Les Crapules de la Cabane – Chapitre 9

4 mins

                                        Chapitre 9 : Loups Blancs

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Mes sourcils se froncèrent. Connaissant l’animal, Ed allait sûrement exiger une compensation en échange de l’information.

— Ah ouais ? Vas-y, balance ! Elle habite où ? demandai-je en sachant pertinemment que je n’obtiendrai rien de lui sans aligner les biftons.

— Tu m’donnes quoi en échange ?

J’en étais sûr.

— Je vois. En fait, t’en sais rien du tout. Allez, tire-toi, Ed ! tentai-je de le vexer en espérant lui faire cracher le morceau.

La psychologie inversée. Facile à utiliser sur un jeune benêt à peine sorti de l’adolescence comme lui. Il suffisait que je froisse son égo en le traitant de menteur, et il se livrerait, à coup sûr !

— Tu m’prends pour un débile ? J’te dirai rien si tu m’files pas au moins dix balles !

Raté. Il se révélait moins stupide que je le pensais, mais il avait déjà revu ses exigences à la baisse. Je me moquai de lui en lui adressant une grimace puérile. De toute façon, je n’avais même pas dix balles. Et je doutais que mes trois potes réunis aient suffisamment de caillasse dans leurs poches pour atteindre cette somme.

— Laisse tomber Harlem, j’vais demander à Walter, décida Mohan.

— Ça sert à rien. Il va s’faire un plaisir de t’envoyer chier.

Walter n’était déjà pas du genre à rendre service, surtout pas à l’un d’entre nous, encore moins s’il avait perçu chez nous des intentions discutables, quelles qu’elles soient. Mais Mohan, persuadé de pouvoir faire parler le vieux grincheux, retourna à l’intérieur. J’échangeai avec Angus un regard dépité en secouant la tête, convaincus tous les deux que ça finirait comme un coup d’épée dans l’eau. Le blond ressortit du pub moins d’une minute plus tard, se frottant la tête en grimaçant.

— Alors ? demandai-je sans suspense.

— Il a rien voulu m’dire, répondis Mohan, déçu. Et il m’a frappé sur la tête avec sa putain de béquille, l’enfoiré !

Nouveau regard entendu échangé avec Angus. Et le coup de la béquille, je l’avais pressenti, moi. Même Ed leva les yeux au ciel, pas surpris le moins du monde de nous voir échouer avec l’aubergiste.

— Allez, fouillez vos poches les crapules, vous avez besoin de moi ! J’prends aussi les bijoux et les tickets resto !

Comme si on avait bijoux ou tickets restos sur nous… Pour les premiers, il fallait avoir de l’oseille. Pour les seconds, il fallait avoir un boulot. Personnellement, je n’avais ni l’un ni l’autre. Mais il avait raison sur un point, l’apprenti escroc, on avait besoin de lui. Malgré ça, hors de question de négocier avec le morveux comme avec Tony. A ce train-là, on se ferait dépouiller nos bénéfices avant même d’avoir vu la couleur du moindre penny. Sans ménagement, je l’attrapai au col et le secouai, grognant entre mes dents pour lui foutre la trouille.

— Bon allez, assez rigoler demi-portion ! Tu vas nous la cracher l’adresse de la vieille ?!

Je suis contre la violence, sauf quand elle est nécessaire. Et, indépendamment de ma volonté, il se trouve que c’est souvent requis. Est-ce que j’y peux quelque chose, moi ? Question purement rhétorique, inutile de débattre sur le sujet.

C’est qu’il ne se laissait pas facilement intimider, le mioche. Direct, il m’envoya un coup de pied bien violent en plein sur le tibia !

— Le fils de pute ! grognai-je en le relâchant.

— T’es qu’un connard, Harlem ! gueula Ed. Mon frère il va v’nir te péter la gueule, espèce de tocard !

Mon visage se tordit de douleur. Une main sur mon tibia, j’agitais l’autre en direction du jeune freluquet pour qu’il dégage. Il s’éloigna enfin, en continuant de beugler comme un veau, m’affublant de quelques noms d’oiseaux.

— T’es dans la merde, m’informa Angus. Le frère de Ed, c’est pas le même gabarit.

— Ah ouais ? Mais c’est pas un attardé son frangin ? demandai-je en me redressant. J’ai toujours entendu dire que c’était un neuneu.

— Il est pas neuneu, il parle juste pas beaucoup et il sort pas tellement de chez lui, précisa Mohan. Il parle même pas du tout, mais il cogne tout ce qui bouge et des fois pour pas grand-chose.

— On s’en fout, j’vais pas m’laisser impressionner par un débilos ! clamai-je, plein d’assurance.

— J’te dis qu’il est pas débile ! Il est juste… insista Mohan.

— Muet ouais, ok, j’ai compris.

— Non plus, il…

— Mais on s’en fout, bon sang ! J’te dis que j’ai pas peur de lui !

L’air légèrement inquiet, j’observais Taz qui s’était raidi comme un piquet, la tête bien enfoncée dans les épaules. Il faisait ça à chaque fois que ça gueulait un peu fort.

— Qu’est-ce qui t’arrive à toi ? T’es pas bien ? demandai-je, étonné.

— Tu sais bien que la violence, ça me fout l’angoisse. Faut que je bouffe un truc.

Taz, quand il se sentait nerveux, il fallait qu’il mange. Un truc bien gras ou sucré, bourré d’hydrates de carbone, le genre de saloperie qui fait grossir la plupart des gens et qui leur file du cholestérol. Mais Taz, ça ne lui faisait rien, il était toujours gaulé comme une crevette.

— La violence, la violence… Faut quand même pas exagérer ! Et puis, on n’a toujours pas l’adresse de la vieille, j’te signale !

On perdait notre objectif de vue, avec tout ça. Voilà notre problème majeur, on avait tendance à s’éparpiller, et on manquait d’organisation. Mais ce coup-là, je le voyais comme une occasion en or comme on n’en reverrait jamais dans toute notre vie ! Hors de question que je me laisse distraire si facilement, surtout par les états d’âme de cette chochotte de Taz !

— On va bien finir par trouver quelqu’un qui sait où elle habite, c’est pas comme si on était dans une grande ville où personne se connait, me fit remarquer Angus.

Pour un mec futé, il aimait bien enfoncer des portes ouvertes, par moments.

— Ouais mais le tout c’est pas de trouver quelqu’un qui sait où elle habite, mais surtout quelqu’un qui acceptera de nous le dire. J’comprends pas pourquoi personne veut jamais nous rendre service, s’étonna Mohan en me regardant.

Je haussai les épaules. Moi non plus, je ne comprenais pas. Il y avait comme une conspiration contre nous, dans le coin. Nous étions connus comme une meute de loups blancs, mais je ne trouvais pas ce préjugé légitime.

Taz leva la main, histoire d’attirer à nouveau notre attention sur son besoin urgent de glucides, mais on l’ignorait volontairement pour se concentrer sur notre affaire. Il se mit à agiter sa paluche comme un imbécile, m’arrachant un soupir de lassitude.

— Oui, c’est bon, on a compris Taz ! On va à l’épicerie, pestai-je en ouvrant la marche.

— De quoi tu t’plains ? Ça te donne l’occasion d’aller voir Olivia.

— Me parle pas d’Olivia, putain !

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2 Commentaires
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DeJavel O.
2 années il y a

Alors là ! Nos crapules se dépassent ! Toujours aussi nuls. Nos protagonistes sont engagés à fond dans un objectif clair : Trouver la vieille qui va leur dire comment écouler leur cam.

Tout va très bien dans ce récit. C’est un plaisir de lire cette histoire. Aucune longueur, aucune confusion.

Send more of your Crapules, please ! Will ya ?

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