PDV ARTHUR – Lundi 15 Mars 2137
Le réveil sonne. Des douces caresses sur mon épaule m’aide à me sortir des limbes puis, de manière inattendue, des lèvres laissent un baiser sur mon front.
– Tu te lèves ? dit-il d’une voix endormie.
– Humm… Je préfère rester ici, dis-je en obligeant Ryan à revenir dans le lit. Notre chambre est simple, un lit double collé au mur de droite quand nous rentrons et à gauche, une armoire incrustée dans le mur, il y a juste un petit écran à côté avec tous les vêtements qui défilent, nous avons juste à cliquer sur l’image, et la porte s’ouvre pour laisser place à l’habit.
Nous nous câlinons un peu, un bisou sur les lèvres et je pars à la douche. La salle de bain étant en face de notre pièce à coucher, je me lave et m’habille d’un jean et d’une chemise bleue.
Un petit déjeuner plus tard, je sors de l’appartement. Nous sommes ensemble depuis sept ans, depuis nos dix-huit ans, ça nous semblait être une évidence nous deux et ça l’est toujours. Nous habitons un petit appartement avec juste ce qu’il nous faut, mais très cocooning et plein d’amour dans la ville 207. Ryan vient d’un foyer ville 210, il a déménagé pour le travail ici à ses dix-huit ans, quant à moi, je suis né ici.
Je marche dans les rues de la ville pour me rendre au travail, je fais les maquettes pour le magazine « La Gazette des Sciences ! » et de temps en temps j’écris des articles. C’est le seul journal papier qui existe encore pour permettre à tout le monde de l’avoir, il est donc gratuit et obligatoire. Comme l’indique son nom, il retrace les nouvelles avancées pour un vaccin et autres découvertes.
La ville 207, souvent appelée la ville de l’Art, est connue pour la Gazette et aussi car ici se trouve le plateau télé de News Jo’, nouvelles journalières diffusées dans toutes les villes, c’est là où travaille Ryan en tant qu’informaticien. Nous avons aussi la plus grosse boîte de photographie, qui travaille pour toutes les marques de vêtements et autres, les Éditions de Livres Papier, la seule encore debout. Et World Ciné, ils ont tous les droits des anciens films, ils décident oui ou non de les ressortir en salle de cinéma et aussi de produire de nouveaux films, mais c’est rare.
XXX – BUREAU GAZETTE DES SCIENCES – 9H
J’arrive enfin au bureau et vais m’installer à mon box devant mon ordinateur.
– Ah Arthur, t’es là ! dit Ariane, ma supérieure, arrivant devant moi. Je suis désolée de te presser mais j’ai besoin de l’interview que t’as faite sur le médecin de l’hôpital Brendon sur mon bureau en fin de matinée.
– Bien sûr, je la finalise et il est tout à toi, mais il y a un problème pour le prochain numéro ?
– Il y a des problèmes avec la page de Ned donc j’ai besoin rapidement d’une nouvelle page pour enfin l’envoyer à l’impression, ce n’est pas un souci pour toi ?
– D’accord, non ne t’inquiète pas, ça sera sur ton bureau à 12h.
– Merci, tu me sauves, dit-elle avant de repartir aussi vite qu’elle est venue.
Nous sortons un magazine mensuel ou bimensuel quand il n’y a pas grand-chose de nouveau. La maquette pour le journal est toujours la même, j’ai juste à mettre des articles et photos puis ça part à l’impression. Ariane coordonne tous les journalistes, photographes, … puis il y a M. Jason, patron de la gazette.
J’ai fini d’écrire et de corriger l’article, je l’ajoute au numéro et imprime le tout et vais le déposer dans le bureau d’Ariane, il sera ensuite imprimé en un grand format pour toutes les villes.
– Tu l’as fini ? dit-elle en me voyant avec les papiers.
– Oui, tiens.
« Tout le personnel est invité à aller dans le hall pour un TAV »
– Encore ? dis-je, nous en avons fait un il y a six mois, râlé-je en voyant le visage d’Ariane se décomposer à cette annonce.
Nous nous rendons dans le hall, nous devons nous mettre en file, trois espaces avec rideau on était installé pour faire le TAV, ils te piquent juste le doigt et analysent la goutte de sang, tout est très rapide, en dix minutes c’est plié.
Vient enfin mon tour, je m’assieds sur le tabouret, et tends mon doigt, la machine me pique, et recueille ma goutte de sang, je prends un pansement puis, on me dit de partir, le patron nous renvoie chez nous. Je passe dans mon box pour prendre mes affaires, mais Ariane arrive vite.
– Tu n’as pas eu de problème au TAV ? demande-t-elle inquiète.
– Non tout va bien, j’ai vu sur l’écran positif, et toi ?
– Positif aussi, mais le personnel ne t’a fait aucune remarque ?
– Non aucune, tout va bien, comme d’habitude, ils sont toujours froids.
– Ok, très bien, dit-elle soulagée, je te laisse rentrer auprès de Ryan.
XXX – APPARTEMENT RYAN ET ARTHUR
Ryan est enfin rentré du boulot, nous dînons tranquillement mais j’ai toujours la réaction d’Ariane dans la tête qui me paraît bizarre, j’ai d’abord cru qu’elle avait les symptômes du virus, mais son TAV s’est révélé positif, je ne comprends pas, j’en fais alors part à Ryan.
– C’est la réaction qu’elle a eu après le test qui m’a paru étrange, dis-je, elle m’a demandé si personne ne m’avait fait de remarque et quand j’y repense elle avait l’air très préoccupée toute la matinée, je l’ai vue passer plusieurs fois devant nos boxes, stressée.
– Tu as dit que le numéro avait un problème, c’est peut-être ça ?
– Je ne pense pas, elle n’est jamais aussi angoissée pour le retard d’un numéro, je pense qu’il y a autre chose, mais je ne sais pas quoi.
– D’accord, elle était aussi stressée, anxieuse dernièrement, ou autre acte bizarre de sa part ? demande-t-il en reposant ces couverts qui tintent contre l’assiette pour se concentrer totalement sur moi et mes inquiétudes.
– Je ne sais pas… Enfin, elle a souvent fermé sa porte de bureau, c’est peut-être anodin, mais pour elle non, sa porte est toujours ouverte, réfléchis-je.
– Quand elle fermait la porte, elle était avec d’autres personnes ou pas ? Me demande-t-il pour poursuivre son enquête.
– La plupart du temps oui, dis-je maintenant inquiet, il y a vraiment un problème.
– Avec des personnes du bureau ? demande-t-il, je hoche la tête pour oui. Donc c’était un problème au bureau, continue-t-il. L’ancien numéro peut-être ?
Je ressors le carton avec tous les numéros du magazine, quand nous avons fini de les lire, je les mets là pour les remettre au recyclage, heureusement la boîte est encore pleine.
Je feuillette le numéro mais il n’a rien d’étonnant, même maquette avec les articles et les photos.
– Attends, regarde ! s’exclame Ryan. Sur toutes les fins de page, il y a comme d’habitude écrit Gazette des Sciences, Numéro Mars 2137, mais aussi une suite de chiffres, tu sais ce que c’est ?
– Absolument pas, je n’ai même pas fait attention quand j’ai fait la maquette. Peut-être qu’ils ont été mis après ? suggère-je. Non je suis parano, pensé-je.
– C’est possible, ça passe forcément par le bureau d’Ariane, donc c’est peut-être elle qui les a rajoutés ? réfléchit Ryan.
– Très bien, si on dit que c’est elle qui a rajouté les chiffres, ils correspondent à quoi et pourquoi elle l’a fait ?
– Je ne sais pas mais on va le découvrir, c’est sûrement un code ou quelque chose d’autre,
Cela fait deux heures, que nous retournons ces chiffres dans tous les sens et rien, strictement aucune réponse, aucune piste, il faut procéder autrement, toute personne ferait quoi avec ces chiffres ? Certainement pas essayer de le déchiffrer avec des codes, Ryan est informaticien, il code souvent, ça lui semble normal de faire ça, mais moi qu’est-ce que je ferais ?
Je cherche tout simplement sur internet, je m’empare rapidement de mon ordi et vais dans le logiciel de recherche et tape. Rien, aucun résultat.
Je tape la suite avec Gazette des Sciences à côté. Je tombe sur un résultat, « Article 1555967 » mais rien sur la page juste « Erreur – article plus disponible ». Je fais part de mes découvertes avec Ryan, il essaye de débloquer l’erreur et de retrouver l’article mais il n’y arrive pas, nous abandonnons nos recherches. Nous revenons à table et nous finissons le repas puis, nous décidons de ne plus y penser.
XXX – MARDI 16 MARS 2137
Il est un peu avant neuf heures, j’arrive tout juste au boulot, j’ai longuement discuté avec Ryan ce matin, il ne voulait pas que j’aille au travail avec cette histoire d’article et le fait qu’Ariane était inquiète pour moi, mais je n’ai rien fait de grave, alors me voilà pour une nouvelle journée.
Il est déjà 10h, je fais quelques corrections sur des articles, je n’ai toujours pas vu Ariane ce matin, c’est bizarre mais j’imagine qu’elle est dans son bureau.
– Arthur, vous êtes là ! dit le patron en arrivant devant moi.
– Bonjour Monsieur, dis-je en me levant lui serrant la main, je peux faire quelque chose pour vous ? demandé-je.
– Oui, allez dans mon bureau je vous pris. Je vous rejoins dans quelques minutes. Nous devons absolument discuter. Dit-il très sérieux.
Je suis dans son bureau, je fais les cent pas, je ne sais pas de quoi le patron veut me parler, mais je n’ai rien fait de mal, je m’arrête d’un coup.
Au bout du couloir, le patron revient avec deux agents de la MCPV. Ma respiration se coupe quelques secondes, quoi mais impossible ? Ils viennent pour moi c’est sûr, mais je l’ai vu hier, TAV positif.
Je m’empare de mon téléphone et appelle tout de suite Ryan, je vois les agents se rapprocher de plus en plus, je sens les battements de mon cœur accélérer.
Les bips à répétitions me saignent les oreilles, je panique encore plus, je tombe sur sa messagerie.
– La MCPV est là pour venir me chercher, je te jure j’ai pas le virus, dis-je rapidement avant de raccrocher et de m’asseoir précipitamment sur le fauteuil devant le bureau.
– Arthur, dit le patron en entrant dans la pièce suivit des agents. Il semblerait qu’il y ait eu une erreur avec ton TAV, après vérification il semble que tu aies le virus, ces agents sont là pour t’emmener.
– Quoi ?! Mais je n’ai aucun symptôme !
– Tu sais que nous ne pouvons pas te faire confiance en disant ça, dit-il désolé, vous pouvez y aller.
Les soldats attrapent mes mains et les enfilent dans les menottes en métal, froides, je ne réagis que trop tard quand ils me poussent férocement dans le couloir, mes jambes ne voulant pas avancer.
Je fais des mouvements brusques pour qu’ils enlèvent leurs bras et marche tout seul, je sens le regard de mon patron dans mon dos, je sens le regard de mes collègues sur moi, choqué.é, peiné.e. J’entends leurs brides de conversations à mon sujet, essayant de se faire discret. Dommages, même si j’en n’entends pas tout, je devine aisément ce qu’iels peuvent se dire. « Comment c’est possible ? », « Je l’ai toujours vu en forme », « Les malades savent de mieux en mieux se cacher » …
Je suis mis dans un fourgon de la MCPV, assis sur le banc gelé, les mains attachées à une barre dans mon dos, je suis seul, dans le noir, avec un maigre filé de lumière qui arrive d’en haut de la cabine de conduite. Ma tête finit par se poser lourdement contre la paroi, j’ai qu’une pensée. Ryan.