Infinite

6 mins

– T’as un portable ? Pourquoi tu ne le regardes pas ? Personne ne t’envoie de messages un samedi soir ? Je vais t’appeler Mademoiselle Haussement d’épaules, parce que tu les hausses tout le temps, dès que je te parle. »
– Pourquoi me poses-tu toutes ces questions ?
– “me poses-tu ?” ah Ah, c’est mignon. Par politesse, pour apprendre à mieux te connaître, passer le temps, je ne sais pas… On s’emmerde, j’ai pas zoné comme ça dans la rue depuis … Depuis foutrement longtemps. Tu viens de hausser des épaules encore une fois, tu es bien ici, avec moi ? Ah Ah ! Laisse-tomber. Laisse tomber … Tu ne te maquilles pas, et ton blouson n’est pas terrible, il est trop grand pour toi, ça te fait des épaules avachies.
– Je m’en fous.
– Voilà, on arrive à communiquer un peu, c’est un progrès, c’est déjà un mieux ouais. Tu ne devrais pas te manger les ongles, tu sais pourquoi ? Ça fait bébé.
– Dès que je trouve un boulot, je me barre de là où je crèche, je me prends un appart. Ce que j’en ai marre.
– C’est un beau projet.
– Pourquoi tu restes là, à te moquer de moi ? Dégage, vas te faire mettre !
– Non, de tous les projets que j’ai entendus, c’est le tien que je trouve le plus beau. Simple, mais beau. Regarde mes yeux, je ne sais pas mentir, okay ?
– Okay, mais va te faire foutre, je ne veux pas coucher avec toi.
– Moi non plus. Au début ouais, mais je ne veux plus.
– Alors c’est bien.
– Je ne sais pas mentir.
– D’accord. Te fais surtout pas d’illusions, j’aurais peut-être voulu au début, mais c’est plus possible. Tu devrais… Tu sais, tu devrais te la fermer auprès des filles, seulement rester à côté et ne rien dire. Ce serait mieux pour toi… Si tu ne parlais pas, jamais, ta vie serait formidable.
– Ce que tu viens de dire me vexe, j’ai envie de me barrer. Toi, va te faire foutre ! C’est toi qui ne comprends rien, et j’ai une vie formidable, n’en doute jamais.
– T’as pas arrêté de me faire des réflexions sur mes fringues, sur mes ongles…
– Mais y a un tas d’autres trucs que je ne t’ai pas dit, tu ne m’en laisses pas le temps !
– Ça va je m’en fous, le monde m’a toujours dit que je valais de la merde. T’en fais pas pour ça, c’est pas comme si c’était nouveau pour moi.
– Putain, t’es comme tous ces gens, si convaincus … La plupart des gens se pensent merdiques, tellement que rien d’autre n’existe, ça les rend cons, minables, et véritablement merdiques, en tout. Tu ne m’as pas laissé le temps de te dire les autres choses que je pensais de toi, t’es enfermée là-haut t’es perchée, c’est mort, fuck ! »
« … »

– Alors c’est quoi, les autres choses que tu penses de moi ?
– Hum… Tu devrais faire quelque chose pour tes cheveux.
– Tu vois, tu recommences, vas te faire foutre !
– Je veux dire que tu as de très jolis cheveux, c’est con de ne pas… Y faire gaffe, un peu. C’est important pour une fille, c’est comme les ongles. Quoi ? Qu’est-ce que j’ai encore dit ?
– Essaie de me faire un compliment, un seul. Même un pas terrible, seulement pour que tu te rendes compte de l’effet que ça fait.
– Je t’en fais plein des compliments, si tu me laissais finir mes phrases …
– Un compliment, même un merdique c’est pas grave, mais un truc que tu penses vraiment.
– Quand tu souris, tu mets la main devant ta bouche, ta honte de tes dents parce qu’elles ne sont pas… Elles sont un peu grises pâles… Peut-être que t’es une fumeuse de joints.
– T’es sérieux là ? D’accord, laissons-tomber…
– … à l’origine n’existait qu’une seule femme, Lilith, c’est d’elle que descendent toutes les femmes, les noires, les asiates ou les blanches, peu importe, toutes descendent de cette femme unique. Lilith n’était pas une femme en réalité, elle était un ange. Le tout premier, tu le savais pas, hein ? Normal, c’est moi qui l’ai découvert. Peu importe, certaines femmes ont gardé quelque chose de Lilith, et c’est assez rare, parce que la plupart des femmes sont devenues des dindes ou des victimes, mais certaines gardent encore quelque chose de leur ancêtre unique… Une façon bizarre de penser, de pencher la tête sur le côté, la forme de leurs poignets, un rire aigu, ou un gloussement …
– Tu es fou. Tu ne t’en rends pas compte c’est normal, parce que les fous se pensent normaux, mais il fallait que quelqu’un te le dise …
– … toi, c’est quand tu souris. Pourtant tu caches ta bouche, mais lorsque tu souris … A ce moment-là le temps s’arrête, et ta bouche, et tes yeux … Quand tu souris, ton visage devient celui de l’ange Lilith.
– …
– Fais en ce que tu veux je m’en fous, mais je dis ça pour toi, tu ne devrais plus cacher tes dents lorsque tu souris.
– …

– Tu le pensais vraiment tout à l’heure, ton compliment ?
– Un compliment est une preuve d’obséquiosité, je ne fais jamais de compliment.
– Parce que … C’est la plus belle chose que l’on m’ait dite.
– Si tu me laissais terminer mes phrases, et mes raisonnements… C’est pour ton sourire que je t’ai invité, quand tu m’as dit qu’on pouvait autant s’acheter des bières à l’épicier …
– C’est plus intelligent que de foutre de l’argent en l’air dans des bars, non ?
– Je ne sais pas, j’ai trouvé ça original pour un rancard … Mais tu devrais laisser les hommes te payer des verres, ou des trucs plus chers qu’un pack de bière.
– Je ne coucherai pas avec toi, même si tu m’as fait un magnifique compliment.
– Moi non plus, il y a trop de choses sur lesquelles je ne peux passer, je ne reviendrai pas là-dessus.
– Quoi, quelles choses ?
– C’est pas important. Mais j’accepte que l’on soit amis, ou du moins … Connaissances amicales, dans un premier temps. Je ne peux pas te donner ma confiance si vite.  Je ne fais plus confiance à personne, encore moins aux femmes.
– Si nous sommes amis, tu peux répondre à ma question ?
– Quelle question ?
– Sur ces choses que tu n’aimes pas chez moi, mes ongles ? Mon blouson ?
– Non … Ce n’est pas ce que tu es, plutôt ce que tu n’es pas, et dont j’ai besoin.
– Et je ne suis pas quoi ?
– Je ne veux pas te vexer…
– Trop tard, vas-y.
– C’est … Okay, je suis quelqu’un de connu, je t’assure.
– Tu parles, tu es fou !
– Demande à n’importe qui, demande à ces trois zonards là-bas ! Les milieux artistiques, enfin, médiatiques, enfin… Ce genre, tu vois ? Je ne suis pas exactement connu, mais un jour je le serai, et … Je peux pas sortir avec une fille qui aime juste boire de la bière sur un banc, désolé. J’ai besoin d’une femme avec de beaux ongles, une femme maquillée, habillée de vêtement seyants – ça veut pas dire moulant, ça veut dire « des vêtements qui lui vont bien ». Il me faut une femme qui soit déjà sortie avec des artistes, et si possible plus médiatiques que moi. Une femme que mes connaissances aimeraient sauter, une femme qui connaît des personnalités. Tu viens d’arriver dans cette ville, mais je suis sûr que toi dans deux semaines, tout ce que tu connaîtras, c’est l’adresse des supérettes où la bouffe coûte rien.
– T’es pas croyable, comment tu peux te montrer … T’es vraiment un sale enfoiré !
– Oui, mais au moins je te fais rire. J’ai besoin d’une femme qui pourrait me parler d’art, un minimum équilibrée enfin, dépressive ou conne, passe encore, mais … Je veux une femme comme moi, une femme qui aurait déjà entendu parlé de moi, et qui penserait que ce serait bien, pour son image, d’avoir une relation avec moi. Une femme que tous le monde connaît dans les soirées où je vais. En ce moment, j’ai un peu lâché ce monde c’est vrai, mais j’ai de nouveaux projets, et lorsque je reviendrais dans le Tout-Paris Artistique, c’est de femmes comme ça dont j’aurai besoin.
– Des femmes comme ça ?
– Des femmes kleenex dans lesquelles je pourrais jouir sans jamais tomber amoureux. Des femmes qui n’ont aucune importance en vrai, en rien.
– Ça veut dire …
– Tes yeux sont lents, dans tes iris je vois des paysages désolés, un tas de mornitude, un tas de souffrances… Mais quand tu souris c’est pire, parce que là, je vois un ange. Je peux pas ce truc, ce mélange des deux… Je ne peux plus, je ne veux plus, jamais. Me lier avec quelqu’un qui pourrait un jour me manquer.
– La plupart des gens se trompent à propos de l’amour, je peux te dire ce que j’en pense ?
– Vas-y.
– Les hommes et les femmes pensent comme toi, à ce qu’un autre pourrait leur apporter… Mais l’amour, ce n’est pas ce que l’on apporte, c’est ce qu’on est prêt à enlever.
– …
-Tu trouves ça nul ?
– Non. Tais-toi.Ça me fait mal, je veux que tu arrêtes de me parler avec tes ongles rognés et tes cheveux cassés, ton blouson il est … deux fois trop grand, pour toi.
– Oui…
– Je ne veux plus t’écouter, plus jamais, je veux …
– Oui …

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DeJavel O.
2 années il y a

J’ai bien aimé ce combat pour ne pas devenir amoureux et la fin sur l’ouverture à l’amour

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