Une ambiance étrange, indéfinissable, régnait dans ce quartier aux lacis inextricables, s’étendant derrière le château de cette ville moyenne.
Insoupçonnable à plus d’un titre… car personne ne s’aventurait dans ces ruelles anciennes, étroites, alors que les alentours de l’imposant château médiéval regorgeaient de touristes distraits. Comme si une barrière invisible les repoussait systématiquement de cette partie de la ville. Les repoussait tous… sauf moi.
Qu’est-ce qui m’avait poussé à pénétrer le Quartier des Jacobins, le plus ancien de la cité ai-je appris par la suite ?
J’y accédai d’abord avec une sorte d’excitation rentrée, une peur sourde, viscérale, après un long moment d’hésitation. Tout bruit cessa, sitôt que je fus happé par l’atmosphère hypnotique des hauts murs blancs. J’arpentais une cité du Grand Siècle, totalement abandonnée depuis cette époque…
Et là, je compris pourquoi j’avais pu, contrairement aux autres, m’introduire dans le Quartier des Jacobins.
J’étais fait de ce moule rare, me permettant de franchir les Portes du Temps et ainsi côtoyer ce qui était irrémédiablement mort, mais qui s’obstinait à survivre… à l’instar d’un souvenir qu’on entretient sans cesse, soutenu qu’on est par la puissance de la nostalgie.
Ainsi, en était-il de ce Quartier des Jacobins.
Je déambulais parmi ces vestiges, me semblant alors aussi réels que nos bâtiments modernes. Se succédaient des bâtisses, des hôtels particuliers du XVIIème siècle, parfois du Moyen-Âge, toujours vides. Je les contemplais tels qu’ils étaient à l’époque de leur édification. Avec émotion, je détaillais chaque pierre, fixant dans ma mémoire ces résurgences précieuses d’un lointain passé.
C’est alors qu’un bruit incongru me fit sursauter.
Une fenêtre en surplomb, dans mon dos, venait de s’ouvrir ! Un linge y avait été étendu trivialement…
Ainsi, ce quartier se trouvait en réalité hanté. J’évoluais parmi ces fantômes se dérobant à mon regard, appréhendant le moment où je devrais quitter le séjour paisible des morts pour retrouver la cacophonie de mon monde…