Chapitre 9 : Besoin vital

15 mins

Le sang est plus épais que l’eau mais l’eau est tout aussi vitale que le sang pour vivre. Ne l’oublie jamais.
-Dats

* * *

Iad 40 de l’ère impériale, sixième dan d’Arntayo

Fasner, capitale du duché éponyme, est une ville du Sud du royaume de Plenovny située au bord du fleuve Loshy. Fasner est aujourd’hui une ville importante d’un peu plus de cent vingt-deux mille âmes selon le dernier recensement impérial. Elle est principalement connue pour son important nombre de mystérieux meurtres nocturnes, l’ambiance pesante et malsaine de certains quartiers qui se répand telle une traînée de poudre une fois la nuit tombée et, enfin, pour le nombre conséquent de maisons de tolérance que la ville comporte. En effet, il s’agit de la ville ayant le plus de lieux des plaisirs charnels par quartier de tout le continent, au point qu’il s’agit là de la principale activité économique de la cité. Cette particularité a été rendue possible par le nombre important de demi-elfes fuyant les ghettos et les persécutions dans le Sud du royaume elfe de Forishny et finissant dans toutes les villes du Sud de Plenovny. En dehors de ça, Fasner a su développer le reste de son économie de manière tout à fait classique.

* * *

Se dirigeant vers cette singulière cité, un duo de voyageurs avançait avec entrain. Du moins l’un des deux.

-Honorable grand frère, qu’est-ce qui te pousse à marcher si gaiement vers cette ville ? Elle a une réputation sinistre.

Celui qui venait de parler était un jeune demi-elfe brun aux yeux verts, la peau légèrement bronzée par les dano de marches en plein Dokun. Il n’avait pas l’air d’avoir plus de quinze iado et il portait malgré ça un sac à dos assez lourd pour son gabarit. Ces vêtements étaient également simples et se résumaient à un pantalon et une chemise en lin. En somme, il n’avait rien de bien particulier à première vue.

-Justement, petit frère ! Il doit s’y passer bien des choses ! C’est tellement excitant de pouvoir goûter à de nouvelles expériences !

Celui qui venait de répondre était également un demi-elfe mais moins jeune, c’était un adulte à n’en point douter mais difficile d’estimer son âge exact à cause du sang elfe coulant dans ses veines. Il était blond avec des yeux verts, seul trait qu’il partageait avec son frère. Il était de taille moyenne et portait des vêtements amples, apanage des mages mais sans le bâton.

Sa réponse n’avait pas vraiment rassuré son frère et son sourire loufoque n’arrangea rien.

* * *

Les deux frères s’installèrent dans une petite auberge non loin de la place du marché. Elle était charmante mais sans prétention. Au moins, les prix étaient abordables et la serveuse fort agréable à l’œil. C’était une demi-elfe qui tenait visiblement davantage de sa mère, une ravissante elfe mère de famille que l’on pouvait apercevoir de temps à autre en dehors de la cuisine. L’aubergiste, son père, ne lui ressemblait pas le moins du monde, il était tout ce qu’il y a de plus commun pour un humain. C’était à se demander s’il était réellement le père de cette jeunette aguicheuse.

-Elle serait bien pour dégorger ton poireau petit frère. Je m’en occuperai bien en même temps d’ailleurs.
-Honorable grand frère…

Le plus jeune avait l’habitude de ce sujet de conversation, il ne s’offusquait même plus, il en était las. L’autre suivait des yeux la principale intéressée avec un regard lubrique sans équivoque. Son observation fut stoppée par un individu étrange qui s’installa à sa table sans crier gare. Il avait le teint pâle, des yeux jaunes maladifs injectés de sang aux pupilles contractées. De plus, il alternait petits gémissements et grognements sourds. Il sentait légèrement le brûlé. Le nouveau venu commanda un repas frugal, une bouillie de céréales et un pichet d’eau qu’il peinait à manger tant sa main tremblait.

-Honorable grand frère, nous devrions monter nous reposer. La route a été longue.

L’intéressé sortit de ses réflexions. Il observait sous toutes les coutures leur étrange compagnon de table depuis qu’il s’était assis. Il l’intriguait.

-Hum… Tu as raison, petit frère. Montons.

* * *

-La Mona est belle ce soir.
-Oui, honorable grand frère.

On entendit un hurlement provenant de l’extérieur, il oscillait en hauteur mais il durait longtemps.

-Les chiens du coin s’amusent on dirait. Ou peut-être est-ce un de ces fameux meurtres nocturnes ?
-Ça ne me dit rien qui vaille, honorable grand frère.

* * *

Iad 40 de l’ère impériale, septième dan d’Arntayo

Les deux frères descendirent dans la salle principale de l’auberge parmi les autres résidents. La clientèle était en effervescence, une rumeur courait. Ils n’en perdirent pas une miette.

-Vous avez entendu ? Un nouveau corps a été retrouvé !
-Et juste à côté de l’auberge d’ailleurs !
-C’est horrible ! Ça aurait pu être l’un de nous !

Chaque individu y allait de son petit commentaire sans pour autant apporter d’élément concret à ce qui semblait être un nouveau meurtre.

-Tu entends petit frère ? Il est temps d’enquêter !
-Oui… Honorable grand frère.

Il était bien moins excité que son aîné et il était même un tantinet nerveux. Ils sortirent tous deux et n’eurent pas à chercher bien longtemps la victime grâce à la foule qui s’était déjà amassée autour. La garde, quant à elle, brillait par son absence.

Après avoir franchi la foule, non sans difficulté, ils virent le cadavre. Des murmures s’élevaient de la foule, chacun y allait de sa petite théorie, de la plus banale à la plus étrange et farfelue. Un loisir comme les autres pour ces badauds dont les dano se suivaient et se ressemblaient comme deux gouttes d’eau. Un autre sujet occupera leurs pensées le lendemain, voir cet après-midi.

-Silence ! Je suis Kruny ! Expert des morts étranges, des mystères et de toutes sortes de bizarreries ! Je vais élucider cette mort inexpliquée sous vos yeux ébahis mais j’ai besoin de silence !

La foule se tut et observa avec la plus grande attention. Le petit frère se fit plus petit qu’il ne l’était face à la mise en scène de son aîné car ce dernier le mit dans l’embarras une nouvelle fois. Le grand frère se pencha sur le corps et l’examina. C’était un homme dans la quarantaine, grisonnant et bien aviné d’après son haleine. Un miséreux au vu de son accoutrement. Il était bien pâle, glacial et rigide. Il n’avait rien d’anormal en dehors de quatre trous dans le cou au niveau de l’artère carotide.

-Hum… Après un examen approfondi, je constate que ce mort n’a rien d’anormal. Je suis formel, il est mort de cause naturelle !

La foule fut silencieuse d’étonnement. Ou de stupeur devant l’incroyable bêtise de ce demi-elfe. Le mystérieux énergumène de la veille fit son apparition, toujours aussi pâle et les yeux jaunes mais il semblait bien plus calme et maître de ses mouvements désormais. Il s’approcha à son tour du cadavre, l’examina et le palpa. Il s’attarda un long moment sur les testicules avant de se relever et d’annoncer à la foule son verdict.

-Je suis formel, il a été la victime d’un vampire !

Et il s’en alla tout aussi mystérieusement au travers de la foule grouillante et bruyante, à demi-satisfait de son effet.

-Tu vois, ça a été intéressant. Il faut suivre ce type étrange !
-Honorable grand frère, j’ai un mauvais pressentiment.
-Comme toujours !

Kruny commença à suivre l’individu qui l’intriguait depuis hier. Son petit frère fit de même avec résignation.

-Et puis regarde, j’ai découvert une nouvelle méthode pour déceler les attaques de vampires. Je n’aurais jamais cru que malaxer longuement les testicules d’un cadavre puisse donner de tels résultats. Et pour les femelles, ce serait quoi ? Les seins ou… Peu importe, c’est tellement excitant !

* * *

Ils suivirent l’étrange individu jusqu’à un quartier en partie abandonné où s’enchaînaient les demeures tombant en ruine. La nuit, ce quartier doit être particulièrement effrayant mais fort heureusement, il n’était même pas l’unia du déjeuner, ce quartier était donc simplement malsain pour l’instant. Malsain et très oppressant.

Celui qu’ils suivaient s’arrêta au coin d’une rue à l’ombre d’un bâtiment et sembla observer attentivement une demeure tout ce qu’il y a de plus normal, à l’exception du toit tombant en décrépitude. Il y passa tant de temps que les deux frères s’assirent et se firent passer pour des mendiants.

Midi arrivant au bout de quelques uniao, le dan se fit plus clair et la chaleur plus étouffante. Celui qu’ils observaient bougeait de plus en plus, il semblait de plus en plus nerveux comme à leur première rencontre. Il se dirigea vers la demeure à une allure très rapide et il s’engouffra à l’intérieur en se tenant le bras, le dos voûté et la tête penchée en avant.

À l’intérieur, l’étrange être ne trouva que des meubles vétustes dévorés par les termites, des rideaux miteux, des toiles d’araignée en si grande quantité qu’il était possible de tisser des vêtements pour un orphelinat avec et enfin une odeur de décomposition à dégoûter un fossoyeur nécrophile nocturne adepte des rituels macabres. Oh ! Et il trouva cinq autres individus dans un état de manque bien pire que le sien.

L’un d’eux parvint à se lever, non sans difficulté. Il fit quelques pas, se frottant les bras énergiquement comme pour chasser des milliers d’insectes lui grimpant dessus. Il s’adressa au nouveau venu avec un ton très dur et une voix qui avait tendance à monter dans les aigus et à dérailler juste après.

-Anoush… Enfin… Te voilà… Brrr… Tu f’sais quoi ?
-J’étais sorti, Var.
-Ah oui ! Oh ! Ah ! J’ai oublié… Blffff… Où est le SANG !
-J’ai pas réussi à en trouver.
-Menteur ! Tu mens à ton frère ! Ah ! Ah ! Tu vas mieux que moi ! T’en as trouvé !

Il ne parvenait plus à se tenir debout. Il se plaqua contre un mur, se laissa glisser tout du long et finit sa course le postérieur dans la toile d’une fière maman araignée assistant à la naissance de ses premiers et derniers rejetons.

-Je sais que tu mens. Tu me le paieras, Anoush.

* * *

Les deux frères attendirent jusqu’à la tombée de la nuit, bien décidés à connaître le fin mot de l’histoire. Enfin, au moins l’un des deux l’était en tout cas. Un énergumène imposant et vêtu de manière à ne pouvoir être reconnu tirait un chariot dans lequel reposait de grands objets enroulés de tissu blanc. Il s’arrêta devant la demeure abandonnée. Lorsqu’il prit sur ses épaules l’un des paquets, ce dernier se mit à bouger, gigoter et se débattre comme il le pouvait. Il ouvrit la porte et jeta les cinq paquets les uns après les autres avant de refermer la porte. Il la frappa fort du poing et repartit avec son chariot.

-Tu as vu ce que j’ai vu ?
-Oui, honorable grand frère.
-C’est intéressant.
-C’est morbide, honorable grand frère.
-Justement.
-Il semblait nourrir des fauves, honorable grand frère.
-Je pense aussi.
-La nuit est tombée, honorable grand frère. Nous devrions partir.
-Tu as raison, c’est mieux de rester.
-Mais…
-C’est pour ça que tu es mon petit frère préféré.

Il lui fit un clin d’œil accompagné d’un sourire assez peu rassurant sur ses intentions.

Pendant ce temps là à l’intérieur, Anoush, le seul à ne pas être proche d’un état catatonique, parvint à articuler quelques mots.

-Les gars… Le repas… Est servi.

Il se leva de sa chaise et s’approcha des paquets blancs. Ils remuaient et gémissaient. Anoush se mit à genoux à côté de l’un d’eux…

-Du SANG !

…Il en retira le drap, révélant ainsi le visage, la tête et, plus important, le cou. C’était une jeune femme brune bâillonnée. Elle avait beau avoir quinze ou seize Vima derrière elle, il n’aurait aucune pitié.

-Pas pour toi, Anoush !

Anoush reçut un immense coup de pied en plein visage, un coup si fort qu’il finit contre une porte. Celle-ci céda et il dégringola un escalier jusque dans une cave.

-Du sang mes frères !

Anoush se redressa et remonta l’escalier comme il pouvait, petit à petit et à quatre pattes. Il entendait les autres se sustenter à chaque marche qu’il grimpait. Arrivé au sommet de l’escalier, il constata qu’il ne restait aucun corps pour lui.

-Y’en a plus Anoush.
-Var…
-Tu devrais être capable d’en trouver un, mon frère.
-Var…

Anoush se dirigea vers la sortie et se lança dans la pénombre nocturne en se sentant bien mal. Comme si des vers lui traversaient la peau et le corps. Il erra dans les rues, il sortit du quartier et finit par trouver au fond d’une impasse un mendiant dormant à même le sol. Il se laissa tomber à genoux à côté de lui, ce dernier se réveilla en sursaut mais il ne put hurler car une main était plaquée sur sa bouche. La terreur se lisait dans son regard. Anoush enfonça ses crocs dans le cou de la pauvre victime et il en fit son repas bien saignant. Quelques instants plus tard, Anoush se sentit de nouveau en forme.

-Ah ha !

Il tourna la tête en direction de l’éclat de voix. Les deux frères le regardaient, il avait été trop préoccupé par sa soif pour se rendre compte qu’il avait été suivi. Le grand frère se tenait accroupi à quelques pas de lui à peu près et il affichait un sourire triomphant.

Le regard d’Anoush passa du demi-elfe au mendiant, puis au demi-elfe, puis au mendiant, puis au demi-elfe…

-C’est une erreur ! Ce n’est pas ce que vous croyez ! Je lui faisait un suçon dans le cou puis son sang s’est mis à couler et j’ai essayé de le stopper en plaquant ma bouche dessus. Et j’aimais le goût alors je l’ai bu. Jusqu’à la dernière goutte.
-Alors toi, t’es un sacré numéro !

Kruny ne pouvait s’empêcher d’observer le vampire qu’il avait en face de lui ainsi que sa victime avec une fascination malsaine.

-Qu’est-ce que tu veux ?
-Je suis intrigué par ce que tu es. Mais je pourrais tout aussi bien te ramener au poste de garde le plus proche.
-Essaye pour voir demi-elfe.
-Il y a une prime pour le mort de la nuit dernière.
-Une prime ?
-Mais je m’en fiche comme de la chemise de l’impératrice. Tu faisais quoi devant cette ruine ?
-De quoi ? La maison ?
-Tout juste.
-C’est ma tanière.
-Tu n’avais pas vraiment l’air de vouloir y retourner.
-Je dois la partager.
-Ravis de savoir que tu souhaites nous rejoindre.
-J’ai jamais dit ça demi-elfe !
-Voyons ce qu’on peut apprendre de ta race.

Kruny se releva tranquillement sans quitter son inquiétant interlocuteur des yeux.

-T’écoutes quand je te parle demi-elfe ?

Anoush l’imita en se relevant également afin de se remettre au même niveau.

-Tu n’aimes pas tes amis, tu m’intéresses et on bouge sans arrêt. C’est un bon plan pour toi.
-Tu as parlé d’une prime c’est ça ?
-Moui je crois. Pour un type presque semi-important il me semble.
-De combien ?
-Je n’en sais rien.
-Pour un vampire quelconque c’est ça ?
-Il me semble bien.
-Dans ce cas, j’ai une idée.

Anoush arbora un air déterminé et sardonique tout en avançant d’un pas décidé.

-Fascinant !

Les deux frères lui emboîtèrent le pas, l’un avec enthousiasme, l’autre beaucoup moins.

-Et sinon, y en a beaucoup des comme toi ?
-Trop.

* * *

Anoush entra dans sa “tanière” et alla se planter droit comme un poteau devant Var.

-Quoi ?

Aucun son ne sortit de la bouche d’Anoush, par peur ou par défi. Ou tout simplement parce qu’il ne savait pas quoi dire.

-QUOI ?
-Y a quelqu’un dehors, dans une ruelle. Je l’ai entendu dire qu’il pouvait et allait te fracasser le crâne avec son petit doigt.
-Vraiment ? Si c’est ça, je vais lui en faire voir de toutes les couleurs. Conduis-moi mon frère.

* * *

Kruny se cachait derrière une poutre, prêt pour une embuscade. Du moins, c’est ce qu’il croyait. Il était deux fois plus épais que la poutre en question. Son frère, quant à lui, attendait assis derrière un tonneau.

-Honorable grand frère…
-Chut ! Tu vas nous faire repérer !
-Mais…
-Silence petit frère !

Quelques instants plus tard, il fut délogé de sa cachette par un Var tout excité. Fort heureusement, Kruny ne fut pas blessé contrairement à son poteau qui en reçut pour son grade.

-Ha ha ! Tu veux me faire la peau le rejeté ? Je vais me faire un plaisir de te découper avec mon frère !

Anoush se tenait derrière son frère vampire et s’élança avec lui à l’assaut de Kruny.

-Honorable grand frère !

Kruny parvint tout juste à bloquer Var mais il ne pourrait se protéger d’Anoush qui avait sorti une dague et la tenait prête à frapper. Le vampire attrapa l’épaule de Var et lui planta la dague à plusieurs reprises dans le bas du dos et les reins.

-Mon frère !

Son visage trahissait sa douleur et sa surprise ainsi qu’une profonde colère.

-Tu devrais t’en sortir par toi-même mon frère.
-Tu seras banni pour l’éternité… Vermine.

La voix de Var ne parvenait plus à s’élever et il mourut finalement quelques instants plus tard, dans une mare de sang et Kruny l’examinant sous toutes les coutures comme une souris disséquée.

-Plus qu’à ramener le corps pour toucher la prime.
-Avant ça, mon sujet préféré, j’ai une petite idée à expérimenter.
-Hum… D’accord.

Anoush se montrait particulièrement hésitant, ne sachant de quoi il parlait.

-Retournons à ta tanière. Nous reviendrons chercher le corps juste après.

Ils se dirigèrent tous les trois vers la demeure délabrée comme si de rien n’était ou comme Kruny s’imaginait que l’on marche sans avoir quoi que ce soit à se reprocher.

-Honorable suceur de sang…
-Ne m’appelle pas comme ça, petit.
-Hum… Honorable…
-Anoush. Je m’appelle Anoush.
-Honorable Anoush, mes excuses pour avoir douté de vous.
-Pas grave petit, c’est normal. Et arrête avec tes “Honorable” .
-Très bien hono… Hum… Anoush.

* * *

-Gloire à la lame ardente ! Brûlons l’impie mes frères !

La maison brûlait, le toit s’était déjà effondré. Elle ne mettrait pas longtemps à se consumer.

-Ton frère a une araignée au plafond petit. Et toute sa petite famille avec.

Le petit frère acquiesça devant ce spectacle à la fois magnifique et terrifiant.

* * *

Iad 40 de l’ère impériale, neuvième dan d’Arntayo

-T’as l’air d’aller mieux le suceur.
-Je suis allé me promener cette nuit. Et ne m’appelle pas comme ça !

Ils étaient tous les trois attablés à l’auberge et l’on fit tomber un parchemin devant Anoush. Ce dernier se retourna mais ne parvint pas à identifier le messager. Les deux frères, quant à eux, étaient trop occupés avec leur déjeuner pour remarquer quoi que ce soit. Anoush prit le morceau de parchemin, le lut et blêmit. Autant que possible pour un vampire en tout cas.

-Qu’y a t-il le suceur ?

Il lui tendit la missive avant de se frapper la tête contre la table en signe de repentance.

– “Rendez-vous à la Flumokstpinoy ce soir.” C’est le cachet de qui en dessous ?
-Celui du tenancier de la “Flumokstpinoy” .

Anoush semblait se remettre progressivement de sa récente crise de panique.

-C’est quoi ?
-Un bordel.
-Oh ! Tu y vis des expériences c’est ça ? Chacun son truc j’imagine.
-Non ! Ça fait partie des lieux appartenant aux vampires de cette maudite ville de merde. Officiellement cet établissement de grande qualité appartient à la duchesse.
-Oh !

Kruny sembla avoir une illumination, ce qui ne présageait rien de bon selon son petit frère.

-Viens petit frère ! On va visiter cet endroit en prévision de ce soir.

Il se leva et fit quelques pas sans même attendre de réponse et encore moins un semblant de contestation.

-Je sens que ce n’est pas une bonne idée, honorable grand frère.

Ce dernier fit volte-face et revint quelques pas en arrière en direction de son jeune frère.

-Anoush, reste ici. On devrait être de retour en fin d’après-midi.

Et il repartit du même entrain en tirant son petit frère par le col avec force.

* * *

-Est-ce vraiment nécessaire honorable grand frère ?
-Je dois vérifier la qualité de ces filles. En particulier de cette charmante demi-elfe ayant probablement fui le duché de Rosto et qui a besoin de réconfort. Toi tu restes ici. Juste devant la porte. Ce sera l’occasion pour toi d’apprendre quelques petites choses.

À ces mots, il entra dans la chambre suivi par la “jeune” demi-elfe qui était assez légèrement vêtue, même pour cette période de l’année. Le petit frère avait une mine dépitée malgré les regards aguicheurs des autres filles. Il passa les quelques dizaines de minuto suivantes devant la porte comme ordonné et entendit tout ce qui se passa dans la chambre. Y compris le plus intime.

* * *

-Alors ?

Kruny venait de s’asseoir à la même table que ce midi comme si elle commençait à lui être réservée.

-Les filles sont excellentes, rien d’anormal à ce sujet. Sauf qu’elle a essayé de me mordre le cou, je crois. Je pense que ces filles sont également des vampires.
-Ça, j’aurais pu te le dire.
-Mais c’est mieux de le constater par soi-même.

Son petit frère semblait n’être qu’une coquille vide désormais. À l’inverse, Kruny semblait ravi de son escapade.

-Et pour tout à l’unia ?
-Tu t’y rends normalement. On attendra dehors au cas où.
-Quoi ? Tout ça pour ça ?
-Tu es convoqué, ça devrait aller.

Anoush ne sembla pas très convaincu mais il n’avait pas de meilleure idée. S’esquiver était, pour l’instant, la pire de toute.

* * *

-Il vous attend à l’étage. C’est la porte au fond, à droite.

Anoush remercia la fille d’accueil d’un mouvement de tête et grimpa les marches de l’escalier lentement, avec crainte. Il arriva devant la porte indiquée. Il avait l’impression qu’un serpent se baladait dans son ventre. Il se décida à toquer et entra.

-Ah, Enfin ! Anoush c’est ça ? Peu importe en fait.

Anoush se trouvait dans un bureau petit et sobre où tout avait une fonction utilitaire. Tout était correctement rangé à l’exception d’une fenêtre qui ne possédait plus de rideaux ni de verre. Elle se trouvait juste derrière son interlocuteur. Celui-ci était un homme au visage carré et aux mains de maçon, la carrure allant avec évidemment. C’était le genre de type qu’on envoyait vous briser les rotules si vous aviez une dette non réglée en retard. On ne lui confierait pas la gestion d’un établissement de cette qualité. Pourtant c’était bel et bien le cas. Anoush remarqua qu’il avait plusieurs cicatrices fraîches au visage.

-Que me vaut cet honneur, monseigneur ?
-On m’a rapporté que tu avais éliminé ta fratrie. Tu connais la sanction j’imagine ?
-C’est faux ! Je ne les ai pas tués. Sauf Var. Il m’a empêché de me nourrir lors du dernier repas. J’ai du sortir me nourrir par moi-même et je me suis tout simplement vengé.
-En le brûlant avec les autres ?
-Non ! Je l’ai poignardé à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’il se vide de son sang et j’ai ramené son corps à la garde pour la prime.
-J’aime bien ton honnêteté Anoush. Je te crois, en fait.

Il marqua une pause en se repositionnant dans son siège avant de se gratter le menton, faisant ainsi mine de réfléchir.

-Je me contenterai d’une amende pour cette fois. Ça va te coûter deux bokto de Plenovny.
-Je n’ai pas cette somme, monseigneur.
-Ah bon.
-Si je l’avais, je n’aurais jamais eu à vivre avec les autres. Surtout avec Var.
-Alors tu connais le châtiment qui t’attend.
-On peut peut-être s’arranger. Je peux vous rendre un service à la place. Je ne tiens pas vraiment à mourir en vérité.

Le tenancier frotta les cicatrices du bout des doigts et un sourire narquois apparu sur ses lèvres.

-J’ai peut-être une idée.

* * *

Iad 40 de l’ère impériale, dixième dan d’Arntayo

-Pourquoi c’est moi qui rame déjà ?
-Parce que c’est ce que ton chef t’a dit de faire.
-Pas vraiment. Il m’a dit “Va au mausolée de la duchesse. Récupère les corps qu’on te donnera. Puis emmène-les à plusieurs kilometro de la ville. Enfin abandonne-les. Ils doivent rester vivants, c’est important. Et n’oublie pas ton ami l’incendiaire.
-C’est du pareil au même.

Les deux corps en question étaient empaquetés dans un linceul blanc et ils se tenaient tranquilles depuis leur départ.

-Vous faites souvent ça ? Les vampires je veux dire.
-Comment ça ?
-Déposer des gens emballés.
-J’en sais rien !

Anoush rama encore pendant quelques minuto avant de reprendre la parole.

-Ils étaient lourds ces deux là.
-Et tout dur aussi, presque autant que moi.
-J’en ai marre ! Ils auraient pu leur retirer leurs protections ! Et ça fait des uniao que je rame !

Ils étaient tous sur une barque au milieu du fleuve Loshy. Les deux corps commencèrent à bouger. Ils se réveillaient.

-Petit frère, endors-les.
-Bien, honorable grand frère.

Le petit frère prit une matraque pour le poisson qui traînait au fond de la barque et les frappa à la tête avec. Malgré la douleur et les chocs, ils se libérèrent tout de même. L’un des deux portait une côte de maille avec l’emblème de l’ordre sacré de la lame ardente cousu sur le tabard. L’autre avait une armure de demi-plaque avec l’emblème de l’ordre sacré de la Mona d’argent frappé dessus.

La Mona noire approchant, il était difficile de distinguer leur visage ainsi que des détails les concernant. Le chevalier de la lame ardente perdit l’équilibre et chuta hors de la barque. Il coula. Le paladin de la Mona d’argent quant à lui, se jeta à l’eau sans plus de chance de s’en sortir. Mais avant de toucher l’eau il se changea en loup géant et nagea jusqu’à la berge.

-Bon débarras. Je vais pouvoir m’arrêter de ramer.

D’un coup, la barque fut renversée et ils finirent tous à l’eau. Lorsqu’ils firent surface, ils virent une immense créature qui avait surgi des profondeurs sans crier gare. Elle semblait hurler à la Mona d’une certaine manière. En tout cas, ils n’en crurent pas leurs yeux, ils étaient face à une créature de légende, un véritable dragon. Et doré avec ça, les rares rayons de la Mona se réfléchissant sur ses écailles.

Ce dragon doré s’intéressa à eux et il se prépara à les éliminer à l’aide de son souffle ardent. Il se mit à hurler d’un coup comme s’il était mourant, un cogue lui avait percuté le dos par accident. La créature légendaire n’apprécia pas tant que ça la surprise et elle détruisit le navire d’un coup de tête dans le pont. Puis elle s’en alla en direction de la berge et elle se hissa dessus avant de prendre son envol pour une destination inconnue en laissant d’immenses traces de sang dans son sillage.

Les frères et le vampire atteignirent le rivage. Quelques marins les rejoignirent peu de temps après avec quelques marchandises. Anoush avait justement soif.

* * *

-Pas bête l’idée du sang dans les bocaux à anchois.
-Je sais.
-Les marins avaient bon goût ?
-Un peu salé.
-Plus qu’à retourner voir ton chef pour annoncer notre succès.
-Mouais.

Ils marchèrent tranquillement en direction de Fasner sous un Sonse levant.

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