Jour 1 :
Je m’appelle Jonathan Lioster. Premier fils d’Alexandre et d’Amédèlya Lioster. Je ne mentionne ici leurs noms que dans le but de faciliter mon identification.
Je n’appartiens plus à cette famille. Je n’appartiens plus au monde des hommes. Ils m’ont déçu. Mais peu importe mes considérations passées. Je commence aujourd’hui une nouvelle vie dans cette forêt. Je commence MA vie.
De mon ancienne, je n’ai gardé que ces carnets, dans lesquels je consignerai fidèlement mon expérience, et de quoi écrire pour des années. Si le sort m’est favorable, j’en conserverai un pour y insérer les feuilles les plus importantes. C’est peut-être d’ailleurs ce que tu es en train de lire. Pardonne mon audace de te tutoyer, mais tu vas découvrir mon intimité. On peut donc se passer des formes, non ?
J’ai également avec moi un couteau, ainsi que de la corde. Tout ça peut m’être utile. Je ne sais pas à quoi m’attendre. On dit cette forêt maudite.
J’ai de la viande séchée, et deux gourdes pleines d’eau. Cela ne me permettra pas une longue survie, tu t’en doutes. Mais j’espère que ces dernières semaines à écouter les conseils du garde forestier de notre domaine me seront utiles.
J’écris ces premiers mots alors que la nuit tombe. Je ne pense pas qu’il soit si tard, mais l’épais feuillage donne de l’avance à la pénombre. Le voyage a été plus long que prévu. Je n’ai rien pu faire de cette journée. Je vais passer ma première nuit à même le sol. Le moelleux de mon lit me manque déjà !
Je t’avoue que malgré la fatigue du voyage, la perspective de chercher le sommeil ici, m’angoisse. C’est pour cela que je traîne mes mots.
Non. Je dois être raisonnable, la journée à venir va être éprouvante. Je dois dormir. J’arrête donc là pour aujourd’hui. Bonne nuit à toi, la mienne risque d’être tendue.
Jour 2 :
La nuit a été dure, comme prévu. Je ne suis pas habitué aux bruits de la nature. Le vent dans les feuilles, les feuilles qui frottent les unes contre les autres. Les animaux… Et ces maudits insectes ! Je dois m’y faire.
Le jour se lève à peine. Je ne pense pas m’être déjà levé si tôt ! Ni tout seul… Aujourd’hui je dois trouver de l’eau. Sans ça, mon expérience risque de vite s’achever. On se retrouve donc plus tard.
J’ai trouvé de l’eau. Près des falaises. Elle ruisselle sur la roche avant de former un petit ru. Je la puise au plus haut, elle doit être plus pure. Elle a un goût de pierre, mais bon… J’ai aussi trouvé quelques arbouses. Elles feront un dessert. La journée est passé vite. Je suis épuisé. Bonne nuit.
Jour 5 :
Excuse-moi pour ces quelques jours sans nouvelles, je n’ai rien écrit en 3 et 4. Je ne sais pas si c’est l’eau ou les baies, mais j’ai passé les dernières heures à me vider. Je ne vais pas te faire de dessin. Songe juste que dans la nature, il vaut mieux que les latrines de fortune soient suffisamment éloignées du point de repos. Surtout dans ces cas-là. Mais le trajet n’en paraît que plus long.
Dégouté ? Je t’avais prévenu : en me lisant, tu découvriras tout de mon intimité !
Je vais mieux, mais j’ai besoin de repos. On se revoit vite.
Jour 10 ( ou 11 ):
Enfin ! Il y aura peut-être un bond temporel dans ta lecture, les derniers jours n’étaient pas passionnants, je doute que j’en conserve les traces. Et si tu les as lus, désolé. Je ne le répéterai pas. Tu as compris le principe. Tu te poses peut-être des questions sur le libellé, mais j’avoue que j’ai un doute. Oui, déjà. Je pense que mes ennuis, qui se sont transformés en forte fièvre, pour rappel, ( ou peut-être le découvres-tu ) m’ont fait perdre un court moment la notion du temps.
Mais “enfin” dis-je ! J’ai réussi à faire du feu ! Si mon écriture te semble moins lisible, c’est à cause de lui ! Mes mains sont pleines d’ampoules. Je retiens celui qui a décrété qu’il n’y avait pas de fumée sans feu !
Jour :
Tu sais quoi ? J’abandonne le décompte. Seuls mes propos te donneront une indication du temps écoulé. Petite facétie de ma part, mais partageons tout. J’ai posé quelques collets. J’ai repéré quelques excréments de lapins, j’espère en piéger. La nuit dernière, il a plu. J’ai eu tout le mal du monde à protéger le feu. Je pense que je vais me rapprocher des falaises. J’ai repéré quelques grottes.
Nous verrons.
Nuit :
Je ne pensais écrire que demain. J’ai été en ville aujourd’hui, j’ai échangé quelques peaux de lapins contre des petites planches. Elles me permettront de mieux préserver mon précieux feu. J’étais épuisé, je me suis couché directement. Mais je me suis réveillé. Il fait nuit noire. Tu vas rire, mais… Je crois que c’est le silence qui m’a réveillé. C’est la première fois que je n’entends rien. Il n’y a que le crépitement du feu que j’ai ravivé. J’avais besoin de lumière. Nous sommes en plein été, mais j’ai la chair de poule. Ce silence a quelque chose d’étrange… J’ai peur. Pour la première fois depuis que je suis ici. Je t’écris pour ne pas avoir l’impression d’être seul. C’est…
Jour suivant :
J’espère ne pas t’avoir effrayé. Ma phrase s’est arrêtée en plein milieu, au début même. Je ne me souviens même pas avoir écrit. Mais je me souviens du silence. Une terreur nocturne sans doute. Les bruits de la nature sont revenus, aucun problème à signaler !
Jour :
En ville, les enfants commencent à se moquer de moi. Je les entends créer des chansons sur mon dos. Je suis devenu un ogre. Eux s’amusent, je ne leur en veux pas, je me suis vu dans une fenêtre, j’ai un physique à faire peur ! Essaie donc de te raser ou te couper les cheveux avec un couteau ! J’ai aussi énormément maigri… Le regard de leurs parents par contre, est plus mauvais. Ils me jugent à mon aspect. Les pauvres, les véritables prédateurs se parent de beaux atours !
Jour :
Il y a de plus en plus de silence durant la nuit. Je ne sais pas pourquoi. Je me suis réfugié dans une grotte. Il tombe des trombes d’eau, mon abri de fortune n’aurait pas résister. Je dois conserver le feu. Les flammes font scintiller des parcelles sur les parois. Je me demande s’il y a des pierres précieuses…
J.
J’en ai assez ! En ville, j’ai voulu aider une gamine qu’un inconscient à cheval venait de renverser. Sa mère, qui n’avait rien vu de la scène, s’est mise à hurler que je voulais enlever sa fille ! Et je te le donne dans le mille, c’est le type à cheval qui a joué les héros !
Je hais les humains ! JE HAIS LES HUMAINS !
Jour :
J’ai faim.
Cela fait plusieurs jours que je n’ai rien attrapé. Je ne veux plus aller en ville. Ils me dégoûtent. Les quelques fruits sauvages et baies me donnent des maux de ventre. Il me reste encore certaines zones de la forêt à explorer. Si je ne trouve rien… Tu m’as compris.
Nuit :
Il y a quelqu’un à l’entrée de la grotte… De nouveau le silence m’a réveillé. Et la silhouette est là. J’espère que je suis lisible. Je ne veux pas la quitter des yeux. On dirait une femme. Je l’ai interpellé, mais je n’ai pas eu de réponse. J’écris pour laisser une trace au cas où… Je suis piégé dans cette grotte.
J’ai peur.
Jour :
Je me suis réinstallé dans la forêt. Je ne veux plus jamais connaître cette sensation d’être coincé.
Je ne sais pas ce que c’était. La silhouette est restée plantée sur place un long moment avant de disparaître. Je voulais aller à sa rencontre mais mon corps refusait. En y réfléchissant, c’était peut-être une personne perdue, un accident non loin. Mais pourquoi serait-elle restée figée ainsi sans me répondre ?
Jour :
J’ai trouvé l’Eden !
Enfin, à mes yeux. Dans un coin de la forêt, pousse une plante que je ne connais pas, elle piège les animaux ! Il y avait du gibier à foison ! La lame de mon couteau est émoussée, j’ai eu du mal à couper le végétal. On dirait que des racines ont poussé à l’intérieur des bêtes… Peu importe, à moi le festin !
Jour :
Je suis le plus chanceux des hommes ! Ce matin, la dame de la forêt m’est apparue ! J’ai hâte de te raconter la journée que j’ai passé ! Mais pour l’heure, je suis épuisé. La belle est pleine de vie.
J’espère qu’elle n’existe pas que dans ma tête…
( à suivre… )
Lioster ! Enfin ! Nous en saurons un peu plus grâce à ce virage à 180 degrés ! À ce voyage dans le temps, carnets à l’appui !
Ah oui ! Perturbant et perturbé le Jonathan ^^