Souffrances

6 mins

“On a deux vies. La deuxième commence quand on réalise qu’on n’en a qu’une.”

– Confucius

Vingt ans. Vingt ans d’existence, et je suis toujours en souffrance. Toujours dans le doute et l’incertitude. Qui suis-je ? Qu’est-ce que je veux ? Qu’est-ce qui me rend heureuse ?

J’ai connu l’amour, mais il est devenu peu à peu fade, et désormais je connais le désert.

J’ai connu la fierté, mais le doute s’est peu à peu imposé, et désormais j’ai peur d’échouer.

J’ai connu l’amitié, mais nous cessons peu à peu de parler, et désormais je suis isolée.

J’ai connu le bonheur, mais il s’est peu à peu évaporé, et désormais pour le retrouver je ne sais plus quoi faire.

Comme pour tout le monde, ma vie était, de base, ponctuée de hauts et de bas. Cependant, depuis je ne sais combien de temps, je me sens déchirée. Je n’arrive plus à ressentir de l’amour, mais j’en ressens le manque. Je parais distante, mais quand je suis seule, les larmes coulent à flots. A travers tous mes dilemmes, je ne sais plus qui je suis.

Je sais que ce genre de sensation n’est pas normal. Pas unique, mais pas normal. Je cherche régulièrement de l’aide. J’ai obtenu des réponses, ainsi. Des réponses, mais pas de solution. Ou du moins, aucune durable.

La première fois que je me suis sentie “mal”, puis apaisée, a été l’année de mon baccalauréat. La pression était grande, et les attentes de mes proches trop élevées. Les crises d’angoisse ont commencé, puis se sont accumulées.

Je

                          n’arrivais

                                                           plus

                                                                                       à

                                                                                                            respirer …

Finalement, j’ai été aidée. Jusqu’à mon bac, puis la fin de ma première année à l’université, je suis allée mieux. Je souriais de nouveau. J’étais heureuse.

Cependant, la rechute n’en a été que plus brutale. De juste angoissée à l’approche d’un examen, je suis devenue anxieuse à l’idée de travailler en groupe. A savoir que mon ancienne licence était essentiellement composée de travaux de groupes, tout le long de l’année. Durant le premier semestre, mon attitude distante malgré moi m’a coûté ma place dans un groupe. On m’a rejetée à l’approche de l’évaluation du projet. Projet que j’ai donc réalisé seule. Finalement, ce passage fut un soulagement, et je me suis sentie libre de m’exprimer comme je le voulais. Cependant, le second semestre arriva, et avec lui, toujours plus de travaux de groupes. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à redouter la fac. J’ai donc cessé d’y aller, afin d’éviter cette boule grandissante dans la gorge et le ventre à chaque fois que je prenais le tramway.

Malheureusement, le mal-être se s’arrêta pas là. Environ un mois après avoir cessé d’aller en cours (la culpabilité me rongeait constamment, désormais), j’ai commencé à redouter le fait de croiser mes camarades ou professeurs dans la rue. Alors j’ai cessé de sortir de chez moi, à part pour remplir le frigo de plats préchauffés et pour sortir les poubelles. J’ai fermé les volets pendant des semaines, je me couchais tôt le matin, et me réveillais tard le soir. Plus rien n’avait d’importance.

Et malgré tous ces efforts pour m’éviter les angoisses, je me sentais toujours plus mal. Toujours aussi anxieuse, mais en plus coupable.

Et je mentais. Lorsque mes parents me demandaient comment se déroulaient mes études, je répondais : “Tout va bien !” avec une facilité qui me faisait froid dans le dos. J’ai fini par culpabiliser non seulement parce que je n’allais plus en cours, mais en plus parce que je n’étais pas honnête, ni envers mes proches, ni envers moi-même.

Et puis je commençais à couper les ponts avec mes connaissances. Si je recevais un message, j’avais constamment peur de recevoir des critiques ou des reproches. Je cessai donc de regarder mes messages.

Finalement, par je ne sais quel tour de magie, j’ai réussi à chercher de nouveau de l’aide.

Désormais, c’était avéré. Je n’étais pas juste anxieuse. On m’a diagnostiqué une anxiété généralisée, une phobie sociale, et une dépression.

Les solutions proposées ont été plus efficaces que les simples conversations que j’avais eues avec la dernières psychologue. Je devais prendre des médicaments, faire certains devoirs quotidiennement (comme passer des appels à des magasins afin de ne plus avoir peur de “déranger”), mais aussi, me chercher. Chercher une passion, un passe-temps qui pourrait m’aider à me sortir de mes angoisses.

L’écriture, que je pratiquais déjà depuis un bout de temps, a été mon salut. A travers mes mondes, je voyageais, je souriais. L’année n’avait pas été belle, mais j’avais l’impression de m’être redécouverte. D’avoir réellement débuté ma vie.

Jusqu’à aujourd’hui.

J’allais mieux. Jusqu’à aujourd’hui.

Désormais, mes parents ont compris la détresse dans laquelle j’étais plongée dans mon appartement à Montpellier.

Désormais, je vis de nouveau avec eux. Ils m’aiment, et me soutiennent, et le moins que je puisse dire, c’est qu’avec eux, je ne risque plus de rater le moindre cours. Si un jour une angoisse me donne envie de rebrousser chemin chaque matin, je n’aurais en fait pas d’autre choix que de l’affronter. Pour l’instant, je ne sais sincèrement pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose.

Le fait est que pour une fois, le retour de mes angoisses n’est pas causé par les cours.

Mon retour dans ma ville d’origine m’a permise de renouer avec d’anciennes connaissances, dont ma meilleure amie de longue date. Même si nous ne sommes pratiquement plus vues pendant deux ans, elle a toujours occupé une place dans ma vie depuis notre rencontre.

Petit à petit, nous avons donc recommencé à parler, que ce soit en personne ou sur les réseaux sociaux. Et un jour, elle m’a demandé si j’étais toujours célibataire. Je l’étais, depuis le lycée. Alors elle m’a mise en lien avec un ami à elle, lui aussi célibataire. J’étais agréablement surprise qu’elle fasse même attention à cette part de ma vie, mais déjà à ce moment-là, sans que je ne m’en rende vraiment compte, une part de moi s’est réveillée. L’anxiété a recommencé à me ronger, doucement, très doucement.

Je parlais à cette connaissance, mais quelque part, je ne savais pas vraiment ce que je voulais. D’une part, je me sentais vide d’amour et je ne supportais pas ça, mais d’une autre part, je me demandais si mes fantaisies n’étaient pas mieux que ma réalité.

Et puis je l’ai rencontré. A l’anniversaire de ma meilleure amie. Elle avait à l’occasion préparé une soirée où l’alcool coulait à flots, et où les esprits embrumés pouvaient facilement se libérer de toute tension.

Ce fut le cas de cet ami à elle, et de moi. Durant cette même soirée, nous avons fait connaissance, nous avons flirté, nous nous sommes embrassés, encouragés par tout le monde, puis nous avons dormi l’un contre l’autre.

Une part en moi était ravie d’enfin sentir de nouveau des lèvres contre les miennes.

Mais une autre part, la “moi” sobre et réservée, était paniquée.

C’est rapide… Trop rapide. Trop rapide !

Mais je me sens tellement bien…

Je…Je ne sais pas. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée !

Au moins je ne serai plus seule…

Je ne veux pas, je ne ressens rien !

Ainsi, le lendemain, je suis partie le plus vite que j’ai pu, en proie à mes conflits intérieurs.

J’aurais dû sourire, mais j’avais envie de vomir.

J’aurais dû être heureuse, mais je n’en était que plus anxieuse.

La panique me prit durant la même semaine : il voulait me revoir. Je ne savais pas ce que je voulais, mais j’avais la boule au ventre rien qu’en pensant à un probable rendez-vous. Non pas cette boule au ventre qui signifie “Et si je ne lui plais pas ? Et si il cachait son jeu ? Et si je ne suis pas assez bien pour lui ?”, mais plutôt celle qui veut dire “Arrête ça tout de suite !”

J’en ai alors fait part à mon amie, mais plutôt que de comprendre la grande détresse que je n’osais exprimer, elle m’a encouragée à y aller, accompagnée d’elle si j’angoissais vraiment trop.

Alors, durant la semaine, on s’accorda sur un jour, sans pour autant définir les détails. C’est là que l’angoisse m’a une fois encore privée de mes moyens. J’ai de nouveau cessé de regarder mes messages, car je n’osais pas lui dire que je me sentais trop mal pour y aller. J’avais compris qu’il s’était attaché à moi assez rapidement, mais c’était beaucoup trop rapide pour moi, et je n’étais même pas sûre de pouvoir un jour l’apprécier de la même manière qu’il m’appréciait moi.

Alors le jour est passé. Toujours sans que je n’aie lancé le moindre regard à mon téléphone, rongée par l’anxiété et la culpabilité. Les crises d’angoisse ont recommencé, mais je les ai cachées, et je les cache toujours.

Il y a quelque mois, j’ai vécu la culmination de toutes mes angoisses. J’ai croisé ma meilleure amie à l’université, et elle m’a parlé de son ami, à qui j’avais posé un lapin. Dès que son nom a franchi ses lèvres, des larmes se sont mises à couler sur mes joues, et je suis tombée à genoux. Elle a été compréhensive, mais j’avais blessé son ami. Quand j’y réfléchis un peu plus, j’aurais voulu qu’elle me déteste pour ça, et qu’elle me tourne le dos. Je n’avais pas l’impression de mériter son pardon, pas si tôt !

Elle m’avait alors révélé que le soir où il a compris que je ne viendrais pas, il l’avait contactée, et était allé à un bar pour boire jusqu’à en perdre tous ses moyens. Elle m’en a voulu. J’aurais mérité qu’elle m’en veuille plus encore que ce qu’elle n’a laissé paraitre. A moment où j’ai écrit ce texte, la culpabilité me rongeait une fois de plus. Des nausées et des crises de larmes menaçaient de briser ma volonté.

Je sais que toutes ces angoisses et déprimes me font du mal. Mais c’était également la première fois qu’elles ont directement touché quelqu’un d’autre que moi, et je déteste ça. J’aurais pu l’appeler, pas pour obtenir son pardon, mais pour lui expliquer mes craintes, mais ce fut (et c’est toujours) au-dessus de mes forces. Je ne pense pas pouvoir un jour.

Alors j’écris.

Je m’isole.

Je m’invente des mondes rien qu’à moi.

Des amis, des amants imaginaires.

Un petit coin de paradis.

Toutes ces fantaisies m’aident à apaiser mes souffrances, même si celles-ci ne disparaissent jamais.

A cette heure-ci, je l’attends toujours. Ce moment où ces souffrances partiront pour de bon. Où elles me laisseront vivre ma vie. Où elles me laisseront réellement découvrir la vie.

J’attends toujours le commencement de ma deuxième vie.

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1 Commentaire
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V0 Henry
4 années il y a

ça doit être le premier texte que je lis en arrivant ici, triste mais bien écrit. Faut dire qu’il n’y a pas de lien entre les deux.
J’ai un peu de temps à donner :
J’aimerais te dire que tout ira beaucoup mieux,
que bientôt tu pourras exaucer tes voeux;
Mais ça ne resterait qu’un souhait car tu le sais,
On s’écrit souvent "bonheur!", mais c’est de la craie.
Alors écris et vis tu trouveras peut-être,
Le marqueur qui gravera la "joie" dans ton être.

Signé :
Un inconnu qui vient de s’inscrire et de te lire.

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