Paris, 12 septembre 2020
– Madame Flibert, je suis désolé d’avoir à vous déranger dans votre travail mais c’est votre père, il nous a quitté.
– …
– Madame ?
– J’arrive.
– Il n’aurait pas voulu….
Catalina raccrocha. Oui il aurait voulu qu’elle s’occupe d’elle plutôt que de lui, elle connait le refrain. Mais il n’est plus là maintenant. Il s’était toujours tellement occupé d’elle, il avait été le centre de sa vie durant tant d’années. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Antoine. Non, jusqu’à ce qu’elle mette Sofia au monde. Et encore. Dès lors qu’il est tombé malade elle venait le voir chaque soir, une fois Sofia couchée. Elle lui racontait sa journée, ses différents procès en cours. Il se plaignait des infirmiers. Puis ils jouaient aux cartes et riaient en évoquant des souvenirs. La fois où Cat avais réinventé les règles des dames en pleine partie pour s’arranger la victoire quand elle avait 7 ans, ou encore quand elle avait 11 ans et que son père l’avait divertie en lui parlant de sa mère pour qu’elle se déconcentre et lui accorde la victoire aux échecs. Elle l’avait trouvé tellement injuste cet après midi là et avait boudé pendant près d’une heure ! Cat ne boudait jamais. C’était une petite fille qui respirait la joie de vivre et pardonnait très facilement en trouvant sans cesse des circonstances atténuantes. Alors Eduardo s’en était voulu. Il lui avait préparé son goûter préféré (des pancakes au sirop d’érable) et lui avait apporté dans sa chambre en promettant de ne plus recommencer ce genre de sournoiseries. Ce qu’il a fait, jusqu’à ce qu’il tombe malade.
On lui a diagnostiqué un cancer des os quelques mois plus tôt, situé dans le bas de la colonne vertébrale, ce qui lui a rendu impossible l’utilisation de ses jambes. Peu a peu, le cancer s’est propagé, limitant l’utilisation des ses bras et donc du fauteuil roulant. Même s’il n’était pas totalement paralysé du haut du corps, il manquait de forces et ses articulations le faisait souffrir, autant physiquement que mentalement. Eduardo était un homme très actif, qui ne supportait pas l’inactivité, l’enfermement et encore moins de devoir être dépendant des autres. Il faisait vivre un enfer à ses infirmiers. Plus d’un avait démissionné. En fait ils ont tous démissionné jusqu’à ce que Cat engage Mamadou, un auxiliaire de vie immigré, qui avait fait raviver de nombreux souvenirs dans la mémoire d’Eduardo.
Ainsi, ils passaient leurs journées à discuter de leurs anciennes vies dans leurs pays respectifs, cela empêchait Eduardo de se lamenter sur son sort et le rendait donc plus aimable avec les infirmiers. Depuis, il parlait régulièrement de sa femme, pensant qu’il la rejoindrait bientôt. Et puis, comme Cat était devenue bien meilleure que lui aux jeux, et qu’elle ne pouvait pas bouder son père sur son lit de mort, il n’hésitait plus à la déstabiliser avec une nouvelle histoire. Et Cat adorait les histoires. Depuis toute petite, elle a toujours été avide de détails, ce qui était un atout pour son travail aujourd’hui.
Mais à partir d’aujourd’hui elle ne pourrait plus entendre d’histoires sur sa mère. Elle pourrait toujours les raconter à Sofia bien-sûr, elle ne les oubliera pas, mais elle ne les regardera plus à travers les souvenirs de son père. Aujourd’hui, elle était orpheline. Alors oui, son père n’aurait pas voulu qu’elle quitte son travail pour lui, mais aujourd’hui elle n’était pas capable de se concentrer sur les histoires des autres. Il fallait qu’elle accepte qu’elle n’entendrai plus jamais un nouveau détail de la vie en Colombie avant les années 1990.
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Dans la partie 2, on en apprendra un peu plus sur la vie de Cat et l’arrivée de son père en France, j’ai hâte de vous faire partager tout ça !