Chapitre 9 – Sentiments

9 mins

Kalel

Carmen progresse à une vitesse folle, elle devient plus résistante et plus puissante. Depuis qu’elle a repris les entrainements, lundi passé, elle est animée par une incroyable soif d’apprendre et de progresser. Je n’ai jamais vu ça. Même les recrues les plus fortes dans l’armée de père ne possédaient pas un tel talent et une telle rage de progresser. Pourtant, je ne l’ai pas ménagé durant toute cette semaine. Entrainements chaque soir après les cours, jusque tard dans la soirée, sans jamais prendre de pause. Mais malgré cela, on dirait que ça lui plait car elle en redemande à chaque séance. C’est très plaisant, je dois bien l’avouer. Durant toute cette semaine, elle n’a fait que de la maitrise théorique de sa magie, aucun cas concret, j’ai préféré la ménager d-e ce côté-là et pousser un peu plus la pratique de l’élément en lui-même, ce qui est bien plus exigeant et épuisant que lors des cas concrets en simulation. Plusieurs fois, il lui ait arrivée de s’écrouler de fatigue au cours d’une séance, marquant ainsi la fin de celle-ci, même si elle ne voulait pas s’arrêter. Père serait fier de voir de quoi elle est capable, même si elle doit encore progresser avant que je ne la livre à père.

 Au fur et à mesure des séances, je sens que Carmen gagne en confiance, elle gagne en confiance en elle mais surtout elle commence à mieux connaitre son pouvoir et à lui faire confiance. Elle commence à le laisser faire tout en gardant un minimum de maitrise sur lui. Elle a compris que c’est en libérant son pouvoir qu’il lui obéissait, et non en le retenant et le forçant à coopérer.

 Je pense qu’elle est prête. Prête à affronter une nouvelle simulation. Pas celle de l’incendie bien-sûr, la blessure de l’échec est encore bien trop encrée en elle pour la confronter à cette peur. Je ne referai plus l’erreur que j’ai pu commettre. Non, je vais la confronter à une tout autre simulation, à un tout autre paysage. Ça risque d’être intéressant.

***

Carmen

– Bien, on va faire une pause avant de partir en simulation.

– Je croyais que tu ne voulais pas me mettre en simulation pour le moment, tu disais que je n’étais pas prête.

J’attrape la serviette qu’il me tend et m’essuie machinalement le coup et les bras. Je suis couverte de sueur, mais j’ai fini par m’y habituer, ça n’est plus qu’un détail maintenant, tout comme la fatigue a fini par s’estomper au fil des entrainements, nouvelle preuve de ma progression.

Je l’observe me dévisager, je sens qu’il va me mettre au défis.

– Aurais-tu peur d’échouer ?

J’en étais sûr ! Je relève fièrement la tête et bombe le torse en souriant et en posant mes mains sur mes hanches pour calmer leur tremblement dû à l’excitation.

– Moi, peur ? Jamais ! Je relève le défis lance ta simulation !

Il se dirige vers le tableau de bord et me somme de le rejoindre. Comprenant que la machine sera, cette fois-ci, reliée à mon esprit, j’insère ma main dans la trappe qui vient de s’ouvrir et aussitôt le contour de ma main s’illumine d’une lueur rouge et active la voix métallique de Nox.

– Bonsoir Carmen, j’espère que vous avez passé une excellente journée.

Je souris en me disant que même ce robot est plus aimable et agréable que Kalel. Celui-ci se tourne vers moi, fronçant les sourcils. Je hausse les épaules, c’est de sa faute, il ne fallait pas qu’il lise dans mes pensées. Il soupire et lève les yeux au ciel.

Même si la machine est reliée à mon esprit, je le vois pianoter sur cet immense clavier. Je m’approche de lui et tente de lire par-dessus son épaule. Je n’y comprends toujours rien, même le chinois est plus compréhensible… Alors il se tourne vers moi, me faisant face, et m’explique la simulation.

– Comme tu n’as jamais voyagé en dehors de ta planète et que tu n’as aucune idée des créatures qui pourrais t’attaquer, j’ai programmé un paysage déjà enregistré, où j’ai eu l’occasion de me rendre un bon nombre de fois. Mais ça n’empêchera pas la machine de réagir à tes pensées et émotions qui entraineront très probablement l’apparition de nouvelles créatures tout droit sortie de ton imagination.

– Tu veux dire que tout ce que je vais voir dans cette simulation existe réellement.

– Oui, ou du moins ça a existé, je pense que cette planète et ses habitants ont dû mourir depuis mon passage. Non pas que j’en sois responsable, mais cette planète était laissée à l’abandon depuis longtemps déjà et je n’aurais rien pu faire pour sauver ses habitants qui ne faisaient rien pour sauver leur planète.

Mon corps est parcouru de frisson à l’idée qu’une planète tout entière a pu disparaitre. Mais je me reconcentre rapidement, tandis que les lumières s’éteignent et plongent la pièce dans les ténèbres. J’ai le cœur qui bat à cent à l’heure, et mille pensées fusent dans mon esprit. Je me demande bien à quoi va ressembler ce paysage. Je sais déjà qu’il ne s’agit pas de l’immeuble en flemme. Alors les lumières se rallument. Je m’essuie les mains sur mon pantalon et fait tourner ma tête pour chasser les douleurs et raideurs s’étant logées dans ma nuque. Ce que je vois devant moi me coupe le souffle.

Un désert. Une infinité de sable s’étant devant moi, à perte de vue. Du sable, rien que du sable. Et le soleil. Un soleil de plomb qui réchauffe la pièce d’une chaleur étouffante. Je fais un pas en avant mais quelque chose ou quelqu’un m’en empêche.

– Fait attention ou tu mets les pieds. Ils peuvent se cacher n’importe où.

Surprise, je tourne la tête à droite et constate que Kalel m’a suivie dans cette simulation. Il est sur ses gardes. Sourcils froncés et muscles tendus, je le vois rapidement se mettre en position de défense. Il ferme les yeux et semble se concentrer.

– Je n’entends rien… soit il n’y a personne, soit ils ont évolué depuis mon dernier passage dans ce paysage.

Je ne dis pas un mot. Parfaitement concentrée, j’inspecte le décors ensablé dans le but de détecter le moindre mouvement, le moindre grain de sable qui aurait le malheur de bouger, ou la moindre énergie qui ne serait pas camouflée. Mais tout comme Kalel, je ne détecte rien.

L’air est lourd, presque étouffant. J’ai si chaud que j’enlève mon pull pour me retrouver en tee-shirt. Je jette mon pull dans le sable mais à peine a-t-il touché le sol qu’il disparait sous mon regard ébahie.

– Nous sommes dans l’univers désertique des Sprinkhaans. D’immenses insectes volant verts dotés de fourches géantes et d’une carapace faite en acier et recouverte d’épines. Ils ont la capacité, en plus de résister aux coups qu’on leur porte, de trancher l’air avec leurs fourches, détruisant tout sur leur passage. Je te déconseille de te retrouver dans la trajectoire de leur attaque quand ça arrivera. Sauf si tu ne crains pas de te faire trancher en deux.

Vraiment très rassurant tout ça. Mais j’acquiesce tout de même en hochant la tête. Je n’oublie pas qu’il ne s’agit que d’une simulation et que je ne serais donc pas blessée pour de vrai.

– Peut-être, mais ton cerveau, lui, en sera convaincu et je t’assure que la douleur ressentie, elle, est très réelle.

D’un coup, je perçois du mouvement sur ma gauche. Je n’ai pas le temps de dire ouf, qu’un de ces insectes jaillit du sable et fonce tout droit sur moi. Je suis pétrifiée et ne sais pas quoi faire quand l’insecte – qui ressemble fortement à un Cizayox chez les Pokémons, mais en verts – fait claquer ses fourches pour trancher l’air. Kalel, plus vif que moi, plonge dans ma direction et me pousse au sol. Prenant le coup à ma place. Je me lève rapidement et je me reprends. En me tournant vers Kalel, je le vois grimacer et tenir son épaule droite où le sang commence déjà à couler.

– Maintenant, tu vois mieux ce que je t’expliquais.

J’hoche la tête mais ne perds pas de temps. Le divin bourdonnement se fait ressentir dans tout mon corps et je libère ma magie avant même de savoir quoi faire. Il n’y a que deux éléments présents autour de moi. L’air et la terre. Avec le sable présent tout autour de nous, je peux très facilement utiliser l’air pour créer un nuage de poussière. J’entends alors la voix de Kalel me souffler dans mon esprit qu’il s’agit d’une bonne idée, mais qu’il va falloir que je me dépêche si l’on ne veut pas finir en petit morceau.

Alors je laisse ma magie sortir de mon corps. Je me concentre sur l’air et sur les sensations qu’il me procure. Je me mets entièrement en contact avec cet élément et le laisse envahir mon corps. Je le sens au plus profond de mon, dans chacun de mes muscles, chacune de mes cellules. Il est présent partout ce qui rend ma magie bien plus forte et efficace. Je dessine un cercle avec mes bras et bientôt je vois les premiers nuages de poussière décoller vers le ciel. Le nuage prend rapidement de l’ampleur en devenant de plus en plus épais. Si épais qu’il serait difficile de voir au travers. Au signal de Kalel, j’envoie le nuage vers les Sprinkhaans qui avaient repris les attaques vers Kalel. Ils sont rapidement étourdis et gênés par le sable qui le gâche totalement la vue et Kalel en profite pour les attaquer. Mais les insectes sont bien plus intelligents que ce à quoi je m’attendais, ils se sont préparés à l’attaque de Kalel et l’ont esquivés avec une facilité enfantine. Ils contre-attaquent rapidement, et l’un des insecte s’en prend à Kalel en enfonçant sa fourche dans son épaule blessée. J’entends Kalel hurler de douleur mais je ne me laisse pas déconcentrer et garde le contrôle sur ma magie. Je reste concentrer et ferme un instant les yeux. Je me vois alors inspirer l’air des poumons des insectes pour les empêcher de respirer et les étourdir. Alors je m’active. J’inspire profondément l’air et m’imagine en train d’inspirer l’air des poumons de mes ennemis. Rapidement mon pouvoir coopère et je vois l’air s’échapper des poumons de mes adversaires. Ceux-ci s’agitent un peu plus, devenant de plus en plus agressif. J’entends leur cris strident alors qu’ils cherchent à reprendre leur souffle à retrouver de l’oxygène mais en vain. Je leur bloque complètement leur respiration. Alors je profite de leur agitation pour créer un nouveau nuage de poussière, tout en maintenant le blocage de leur respiration. Désormais aveuglé et affaiblis, les insectes sont pris dans mon piège et ne peuvent plus en sortir.

A mes côtés, je vois que Kalel ne bouge pas, il m’observe fièrement user de mes talents.

Rapidement, je sens que les insectes faiblissent et s’écroule en direction du sol. Alors je romps totalement le lien avec le nuage de poussière qui me cachait également la vue jusque-là. Mais j’avais raison, grâce au mouvement de l’air, j’ai bien senti que les insectes chutaient. Je me jette alors au sol, mais à plat dans le sable et crée une brèche dans le sol. J’appuie un peu plus et libère complètement mon pouvoir qui se défoule dans le sol, agrandissant la brèche pour la transformer en immense tranchée. Les insectes ne peuvent plus rien faire. Ils ne peuvent lutter contre mon pouvoir qu’il leur bloque toujours leur respiration. Ils ne peuvent pas non plus lutter contre l’apesanteur qui les poussent lentement – un peu trop lentement à mon gout d’ailleurs – vers le précipice qui continue de s’agrandir.

Je sens la fatigue engourdir mes muscles mais je tiens bon. Je ne relâche pas la pression et bientôt les insectes s’enfoncent dans les profondeurs de la terre. Je relâche alors un peu la pression, ordonnant à ma magie de retourner à l’intérieur de mon corps. Celle-ci coopère immédiatement et le sol se referme alors, enfermant au passage la dizaine d’insecte tombés dans mon trous.

Alors, la simulation prend fin, et je m’écroule complètement épuisée.

Juste avant de fermer les yeux et de sombrer dans le sommeil, je parviens à entendre le « Waouh » ébahi de Kalel qui n’a toujours pas quitté sa place.

***

– Je dois admettre que tes progrès m’impressionnent !

J’ai la tête qui tourne et la vue complètement troublée lorsque j’ouvre les yeux. Je gémis, grommelle et détourne la tête fuyant cette lumière aveuglante qui me donne la migraine.

– Nox… Peux-tu baisser la lumière, s’il te plait… Je marmonne en fermant fermement les paupières.

L’ordinateur de bord s’exécute et la lumière se tamise agréablement. J’accepte enfin d’ouvrir les yeux mais ne constate qu’une forme floutée face à moi, ou plutôt au-dessus de moi. Je me frotte énergiquement les paupières et cligne plusieurs fois des yeux dans l’espoir de chasser cette purée de pois qui me brouille la vue, avant d’ouvrir les yeux. Mes yeux s’écarquillent et je rougis ; Kalel est penché au-dessus de moi et me tient toujours fermement dans ses bras. Je vois alors sa bouche s’ouvrir et ses lèvres remuer, mais je n’entends rien, ou plutôt je suis bien trop concentrée sur la proximité de nos deux corps pour écouter le moindre mot. Je vois à son sourire qu’il est content, il est peut-être même fier de mes progrès mais je n’en suis pas sûre, avec lui je ne suis jamais sûre de ce qu’il se passe dans sa tête.

J’ai l’impression que son visage s’approche du mien, je me fige et ma respiration se coupe. Je ne sais pas ce qu’il compte faire, je ne sais même pas à quoi il pense, contrairement à lui qui lit en moi comme dans un livre ouvert, mais ma conscience me crie qu’il s’apprête à m’embrasser. J’ai le cœur qui bat la chamade et je n’ose plus bouger, pas même cligner des yeux.

Mes joues doivent désormais être aussi rouge que mon débardeur et vu la blancheur de ma peau, il doit être aveugle pour ne pas le voir. En tout cas, il ne fait aucune remarque et c’est tant mieux. Sans un mot, il finit par se relever, m’attraper les poignets et m’aider à me lever. A peine suis-je debout, droite sur mes jambes, que celles-ci se mettent à trembler. Chancelante, je manque de tomber, Kalel me rattrape et me maintient fermement par les épaules. Je ferme de nouveau les yeux et attends patiemment que cet horrible vertige veuille bien quitter mon corps.

– On a peut-être un trop forcé aujourd’hui.

Inquiet, il place ses mains sur mes épaules et baisse son visage vers le mien. Il scrute mon regard, attendant une réaction de ma part mais je reste figée. Son visage s’approche un peu plus, je pense qu’il doit me demander si je vais bien, si je vais savoir marcher pour rentrer, mais mon regard reste fixé sur ses lèvres. J’ai comme une envie de l’embrasser… Je dois vraiment être épuiser pour penser à embrasser mon professeur…

Alors il sourit et m’aide à quitter la pièce. Ses yeux brillent de malices, sans pour autant être moqueurs cela tient plus à de la fierté et de la flatterie, alors je comprends qu’il a lu dans mes pensées.

Il est temps pour moi de rentrer chez moi, m’enfoncer sous mes couvertures pour ne plus jamais en sortir et mourir de honte.

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