Quand sa mère est morte…

2 mins

    Quand sa mère est morte, en plein moi de mars, il n’était pas question de pleurer, même un peu, rien qu’à l’enterrement ou devant sa tombe, personne ne les auraient vu. Mais rien. Parce qu’elles n’avaient pas le droit. Ni l’une ni l’autre. C’était interdit. Mirelle s’accrochait, Hortense se retenait. Parfois elles pensaient à Andromaque, son combat, elles se disaient que elles aussi, devaient lutter, choisir, décider de quel côté pencher. Elles pensaient à qui serait Astyanax, qui était la mère de l’autre. Leur vie était-elle une tragédie ? Elles l’ignoraient. Alors chacune avait fait front. Dès le lendemain, Hortense était retournée travailler. Elle avait tenu parce qu’il fallait être forte. Elle y était arrivée merveilleusement bien, personne autour d’elle ne s’était douté. Quelques collègues avaient remarqué une légère fatigue, la fin du semestre, tout irait mieux après. Ils avaient dit vrai. Jusqu’à ce matin là, dans le bureau du psychologue. Il faisait beau, pourtant, dehors. 

Elle lui avait montré des photos de famille, par fierté sans doute. C’est en voyant cette photo, entourée de fleurs séchées, qu’elle a tout déballé. Elle a d’abord dit c’est papa, puis elle a détaillé, la soirée champêtre, buccolique, trop buccolique, et ce décor si beau, jusqu’à la voiture dans le fossé. Tout est sorti d’un coup, Hortense a vomi sur la moquette du cabinet, une fois, deux fois, à la troisième le médecin est venu la consoler, “ce n’est pas grave”, en lui tenant les cheveux. Quand elle s’est enfin calmée, il l’a prise contre lui, doucement, en parlant lentement, “on va travailler ensemble”. Il avait laisser son bloc-note de côté et regardait la tache sur le sol. “Vingts ans pour ça” avait-il penser. Il avait allongé Hortense dans un canapé le temps qu’elle reprenne des couleurs. Elle s’était soudain sentie légère, une fois sortie du cabinet. Le long de la Seine, le vent fouettaient ses cheveux, décoifés par les évènements du matin. L’air était frais, presque froid, les gens avaient ressortis les écharpes et les gilets, ils se promenaient à pas soutenu, les talons des dames claquant contre le sol, mêlés au rire des hommes à la sortie d’un bistro. Hortense, assise sur un banc, regardait son ombre, grandie par l’inclinaison du soleil, mince et frêle. 

– Encore deux semaines, pensa-t-elle.

No account yet? Register

1 Commentaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
DeJavel O.
2 années il y a

Deux semaines… en espérant que ce départ soit celui vers l’Inde et non vers… Enfin, espérons !

Car il arrive que le « départ » soit vu comme une libération.

Lire

Plonge dans un océan de mots, explore des mondes imaginaires et découvre des histoires captivantes qui éveilleront ton esprit. Laisse la magie des pages t’emporter vers des horizons infinis de connaissances et d’émotions.

Écrire

Libère ta créativité, exprime tes pensées les plus profondes et donne vie à tes idées. Avec WikiPen, ta plume devient une baguette magique, te permettant de créer des univers uniques et de partager ta voix avec le monde.

Intéragir

Connecte-toi avec une communauté de passionnés, échange des idées, reçois des commentaires constructifs et partage tes impressions.

1
0
Exprimez-vous dans les commentairesx