait point l’air de se soucier de cette « révélation » soudaine de la part de l’ange. Nyra, quant-à-elle, était carrément sous le choc. Jamais elle ne s’était doutée une seule seconde que son amie lui avait caché quelque chose d’aussi important. Une certaine appréhension commença à s’installer chez la fée. Plusieurs, non, beaucoup de questions se bousculaient dans sa tête. Comment étais-ce possible ? Étais-ce vraiment vrai ? Pourquoi partait-elle aussi rapidement ? Elize interrupta alors son questionnement en brisant le silence qui s’était installé entre eux.
— Devrions-nous la rejoindre ?
Son ton était posé, mais la nervosité se faisait apparente dans sa voix. Les gestes rapides et irréguliers de ses doigts témoignaient de son agitation.
— Non, surtout pas, rétorqua le jeune triton d’un air un peu trop sérieux. Peut-être souhaite-elle être seule pour ce voyage ? se justifia-il en changeant soudainement d’attitude.
Un sourire niais apparut alors sur son visage. Les deux jeunes filles suspectèrent leur ami de savoir quelque chose, mais se turent. C’était plutôt inhabituel de voir Kaleb agir de la sorte. Il n’était pas du genre à s’opposer à quoi que ce soit. Le silence retomba alors bien rapidement à la table. Depuis leur arrivée à Mhala, leurs relations amicales c’était affaiblies en raison du peu de temps passé ensemble pendant les deux derniers mois. Ils semblaient si proches, mais si loin en même temps. J’espère que ça ne restera pas ainsi, s’inquiéta Nyra. Toujours sans prononcer une parole, ils terminèrent rapidement leurs repas, puis se dire au revoir pour la soirée. Malgré les apparences, il leur était plutôt difficile de ne pas penser à Aeris. Un instant elle se trouvait avec eux et l’instant d’après elle s’était volatilisée. Non sans pousser un lourd soupir de découragement, Nyra poussa la porte en bois du restaurant populaire. Elize le remarqua et décida de l’interroger sur le sujet, après que Kaleb ait pris de l’avant et soit partit. Il avait décidé de se rendre chez son mentor avant la fée pour avoir un peu de temps tranquille ou pour se coucher. Elle n’était pas certaine de la raison première. Elle avait haussé les épaules, puis s’était tournée vers l’horizon, observant silencieusement le coucher de soleil orangé. L’elfe posa sa main sur son épaule frêle en lui souriant tristement.
— Ne te blâme pas pour son départ Nyra. On savait tous qu’un jour ou l’autre ça allait arriver. Le fait qu’elle soit une Asura ne change rien à l’Aeris qu’on connaît.
— Oui, bien-sûr, mais j’ai un mauvais pressentiment à propos de ça. Pas que je doute son identité ou quoi que ce soit, mais j’ai peur pour elle.
— C’est une combattante notre ange. Elle s’en tirera sans problème j’en suis convaincue, tenta de la rassurer Elize, alors qu’elle-même n’était pas en mesure de se rasséréner. Kaleb ne t’a pas paru étrange ce soir ? l’interrogea l’elfe pour changer le sujet devenu tendu.
La fée posa sa main sur sa joue, puis réfléchi pendant un court instant avant de lui répondre ;
— Puisque tu le mentionne, il est vrai que son attitude était différente qu’à l’habitude, approuva Nyra en affichant un air sérieux. Il n’a pas été surpris lorsque Aeris a dévoilé le fait qu’elle était une Asura. De plus, j’ai été étonnée lors de son refus tout à l’heure. Je me dis qu’il sait peut-être quelque chose, mais comment le pourrait-il ? Sommes-nous simplement paranoïaques ?
Nyra avait beau être plus jeune et plus petite physiquement, elle savait comment aborder les sujets de la bonne manière. Son habituelle humeur joyeuse cachait un sérieux sans pareil ainsi qu’une grande sensibilité. Selon les situations, elle semblait être une tout autre personne.
— Peut-être était-il si prit au dépourvu qu’il n’a pas su comment réagir ? Je confirme, c’était inhabituel, mais de là à penser qu’il savait déjà quelque chose ? J’en doute fortement, énonça Elize.
— Tu as sûrement raison. Je sais que je ne devrais pas trop y penser, mais j’ai remarqué qu’il partait souvent en fin de soirée et revenait très tard dans la nuit.
— Cela ne veut rien dire. Il pourrait simplement marcher au clair de lune pour prendre l’air
— Tu as sûrement raison, lui répondit Nyra avec incertitude. Je vais y aller : Kaleb doit m’attendre chez Nadir.
Les deux jeunes femmes s’étreignirent, puis après un petit au revoir, se quittèrent finalement. Chacune partirent dans une direction opposée. La petite fée n’était qu’a une dizaine de minutes de la maison du mentor du triton, mais pour une raison qu’elle ignorait, ses pas la dirigèrent vers une partie de la ville dont elle n’avait pas encore explorée. Elle fut surprise de remarquer qu’elle s’éloignait de plus en plus au lieu de se rapprocher. La crainte se fit sentir lorsque le soleil et la population déclinèrent. Une légère brise se leva sur Mhala et Nyra eut un frisson parcourut son échine. La rue où elle se tenait était seulement éclairée à quelques endroit et une forte odeur de déchets lui monta aux narines. Qu’est-ce que je viens faire ici ? songea-t-elle en observant les alentours. C’était ses pieds qui bougeaient, mais Nyra n’avait jamais eu vent de cet endroit et avait l’intention d’aller directement chez Nadir. Elle n’avait pas souhaité explorer un coin inquiétant et sale de la majestueuse cité.
Sans même qu’elle le veuille, ses jambes se mirent à marcher toutes seules dans une autre direction. C’était son corps, mais il bougeait sans son intervention. Mais qu’est-ce qui m’arrive ? s’affola Nyra. Elle tenta de battre des ailes, mais elle ne parvient pas à se soulever du sol pavé. C’était comme si le bas de son corps pesait des tonnes et était cloué aux dalles. La fée s’engagea dans une allée sombre qui sentait encore plus mauvaise que la précédente. À croire qu’ils ne savent pas comment ramasser correctement leurs déchets, s’indigna la jeune fille en manquant de près de rendre son repas. C’était presque entièrement sombre et silencieux. Les seuls bruits qui parvenaient aux oreilles étaient les gémissements incessants des rats qui grouillaient non loin. Elle était si apeurée et confuse que les larmes perlaient sur ses joues rosées. Si elle le pouvait, elle s’enfuirait à tout vitesse de cet endroit crasseux et malodorant.
Soudainement, ses jambes stoppèrent tout mouvement, mais Nyra ne pouvais toujours pas bouger de son propre chef. Elle se trouvait dans un petit rond aussi grand qu’une fontaine et la seule sortie était la ruelle par laquelle elle était arrivée. Les larmes inondant encore son visage elle demanda d’une voix incertaine et tremblante ;
— Est-ce qu’il y a quelqu’un ?
Sans crier gare, une ombre encapuchonnée atterrit lourdement sur le sol devant elle. Elle venait d’un des toits des maisons, devant la fée. Nyra aurait voulu hurler, s’époumoner pour demander de l’aide, mais comme ses jambes, sa bouche ne lui obéissait point. La personne qui était apparue devant elle abaissa sa capuche. C’était une femme d’une grande beauté.Nyra fut très surprise de constater qu’elle était une draconienne. N’étaient-ils pas tous disparus ? La dame possédait une chevelure rappelant les flammes, des cornes bourgognes recourbées vers l’arrière, des yeux or perçants et des écailles rouges-orangées sur son coup et le bas de son visage. Elle avait aussi des ailes noires ainsi qu’une queue de la même couleur couverture de piquants ivoires.
— Ne t’en fait pas petit oiseau, je ne te ferai pas de mal, susurra-t-elle lentement.
La peur la consumait et Nyra était presque certaine que les intentions de la dame n’étaient pas de faire la conversation, puis de la laisser partir comme si rien ne s’était passé. Il y avait un motif bien plus sombre. Toujours incapable de parler, elle se mit, alors à paniquer intérieurement. La dame dégagea le pan de sa cape pour révéler une dague. Les rayons de lune se reflétaient sur la lame comme dans un miroir. Le sang de la fée ne fit qu’un tour dans ses veines.
— Vois-tu, ceci est une dague faite entièrement de platine. Elle se nomme L’Aube de la Nuit et elle n’a jamais raté sa cible. Pas une seule fois. Et encore ce soir, elle ne manquera pas, chuchota-t-elle en frémissant de plaisir à l’idée d’achever sa prochaine victime. Tu es si petite et jolie que ce serait vraiment dommage de te ruiner, mais les ordres sont les ordres, dit-elle en posant sa main droite sur sa joue en feignant une moue triste.
Trouvant le courage d’ouvrir la bouche, la fée se dit qu’il fallait qu’elle interroge la dame pour tenter de gagner du temps. Peut-être trouvera-t-elle le moyen de s’échapper ?
— Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous et pourquoi ne puis-je pas bouger ? Si c’est pour de l’argent, sachez que je n’ai que quelques pièces d’or.
La femme éclata alors de rire suite à ce que Nyra venait de dire.
— Que tu es mignonne ! Je n’en ai que faire de l’argent. Le plaisir de trancher la peau délicate de jeunes filles comme toi m’extasie !
Cette femme est complètement folle et hors d’elle ! Si je ne peux pas bouger, ceci son mes derniers moment. N’ayant plus d’espoir, elle pria silencieusement les dieux pour qu’ils lui viennent en aide.
— Pour répondre à tes questions, joli fée, je suis Dynai Veossi aussi connue sous le nom de Maîtresse des Assassins. Si tu ne peux pas bouger de ton propre chef c’est parce que j’ai demandé à un de mes acolytes de te jeter un sort de marionnettisme pour te guider jusqu’ici. C’est aussi lui qui t’empêche de parler. De toute façon, à quoi ça te servira de savoir tout ça si tu sais que tu vas mourir, n’est-ce pas petit oiseau ?
La draconienne s’avança vers Nyra d’une démarche sensuelle et féline, puis glissa le côté non tranchant de sa dague sur la peau pâle de la fée. Ce geste la fit frissonner de terreur et les larmes perlèrent à nouveau sur ses joues. Elle tremblait et murmurait des incohérences. La femme se réjouissait visiblement de ce spectacle. Elle lécha sa lame, puis continua ce qu’elle faisait.
— Si tu es ici, c’est bien pour une raison particulière : tu en sais trop à propos d’un de mes agents. Tu le connais sous le nom de Kaleb Corasis. Il est un des meilleurs dans notre groupe, mais il a fallu que tu le doute et perce presque son identité, s’enragea la dame en retirant brusquement la lame. Comme tu t’en es douté, il n’est pas celui qu’il prétend être. Dommage que tu ne seras pas en vie pour prévenir l’Asura ou ton amie l’elfe. Tu mérites une bonne correction pour tes actions, vilaine fée, susurra à nouveau Dynai en soulevant le menton de Nyra à l’aide de sa dague pour la regarder dans les yeux.
Subitement, en un geste aussi rapide que l’éclair, la lame tranchante vint fendre la gorge translucide de la fée. Nyra écarquilla les yeux en assimilant ce qu’il venait de se passer. Posant une main sur l’entaille jaillissante de sang, elle tendit l’autre vers l’avant en espérant que quelqu’un puisse l’attraper. Elle s’effondra lourdement sur le sol dans un gros bruit sourd. Son liquide vital s’échappant à une vitesse effrayante de son cou, rien ne pouvait la sauver à présent. Son âme avait désormais rejoint les dieux. Une énorme flaque de sang s’était formée sous elle et elle ne cessait de grossir.
Dynai lécha à nouveau sa lame, mais fit exprès de passer sa langue sur le sang de sa victime. Elle s’enivra de son odeur, puis s’extasia de plaisir.
— Oh que c’est bon, murmura-t-elle pour elle-même.
De la pareille démarche que tout à l’heure, elle s’éloigna du corps inerte de la jeune fille avec un sourire malsain imprimé sur son visage. Déplaçant les pans de sa cape noire, elle rangea soigneusement sa précieuse dague dans son étui de cuir, accroché à sa taille, puis disparut dans la nuit étoilée.