Axel.
J’étais content d’avoir parlé à Eliya cette nuit. Je ne savais pas comment elle allait prendre le fait que je la cherche sur les réseaux sociaux, mais c’est passé.
J’ai eu du mal à me rendormir, j’ai fait des cauchemars, toujours aussi bizarres, mais toujours plus violents.
Mon service me semble interminable. Les gens n’arrêtent pas de rentrer, on dirait que ça ne va jamais s’arrêter. Je passe mon temps à regarder la pendule au-dessus de la porte de la cuisine. J’ai déjà renversé un plateau de vaisselle sale. Je n’y suis pas du tout.
J’appréhende de la voir, je ne sais pas pourquoi. Mais j’ai ce besoin de m’expliquer, de lui justifier mes actes. De lui dire pourquoi. Et surtout, j’ai besoin de savoir ce qui se cache au fond d’elle.
Je réfléchis à ce que je vais lui dire. Plus je pense à elle, moins je suis concentré. Heureusement, il ne reste que dix minutes avant de partir.
Je débarrasse les dernières tables quand, Tom mon manager, arrive vers moi.
— Axel, c’est quoi ce service de merde que tu m’as fait ?
— Oui désolé, je ne suis pas trop dans mon assiette aujourd’hui.
— Je m’en fout quand tu es au boulot tu te donnes a cent pour cent, sinon tu prends ton tablier et la portes.
— C’est bon, j’ai compris !
— T’as pas l’air d’avoir compris non. Écoute, Axel ce n’est pas la première fois que je viens te parler.
J’entendais ce que Tom me disait à moitié, je me faisais violence pour ne pas exploser. De quel droit il se permettait de me parler comme ci j’étais la pire merde au monde. J’essaie de faire le vide dans ma tête, de me concentrer sur ma respiration. De faire le vide.
— Oh, Axel, tu m’écoutes ou pas ?!
Tom me donna un coup sur l’épaule et ce fut le geste de trop. Je le pousse violemment contre une table et m’approche de lui prêt à lui mettre mon point sur la figure.
Mais en relevant un peu la tête, je vois Eliya derrière les vitres du restaurant. Elle me regarde. Et je le vois elle a peur.
Je lâche Tom et recule d’un pas. Prenant conscience de ce que je venais de faire.
— Désolé… J’suis désolé.
Et je pars en courant. Je n’entends même pas ce que Tom hurle. J’attrape mes affaires et sors du restaurant en courant à toute vitesse il faut que je la rattrape.
Quand j’arrive à sa hauteur, elle ne s’arrête pas, elle continue son chemin sans même me jeter un regard.
— Eliya, arrête-toi s’il te plaît. Je peux tout t’expliquer.
Elle ne me répond pas. Au moment ou je tente de lui attraper le bras, elle a un mouvement de recule et s’arrête net.
— Ne me touche pas Axel.
— Je ne vais rien te faire, Eliya…
— Ton collègue ne peut pas en dire autant !
— S’il te plaît, laisse-moi t’expliquer.
— Expliquer quoi ? Que tu n’as pas retenu la leçon ? Que tu étais prêt à taper ce pauvre type, pour je ne sais quelle raison ?
— Eliya !
— Ce n’est pas avec moi que tu devrais parler Axel, mais as un psy !
Ce que disait Eliya m’énervait encore plus, je sentais la colère monter en moi. J’avais envie de violence, plus je me rapprochais d’elle, pour m’expliquer plus elle reculait. Jusqu’au moment où elle sortit la phrase de trop.
— Va te faire soigner Axel !
Je l’ai plaqué contre le mur et j’ai donné un grand coup de poing dans celui-ci. J’étais si prêt d’elle que j’ai vu la peur dans ses yeux. Elle ne bougeait plus. Ne disait plus rien. Je l’avais terrorisé avec un seul geste.
— Eliya, écoute-moi maintenant. Je ne te ferai aucun mal. Mais laisse-moi t’expliquer.
Et sans lui laisser le temps de me dire quoi que ce soit, je lui prends la main, et la traîne dans le parc un peu plus loin. On s’assoit sur un banc. Elle ne dit rien, elle ne me regarde même pas. Je décide alors de me lancer.
— Écoute ce que tu viens de voir, ça n’arrive pas souvent, je ne peux pas te dire jamais. Car si ça arrive. Plus que je ne le voudrai. Tu sais déjà que les bagarres m’ont coûté mon ancienne vie. Mais je travaille sur ça, je te jure que c’est la vérité. L’autre soir, tu voulais savoir pourquoi je me battais dans la rue. Je sais c’est pas la chose la plus intelligente à faire. Mais je ne peux pas m’en empêcher, et puis cet argent, j’en ai besoin. C’est sur que je risque gros. Si jamais je me fais chopper, je repasse de suite par la case prison. Mais je ne peux pas m’en empêcher. Toute cette colère… Je vais à la salle où tu m’as trouvé l’autre jour. Ça fait partie de ma thérapie, mais ce n’est pas suffisant. J’ai besoin de toujours plus, et toujours plus fort.
Une fois que je lui ai tout déballé, nous sommes restés assis sur ce banc, de longues minutes.
Elle ne disait rien. Elle fixait un point au loin. Elle ne bougeait pas. Elle m’avait écouté, et maintenant elle laissait ce silence insupportable s’installer entre nous.
— Tu ne vas rien dire ? lui dis je.
Elle se tourne enfin vers moi.
— Qu’aimerais-tu que je te dise ?
— Je ne sais pas. As-tu peur que je te fasse du mal ?
— Plus maintenant. Mais ça ne veut pas dire que je cautionne ce que tu fais.
— Je comprends.
Elle se leva, jeta un coup d’œil à son téléphone.
— Je dois y aller.
— Tu ne vas pas partir maintenant ?
— J’ai un rendez-vous.
Et comme à son habitude elle me laissa en plan, sans même se retourner.
Eh bien, on ne sait pas trop quoi penser d’Axel. Je ne suis pas convaincu de ses résolutions. Eliya joue avec le feu quand même.
Et visiblement elle adore ça.
L’appréhension et le danger peuvent être attirants, mais gare aux conséquences. Axel n’est pas de ceux qu’on quitte impunément. Mieux vaut ne rien commencer du tout.
C’est dommage que ce qui unis ces deux âmes esseulées ne soit pas leur meilleure version de soi-même.
Alors-là, tu me fais travailler (et j’aime ça). Reprenons les bases connues sur les personnes colériques : Ils sont narcissiques, ils ont tendance à se surestimer. Ils sont positifs, dans le sens où ils sous estiment les difficultés. Ils deviennent colériques lorsque l’on attaque l’image grandiose qu’ils ont d’eux même. Ils sont peu introspectifs. Or, tu nous fais visiter la tête d’Axel et quelles genres de questions y trouvons-nous ? Des trucs en surface. Lorsqu’il se demande « De quel droit il se permettait de me parler comme si j’étais la pire merde au monde… » il interprète, car ce n’est pas ce que Tom lui dit. Il ne fait aussi aucune réelle introspection. Il ne voit pas non plus le réel impact de frapper sur le mur à côté du visage d’une personne (Je l’ai terrorisée avec un seul geste… et comme d’habitude, elle me laissa en plan… elle me fait ça à moi, elle me fait du mal que je ne mérite pas… )
Il lui prend la main et l’emmène au parc pour parler…
Tu sais quoi Gaëlle ? Les narcissiques sont mes sujets préférés. Il y en a plein dans mes histoires. J’espère que je ne me trompe pas trop sur le diagnostique Docteur.
Télégramme pour Eliya : Sauve-toi… Stop. Tire-toi de ce quartier au plus vite. Tu es en danger au moment de ta vie où tu es le plus vulnérable. Fin de transmission.