Chapitre 9
Rebelotte et 10 de der.
Lorsque l’on est rentré, l’aube pointait le bout de son nez. On avait passé quasiment toute la nuit dans cet enfer. Les parents n’étaient pas là ce week-end. Ça tombait bien. La première chose que j’ai faite, fut de prendre une douche. A défaut d’être salvatrice, elle fit du bien. Mais, je ne pus m’empêcher de penser à Axel. Toutes ces heures de cours passé ensemble. Bien souvent passées à les sécher d’ailleurs. A aller se baigner au lac les jours de canicules, puis sauter d’un pont sacrément haut pour tester notre courage. En hiver, lorsqu’on séchait, on allait chez moi. Lorsque mes parents travaillaient et que mon frère était en cours. On passait l’après-midi à jouer à Gears of war sur ma xbox 360. Le printemps venu, c’était de la moto qu’on faisait. Je lui avais appris à conduire ma petite dirt bike. On arpentait chemins et forêts. On se faisait même des courses sur un parcours chronométré. Je gagnais tout le temps, il était du genre prudent, mais ça ne l’empêchait pas de passer un super moment. Puis quand l’automne arrivait, c’était les batailles de pommes pourries en rentrant des cours… On se les jetait de toutes nos forces et elles s’explosaient sur nos fringues, nous dégueulassant, quand elles ne nous explosaient pas en pleine gueule. Mais on s’en foutait. On se marrait. Puis toutes ces fois, où des filles nous ont brisés le cœur ; et où j’étais là pour lui, comme il l’était pour moi. À se dire des « toutes des salopes » ou encore le fameux « les potes avant les putes ». C’était un pote, un frérot, une épaule, un compagnon de jeu. Partenaire dans la connerie. Mes larmes coulent. Se fondant sur ma joue avec l’eau de la douche. Pleurer sous la douche est le meilleur moyen de se fissurer, de défaillir, sans trahir l’image d’homme fort à laquelle on veut coller. C’est con un homme. Quoiqu’il en soit, ces perles de tristesse ne gouttèrent plus jamais de mes yeux après ça. Sortit de la douche, la fatigue me saisit. Je pars me coucher, guettant malgré tout avant ça l’état dans lequel était mon frère. Il avait l’air d’encaisser. Je me couche. Une fois au lit, bien que fatigué, je fus incapable de dormir. Ressassant et surtout, ayant peur. Redoutant de ce qu’il pourrait m’arriver, au moment où je serais le plus vulnérable. Dans mes songes. Si tant est qu’il y en ait…
Le lendemain la mère des jumeaux nous appela. On lui raconte qu’on s’est séparé après le Mcdo, car Jerem était malade. Qu’on ne les a pas vu depuis ce moment. Cependant, une mère sait. Elles ont comme un 6ème sens. Leur mère savait que l’on n’avait pas tout dit. Sauf, qu’on ne peut pas tout dire. On passerait pour des fous. Peut-être le sommes-nous déjà…
4 jours plus tard ils sont portés disparus. On est de primes abords suspectés, étant les derniers à les avoirs vus, mais y’a rien contre nous. L’affaire fut classée sans suite.
Cette histoire fit de moi l’homme que je suis aujourd’hui. Un marginal, paranoïaque et insomniaque à la vie sociale plus que limitée. Accessoirement toxicomane.
Cela fait maintenant deux ans que j’ai subi ce traumatisme dans cette usine. J’ai quitté le foyer familial. J’ai troqué mon confort et ma vie stable contre des squats minables, des chambres d’hôtels miteuses et des petits boulots merdique et bien souvent douteux. Bref, une vie de vagabond. J’ai fui mon passé, ma famille, mon frangin. Lui, qui s’est pris d’amnésie pour tout ce qui touche de près ou de loin à cette histoire.
Je me sens perpétuellement crevé. Je m’installe dans un nouveau squat. Alors que je commence à déballer le contenu de mon sac, j’entends mon téléphone vibrer. Il est posé sur le lit. Je regarde.
APPEL ENTRANT : AXEL
Mais, comment ? Impossible ! Le téléphone m’échappe des mains. Je tremble, je suis tétanisé. Le regard fixé sur le mur couleur nicotine, je réalise une chose : Le passé finit toujours par nous rattraper.