Twenty First Century

29 mins

– Pour moi, la mort la plus bandante est celle qui vient du ciel. Je crois que c’est ce que voulaient dire les Creedence Clearwater Revival à travers leurs albums. Sur l’ensemble, j’évite d’écouter des musiciens qu’ont l’air plus défoncé que moi, mais les Creedence Clearwater Revival, si tu écoutes leurs paroles avec attention, toutes les réponses t’apparaissent clairement !

C’était du Doug tout craché ça, « Le Doug », comme il aimait se faire appeler en l’honneur de Clifford, son idole batteur des Creedence Clearwater Revival. Son temps, le Doug le passait à raconter ce genre de conneries en soulevant de la fonte un pétard aux lèvres dans son clapier jonché de bouteilles de coca et de cartons à pizzas, une typologie aussi minable qu’héroïque.

– Le Doug, elle n’arrête pas de dire qu’il faut que je fasse quelque chose de ma vie, mais que pourrais-je faire à part crever ? Que peut-on réellement faire de sa vie, hein ? Elle voudrait pas que j’en crève ? Je sens qu’Hélène ne m’aime plus, mais tout de même !

Le Doug essaya de cracher le mégot qui lui brûlait la bouche pour ne pas avoir à interrompre sa série d’haltères, mais le filtre lui resta collé à la lèvre : le résultat ne fut pas probant-probant.

– Ça n’a rien à voir ! Elle veut seulement que tu… que tu… Je ne sais pas, peut-être… Que tu travailles ?

– Je ne la laisserais pas me tuer, Le Doug, je ne laisserais pas cette saleté de femelle me faire la peau ! Même si je l’aime passionnément !

– Et on en revient à ce que je t’expliquais : la plus belle mort est celle qui vient du ciel. Les Creedence Clearwater Revival, eux, savaient. Écoute ce titre, définitivement mon préféré !

J’ai lâché la manette de jeux je me suis levé, j’en avais autant marre des Creedence que de la NBA, à la télé. C’est dans la salle de bain du Doug que je me suis fait la toute première injection.
Le cou me picotait légèrement, rien de plus. Un peu nerveux en sortant j’ai attendu que le Doug roule un nouveau pétard pour tirer quelques lattes dessus, puis je me suis barré.

Je suis retourné chez elle, avec ma clé, je l’ai attendu assis sur le canapé, l’Opendoor faisait tellement pas d’effet que je finis par l’oublier.
Elle finit par arriver vers les vingt-deux heures du soir,
– Ça va, ta journée s’est bien passée ?

Comme à son habitude, à la fois énergique et silencieuse, renfrognée, après un grognement elle jeta son sac à main sur le canapé en allant dans la salle de bains pour se démaquiller. Elle finit par ressortir au bout d’un long moment, et j’espérais qu’elle brise ce foutu « clac » de la vieille horloge que la proprio n’avait jamais délogé du mur du salon, ce maudit « clac », Jésus, c’était le bruit des talons de la Mort qui s’avançait vers moi toujours plus à chaque seconde, mais non, elle s’assit à côté sur le canapé, sans décrocher un mot.

Ce ne fut pas toujours comme ça Hélène et moi, pas les deux premières semaines en tout cas.
Au début tout n’était que baise, elle me racontait ses désirs avec colère, et elle en avait pleins !
Assise à côté de moi sa main s’est posée sur ma cuisse, un contact un peu dur, je fis semblant d’être comme elle, absorbé par le spectacle de la télé éteinte et du mur blanc, jusqu’à ce que j’y fasse attention, elle tenait son portable sous sa paume. J’ai repoussé sa main, quelque chose d’étrange je la retournais, son portable ne faisait plus qu’un avec sa paume, la coque à l’arrière disparaissait  parfaitement intégrée à sa peau.

Hélène reprit brutalement sa main,
– Tu me fais chier ! Toujours à vouloir m’espionner putain ce que c’est fatiguant !

Puis elle se leva et me demanda :
– viens dormir contre moi, s’il te plaît.

J’obéis je me sentais étrangement hors de mon corps en enlevant mon jean, dans le lit, je la repoussais le plus loin possible, puis je passai la nuit à écouter mon cœur et renifler l’odeur d’alcool et de cocaïne qui émanait d’elle, à chacune de ses lentes expirations.
Je ne sais pas ce qu’il nous était arrivé en à peine trois mois.
Du sexe sauvage d’une promesse implicite où nous boufferions le monde et nos vies à deux, nous étions morts sans nous en rendre compte. Son putain de boulot, les bourgeois qu’elle pouvait s’y envoyer et le froid dans lequel elle m’enveloppait étaient maintenant les seules choses qui importaient. Hélène avait été la femme de ma vie, celle que j’avais inventé avant de la rencontrer, avant de devenir mon pire cauchemar. A mes côtes sa main-téléphone clignotait en silence, deux heures après minuit disaient les bâtons, un certain « Spencer » s’impatientait.

Le lendemain matin à ma demande d’explications, Hélène assise derrière la table du salon m’affirma étrangement calme :

– Mon chéri, je suis née du métal, je ne sais pas aimer.
– Pourquoi tu ne me dis pas la vérité ?
– Parce que le dimanche, les robots dorment, parfois.

J’ai placé une paume sur mon œil droit, rien de notable apparut. L’œil de visée contre le sale œil, le vicié, le pas droit… J’arrêtais tout ce cinéma, la colère grondait :

– Spencer, qui est ce foutu Spencer ?! Bon Dieu j’en ai marre Hélène, je me casse ! C’est fini toi et moi !

Mes yeux libérés sans y prêter attention, elle n’avait pas bougé de sa chaise mais soudain je la vis enfin, terrible et magnifique. Ce n’était finalement pas une question d’œil bon ou mauvais.
Ses jambes reflétaient parfaitement la lumière crue venant de la fenêtre, et ses bras pareils. Combattant l’envie de hurler, j’encaissais la vision de son crâne oblongue, si lisse… Une cavité sous sa poitrine, son cœur de chrome était fait d’un entremêlement de câbles qui emprisonnaient une sphère de verre, derrière laquelle j’apercevais pulser un liquide bleu, parfois teinté de rouge par le clignotement d’une led, un phare, un phare bleu et rouge incapable de guider qui que ce soit et surtout pas elle. Son cœur mécanique enveloppé d’une froide brume se révélait enfin à moi.

– Je comprends… Spencer n’a rien à voir avec tout ça, tu es…
– Même si je suis née du métal mon amour, avant je pouvais pleurer, parfois. Mais aujourd’hui… Pourquoi tu ne me laisserais pas dormir un peu ?

Je suis parti.
C’est ce que je prévoyais depuis le levé de toute façon, le destin m’ordonnait de me jeter sur le palier, puis de sauter quatre par quatre les marches afin d’abandonner derrière moi ce paysage désolé et elle, définitivement, alors bien sûr c’est ce que je fis mais sans claquer la porte, je l’ai seulement refermée doucement, j’étais si triste pour elle, pour moi, pour nous.
Mieux valait ne pas y penser, de toute façon, quelque chose de meilleur m’attendait, ailleurs, quelque part. Un quelque chose dont l’effet serait bien plus fort que cette… qu’elle, ou que “ça”. »

****

L’unwanted arriva la première fois dans le métro, assis sur un strapontin contre la vitre côté voie, c’est un bang qui me sortit du vague. Dans le tunnel un homme corpulent nu ou torse-nu courrait furieusement en accompagnant le train, il tapait du poing contre la porte en plexiglas.
Sa peau était d’une blancheur lumineuse mais pâle, ses yeux entièrement dévorés par deux iris noires. Quand il tapa une seconde fois avec rage, le passager debout contre la porte fit un bond. Un métro en sens inverse emporta brutalement l’apparition dans un bang mou qui rebondit trois mètres plus bas contre la rame. Les passagers assis dans le bloc de quatre sursautèrent, une vieille femme se leva avec précipitation avant de changer d’avis.

Abasourdis je me demandai s’ils faisaient tous semblant, ou s’ils l’avaient seulement senti ? Je compris que l’unwanted arrivait avec l’esprit dans le vague, je me concentrais pour rester alerte, à compter de ce soir-là.

Je retrouvais Le Doug devant le bar, je l’accompagnais d’une cigarette, mais j’aurais dû rentrer immédiatement pour éviter ses jérémiades.
– Je ne le sens pas ce soir, mais alors pas du tout !
– Moi c’est l’inverse ! Je sais que nous aurons le droit à du binaural, je le sais !
– T’as un truc bizarre aux yeux ?
– Non. Ce soir vaudra le concert du 18 mai !

Une petite nana aux grands yeux bleus me demanda qui était passé le 18 mai, Le Doug commenta d’un laconique « pitié », intégralement refais, je racontais :
– Okay, c’était un mardi, entrée gratuite bien sûr, un ami m’appelle, – sincèrement je viens par pur désœuvrement, pas pressé d’assister au concert d’un artiste syndiqué, et à l’époque il s’agissait des pires, les « Joy Division 2008 ». Tu connais ?
– Non, 2008 j’étais trop jeune, et puis chez moi y avait qu’un artiste syndiqué, le maire du village qui chantait des trucs médiévaux en vieux français une fois par an…
– Ça semble bien !
– Ta gueule Le Doug ! Vos gueules vous deux, ou j’arriverais jamais à finir mon histoire !
« Vas-y » m’encouragea la fille, je continuais :
– A la place des Joy Division 2008, donc, nous avons eu deux heures de concert bineural ! Et ce que c’était BON ! A la sortie, tout le monde planait, on se serrait on s’embrassait, on se sentait confiant pour le siècle, immortels… Le plus beau de tous les concerts. Dommage, je n’ai pas les mots pour en parler mieux !
– Ça valait le coup selon toi ? Persifla Le Doug,
– Désolé, mais ouais !
– Le coup de quoi ? Demanda la fille,
– La loi Canal +, tu ne te rappelles pas ? Vas-y Martin, finit ton histoire !
– Arrf… Le chanteur des Joy s’était pendu pour imiter son idole, nous étions un dix-huit mai. Les médias ont diffusé les caméras de surveillance de la salle où la foule explosait de joie à l’annonce de la nouvelle, mais nous ne nous réjouissions pas de sa mort, en réalité tous le monde se foutait de ce con ! Nous étions simplement contents à l’idée d’avoir une soirée entièrement bineural !

Le Doug :
– Le chanteur pendu était le fils d’un présentateur célèbre sur Canal +, les artistes syndiqués se sont dits choqués, ils ont prétendu qu’il s’agissait d’un effet résiduel du son bineural sur le cerveau du public, alors cette année-là, le Ministère de la Culture et celui de la Santé interdirent diffusion et commerce des sons bineuraux.
– Personne ne s’intéressait plus à leur culture subventionnée de merde. Les débits de boissons perdirent leur chiffre d’affaire, la presse ne se vendait plus, le Palais de Tokyo a fermé. Ce sont les artistes syndiqués en manque de public qui finirent par demander l’abolition de la loi Canal +.
– C’est si bien que ça les sons bineuraux ? Demanda la fille,
– Tu ne connais vraiment rien toi, tu vas voir !

Dans la cave un technicien casque sur les oreilles réglait le paramètre aléatoire, je me suis allongé sur le béton froid pour profiter du son, malheureusement rien, aucun effet, de toute façon les vibrations s’interrompirent au bout d’un quart d’heure à peine, les lumières se rallumèrent en grand et Le Doug pesta,
– Tu le sentais bien hein, soi-disant !

Je me redressai, les Joy Division 2008 n’étaient pas les pires, l’artiste syndiqué monté sur scène remportait la palme de l’horreur, il s’agissait d’Andy Warhol 2013, l’ultime abjection jamais produite par le siècle. Andy Warhol 2013 avait fait ses débuts et ses quartiers à la Galerie d’art Agnes B en tant qu’artiste contemporain. A l’époque, une chirurgie et une anorexie étudiée lui avaient vaguement fait ressembler à l’original, et tout comme son idole, sa production artistique se trouvait totalement crap-shit. Andy Warhol 2013 avait un père industriel richissime, importateur exclusif des sauces à chips triangulaires mexicaines, et Andy était le créateur et pdg d’une start-up dans la pub. Après l’art contemporain, Andy s’était attaqué à la musique, nous espérions tous que cela ne durerait qu’un temps avant qu’Andy ne bascule de manière classique vers la littérature. Le pire n’était pas sa voix ni les textes horribles de Cioran qu’il hurlait sous la mélasse pompeusement expérimentale d’un clavier animé par un barbu à chemise – fils d’un député – non le pire, c’était le physique d’Andy, la foule s’en trouvait à la fois fascinée et dégoûtée.  ” Seigneur Dieu ” laissais-je échapper face au monstre qui s’échauffait dans d’immondes contorsions… Avec la musique, Andy s’était mis aux stéroïdes et à la musculation, et ce soir-là dans la cave du « Paris Art Undertground », c’était un putain de king-kong ordurier et huilé qui nous faisait face, gras-musclé, intégralement épilé sauf des jambes, brunes de poils, qui contrastaient au dégoût avec sa coupe peroxydée – l’animal complètement topsy-turvy commençait ses vocalises habillé seulement d’un string ridicule moulant un paquet obscène qu’il dodelinait face aux premiers rangs des groupies, celles et ceux que l’ont croisait dans toutes les soirées et qui se trouvaient capables de supporter n’importe quelle horreur culturelle en échange d’un after à la coke dans un grand appartement bourgeois.

« Il ne faut paaaaaas ! Il ne fauuuut paaaas s’astreindre à une OEUVRE !
Il fauuuuuut ohhhhhhhh seulement dire quelque…
CHOSE ! Chose qui puisse se murmurer à l’oreille d’un ivroooooogne ou d’un mouraaaaant. »

– Martin, tu me paieras cette chierie ! Me menaça Le Doug.
Cinq minutes plus tard, on ne comprit pas tout de suite l’incident, pensant qu’il s’agissait encore de Cioran quand Andy hurla à au public :
– OU VAS-TU PETITE PUTE !? Je commence à peine mon PUTAIN DE SHOW !

Nous avons tourné la tête en suivant la direction du poing vengeur d’Andy veiné de rage, c’était la fille aux yeux bleus à qui j’avais raconté l’histoire des Joy dehors, apparemment personne ne lui avait parlé de la règle de politesse implicite : « pour les artistes syndiqués le public reste au minimum une demi-heure, et ne sors pas en masse ». Andy enragé lui balança le pied de micro qui heureusement s’écrasa sur les voisins de la fille, elle en profita pour s’échapper. Avec ce bordel, le clavier et la boite à rythme avaient fermé leurs sales gueules, je profitais de l’accalmie pour m’adresser à une longue fille du genre gothique qui se tenait devant moi. La musique redémarra timidement, d’abord le beat qui entra sur la pointe du tom unique et synthétique, et puis le clavier, mais je savais que ce n’était qu’une question de temps avant qu’Andy ne se mettent à hurler en se roulant par terre comme un chat auquel on aurait foutu le feu.
Par anticipation de la raclée sonore qui se précipitait, je hurlais à la fille :
–  RACONTE-MOI CE QUE TU ESPÈRES DE LA VIE, TOI ?

Il s’agissait d’une question piège, inventée par la faute de cette horrible machine que je crus femme et que j’avais appelé « Hélène » durant trois mois. Il s’agissait d’une question piège parce que, soyons clairs, il n’existait aucune bonne réponse. Si la fille me disait « le boulot », je la cataloguerais comme une horrible petite arriviste. Si elle répondait « l’art », une saloperie égocentrique. « L’amour ? », une conne sans trop de nibards qui n’existait pas. « Le sexe ? », une pétasse aux cheveux vert sombre qui suçait mal. « Passer du bon temps avec des amis ? », m’aurait directement fait tourner le dos à cette petite imbécile solitaire sûrement entourée de connards obséquieux. « La défonce ? », mon dieu… Minable… Et si enfin elle s’amusait à me répondre « et toi ? », je lui rétorquerais : « on ne répond pas à une question par une autre lorsqu’on respecte un minimum la politesse de base ! »  Quoiqu’elle me dise je la mettrais échec et paf en un coup, son seul espoir, se montrer foutuement géniale avant la reprise de Warhol, et donc c’est là qu’elle me répondit : – L’Opendoor ! – j’en suis resté souriant et coi.
– Et toi ? C’est quoi qui te branche ?
– Hein ? Tu veux dire, l’Opendoor ? Sérieusement ?
– Ouais ! Alors et toi ?
– Combien de fois tu as…
– Une fois, mais avant ça je n’existais pas ! Alors, et toi ?

J’aurais pu m’en sortir d’une pirouette spirituelle, mais trop impressionné, je lui répondis la vérité :
– Je pose des questions à la con aux gens. Et j’ai aussi pris de l’openDoor, hier.

Ensuite j’ai tourné les talons, replis stratégique de haute volée vers le bar, Andy Warhol 2013 n’avait de toute façon plus de pied de micro à me balancer au visage.

****

Je me suis éveillé désorienté, dans cette sensation d’oubli si particulière, sans présent, ni passé. Une seule piste, Waterloo, j’y rampais. Pas de cadavres d’hommes, de bêtes, ou de canons, je m’éveillais dans une chambre inconnue, l’appartement de la fille aux grands yeux bleus, le Siècle se remettait doucement en marche, déception.

Le souvenir de sa voix avant que la porte ne claque, « tu peux rester dormir, si tu veux. »
Dans le coin-cuisine sur sa machine à laver, un verre était retourné, et dessous, deux cafards se tenaient immobiles. J’ai pensé les libérer, mais je n’en fis rien. Je n’étais pas chez moi elle n’était pas là, cela aurait été méchant.

Dans le métro de neuf heures les travailleurs de dix heures semblaient me dévisager, ce n’était pas à cause de mes yeux, une seule prise d’Opendoor ne suffisait pas à les modifier visiblement. Peut-être les usagers sentaient-ils où je me rendais, ils savaient ce qu’était ma vie et en tiraient des conclusions ? Mais il aurait fallu qu’ils soient tous sous OpenDoor pour savoir ces choses sur moi. Je me forçais à resté écarquiller sur l’ensemble du trajet. Le facteur psychologique me rendait nerveux, à chaque fois.

J’entrais immédiatement dans son bureau minuscule encombré de dossiers. « Comment vas-tu Martin ? Laisse-moi deviner… » Le vieil homme avait une façon d’être qui me faisait sourire, souvent.
– Je viens toujours pour la même chose, vous le savez bien !

Il pianota sur son ordinateur gris pour retrouver mon dossier.
– Ça s’arrête dans une semaine, c’est bien ça ?

Je plissais les yeux afin de me concentrer pour le voir. Chacun avait sa technique de concentration, Charlotte par exemple, se triturait l’oreille.
– Je ne sais pas ce que je ferais sans vous. Vous le savez, hein ?

Ses gros doigts arrêtèrent leur pianotement le temps qu’il me réponde d’un signe de tête désolé en riant.
– Ça va commencé à devenir compliqué toute cette histoire. Martin… Ah, voilà. Voyons voir…

Alors qu’il examinait ce que nous avions déjà utilisé socialement, un halo orange apparaissait autour de lui, allait en s’épaississant. Le vieil homme corpulent rayonnait, il était de la couleur des couchers de soleil !
– Ça va vraiment être difficile. Aide Aux Vacances, peut-être ?
– Aux vacances ? J’aimerais quelque chose de légèrement plus… récurrent, comme d’habitude.
– Tu aimerais oui, mais je crains que tu n’aies plus beaucoup de choix. Martin, il faudrait que tu trouves quelque chose, que tu… t’intègres aux Classes Modernes, par exemple. Martin est-ce que tu m’écoutes ? Tu ne peux pas continuer indéfiniment à être… Rien ? Et cesse de sourire bêtement !
– Avez-vous déjà pensé à vous jeter d’une haute fenêtre ?
– Qu’est-ce que tu me racontes, tu as des idées suicidaires ?
– Non, pas du tout ! Quand vous vous trouvez sur une hauteur, sur un balcon, vous ne ressentez pas cette envie étrange, au fond du ventre ?

Le vieux hésita, il m’observait avec suspicion,
– Peut-être un peu, cela m’est arrivé, comme tous le monde. C’est l’attraction étrange pour le vide. Au lieu de me poser des questions idiotes en souriant bêtement, tu ferais mieux de te trouver quelque chose.

J’y réfléchis quelques secondes, j’avançai en hésitant,
– Et L’île de France ? L’ancienne île St-Louis, je pensais… Ils disent qu’ils ont besoin de main d’œuvre là-bas, et de nouveau sang. Il paraît que si l’on est sélectionné pour le service d’une Classe Superbe, ils nous fournissent un appartement, plus un salaire ?
– L’île St Louis est un territoire indépendant qui appartient aux Classes Superbes qui Font Avancer la France. Aucune loi ne protège le citoyen là-bas, alors réfléchis un peu pour une fois, Martin, et demande-toi pourquoi.

Le vieux approcha le nez de son écran,
– Tiens, Allocation Compensatoire Médicale pour les malades souffrant d’Ataxie.
– C’est quoi ?
– Trois cent euros par mois, pendant deux mois.
– Non, c’est quoi l’Ataxie ?
– Un trouble nerveux. Tu dors bien en ce moment ?

En me posant la question le vieux faisait « non » de la tête.
– Non… Horriblement mal.
– Alors va pour l’Ataxie. Enlève ton t-shirt, je vais t’ausculter.

Sur le banc, après le contact froid, je respirais et toussais quand il me le demandait.
– Trouve-toi un travail, rentre dans le rang, arrête de croire toutes les fadaises. La vie des Classes Modernes à un côté très enviable. Regarde-moi.

Je pouffai. Une languette de carton sur ma langue, un cône de métal froid dans l’oreille…
– Un temps partiel au salaire minimum ne changera rien, et c’est tout ce que je pourrais trouver. Impossible de payer son logement, ni même de manger. L’administration vous fiche et ne vous lâche plus après. Les classes moyennes sont une fiction. Elles n’existent plus. Je refuse de vivre en esclave.

Le vieux soupira et s’attaqua à l’examen de mes yeux. D’habitude, les Aides de l’État prenaient une commission sur les allocations qu’ils vous trouvaient, lui non. Bien qu’assermenté, ce n’était pas son métier. Autrefois il fut médecin, mais depuis sa retraite, il faisait ça bénévolement, pour aider les gens, en vrai. Je me suis demandé si j’aiderais comme lui, si je le pouvais ? Je conclus vite que non. Ce que je ferais ? Rien de plus que ce que j’avais fait la vieille, chez cette fille aux grands yeux bleus, celle à qui j’avais raconté le concert du 18 Mai devant le bar. Je l’avais retrouvé après avoir fui le concert de l’animal. Chez elle, nous avions fait l’amour. Au début quand elle monta sur moi, elle observa nos deux sexes qui n’en faisaient plus qu’un à l’aide d’un petit miroir en argent ouvragé. Après ça, elle m’avait raconté toutes ses choses farfelues, la raison de ces deux cafards prisonniers sous le verre, et moi, je lui avais raconté l’OpenDoor, ce fut une belle soirée.
– C’est bon, tu es en parfaite santé ! Mis à part bien sûr cette Ataxie nouvelle que nous venons de te trouver.

Je me suis rhabillé. Nous avons repris nos places et nos rôles, chacun d’un côté du bureau. Il se remit à taper sur son clavier, je plissais de nouveau les yeux, j’aimais sa lumière orange, elle me calmait.
– Voilà, je finirai ton dossier ce soir et je l’enverrai. Dans deux semaines normalement, tu toucheras le premier versement. Mais qu’est-ce que t’as à sourire comme ça bêtement aujourd’hui ? C’est une fille, hein, tu es amoureux ?

Il me regardait fixement de sa grosse tête ronde, sa lumière était si forte que je devais cligner des yeux. Il me faisait vraiment rire, je lui répondis :
– Je suis sûr que si vous sautiez d’une haute fenêtre, vous ne vous écraseriez pas.
– Et pourquoi ?
– Parce que vous êtes un ange. Je ne sais pas ce que je ferais si vous n’étiez pas là.

Il rit gêné, sa grosse main fit glisser à mon intention un prospectus. Il faisait toujours ça à la fin de chaque entretient. C’était des prospectus sur comment arrêter de fumer, ou comment positiver, prendre de bonnes décisions pour sa vie, mais pas cette fois-là. Le titre disait : « Méfiez-vous des dangers des nouvelles drogues. » Dessous était dessiné une porte rouge entrouverte. Je n’ai pas eu envie de lui expliquer pourquoi l’OpenDoor n’était pas une drogue, il était de la vieille école, il ne pouvait pas l’entendre. Il me dit simplement :
– Si tu es amoureux alors c’est bien, tu as la belle vie ! L’amour c’est le plus important, c’est la seule chose qui fait que nous sommes quelqu’un réellement.

***

En attendant le métro mes yeux partirent dans le vague sous l’effet de la fatigue, sur le quai en face, l’unwanted se manifesta à travers trois jeunes gars, il s’agissait de russes, pas des Classes Modernes mais des zonards, tout comme moi, du moins c’est ce que j’aurais cru sans OpenDoor. Le plus grand portait un arbre en lui, des branches noires dépassaient de son dos, l’envie, l’envie de les empoigner pour les arracher toutes, elles semblaient recouvertes d’une matière poisseuse, épaisse et répugnante, une texture de pétrole. Je les ai observés faire semblant de se jeter mollement sur les rails, je suis monté dans le wagon qui arrivait. Presque vide en cette heure tardive, une vieille dame brillait de la même lumière orangée que le vieux. Je lui souris, je lui dis « bonjour », elle me répondit par un sourire plus un léger hochement.
 C’était fou, le nombre de personnes, adultes enfants voir même animaux qui resplendissaient de cette lueur orangée calmante. J’en croisais un en moyenne, quand je me trouvais entouré de beaucoup de monde. Cela faisait peu, mais beaucoup en même temps. La vieille s’approcha, elle me dit :
– Vous m’inquiétiez un peu au début. Les jeunes gens comme vous, avec les yeux tout noirs ! Mais… Vous êtes plus polis que les autres, vous me dites tous bonjour, à chaque fois.

Elle me prit ensuite le poignet et ajouta :
– Il faut profiter tant qu’on est jeune, mais fais attention.

Durant le restant du trajet je repensais à cette fille aux yeux si bleus, à notre nuit ensemble.
Nous avions fait les choses à l’inverse, d’abords l’amour, ensuite nous avions parlé un peu.
– Pourquoi ce verre avec dessous ces deux cafards répugnants ? A ma question elle avait souri en grand.
– C’est une expérience !
– Quel genre ?
– Tu savais que les cafards survivent des mois avec la tête coupée ? Je les affame, parce que je veux qu’ils s’entre-bouffent. Comme ça, un sera encore vivant dans le ventre de l’autre, et ses bouts non-dévorés seront aussi vivants. Ils seront mélangés, et je les verrai bouger.
– Je trouve ça dégueux…
– Et moi magnifique !

Après le sexe, mes yeux avaient tendance à rester bloquer dans le noir, impossible de les écarquiller.
J’évitais de regarder les insectes. Même de loin allongé dans son lit, je pouvais voir leurs fluides, leurs segments, leurs matières d’insectes et par-dessus, leurs deux antennes qui ondulaient au fil des courants magnétiques. Elle me dit :
– Ça prendra peut-être des années, parce qu’ils peuvent rester longtemps sans manger, mais j’y arriverai un jour.
– Tu pourrais regarder dans les livres ? Les scientifiques spécialisés en insectes doivent tout savoir de ces choses.
– Non, ils ne savent rien. Je ne crois pas en la biologie. Je pense que ces insectes possèdent un organe leur permettant d’exister sur une temporalité différente chevauchée à la nôtre. Martin ?
– Oui ?
– Veux-tu que je te montre d’autres secrets ?
– Okay.

Elle enleva son t-shirt, son t-shirt qu’elle avait tenu à garder durant l’amour, ses bras son ventre, ses seins et son torse se trouvaient marbrés de réseaux compliqués.
« Regarde… »
La fille aux grands yeux bleus pris un cutter rose Hello Kitty qui traînait et me montra comment elle dessinait des traits sur sa chair. Lentement, longtemps, une nouvelle route parti de son nombril. La ligne se fit rouge, transpira un peu de couleur avant que le sang coule jusqu’au début de son sexe.
– Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu te blesses ?
– Tu veux essayer pour comprendre ? Tu veux que je t’en fasse une ?
– Pourquoi pas. Attends.

Je fermai les yeux pour sortir du noir afin de retrouver des sensations normales. Une cigarette au coin de la bouche, les sourcils froncés par la fumée et la concentration, la fille aux grands yeux bleus dessina une frontière partant de mon poignet ou se trouvait mon pouls. La spirale vrilla vers mon avant-bras, avant de s’arrêter derrière, à mon coude.
« Tu ressens quoi ?
– Rien de plus qu’une coupure, sensation d’irritation, un minuscule déchirement.
– C’est moins évident parce que je te l’ai faite moi, mais nous avons fait l’amour, alors nous sommes intimes, maintenant. Quand nous avons fait l’amour tu sais, tous les deux nous étions toi.
– Ouais mais je devrais ressentir quoi, exactement ?
– Un minuscule ensemble. La scarification permet de reprendre possession de son corps par la douleur fine et les filets de sang. Je suis vivante. Je suis moi, mon corps est à moi, il, existe il saigne, il est vivant, tu comprends ?
– Oui. Non, je ne sais pas.

La fille aux grands yeux bleus gloussa de joie et fit un petit bond sur le lit.
« Attends ! Je vais te montrer une nouvelle chose ! »

Elle bondit nue hors du lit, j’en profitais pour observer son tout petit cul ravissant. La fille aux grands yeux bleus farfouilla dans un tiroir et revint armée d’une longue et fine tige.
« C’est de la fibre de verre, ne me demande pas comment je l’ai eu je me suis faite chier. C’est fin de quelques microns, plus fin que la peau alors… Je peux me l’enfoncer dedans, regarde ! »

La tige disparut dans la chair tendre de son avant-bras. Elle fit une grimace.
« Ouille ! Quand ça touche l’os, ça fait vraiment mal ! »
Elle ajouta :
– J’étudie les livres médicaux comme ça, je peux me transpercer n’importe quelle partie du corps en évitant les organes !
– Arrête s’il te plaît, arrête de faire ça.

La fille aux grands yeux bleus retira doucement son instrument à récupération de vie, je l’attirais à moi.
– Et faire l’amour avec moi, ça ne t’a pas faite sentir vivante ?
– J’aime quand tes yeux deviennent tout noir. Je trouve cela… Très élégant ! Pourquoi prends-tu de l’OpenDoor ?
– Je me vois comme un cosmonaute. Imagine, un jour des types réalisent qu’ils possèdent les moyens technologiques d’envoyer un autre type dans l’espace. Malgré ce qu’ils prétendent, ils ne savent pas ce qu’ils vont y trouver, sûrement rien, hormis du vide. Des avancées pour la science ? Ahrrf… Du baratin. Non, ils veulent envoyer un homme dans l’espace simplement parce qu’ils ont déjà réussi à y envoyer des chiens, c’est la seule logique. Les cosmonautes savent qu’ils ont de grandes chances d’y rester, un voyage mortel enfermés dans une boite de conserve à subir des accélérations atroces, une névralgie perpétuelle, le cœur constamment au bord des lèvres, pourtant ils veulent tous y aller. Ouais la Nasa n’a jamais manqué de volontaires. C’est exactement pareil pour moi et l’OpenDoor.
–  Hummm… fit-elle peu convaincue,
– Je pensais que tu comprendrais ?
– Mais je comprends, enfin, je crois…
– Pour une fille comme toi… Qui cherche des réponses… L’OpenDoor est fait pour toi !
– Je ne cherche pas des réponses, pas vraiment…

Avec la fille aux grands yeux bleus nous avons fait l’amour encore. Pendant je pouvais voir son cœur, pas son cœur biologique, l’autre. Une lumière pourpre qui pulsait lentement au milieu de son ventre. A mesure que j’occupais doucement son espace intérieur, cette lumière grandissait, englobait mon sexe, montait vers sa tête. Peu à peu son pourpre nous envahit lentement. Quand sa couleur arriva au niveau de mon visage, je ne pus plus l’apercevoir, le temps se fondit en une mélasse, les sons s’étouffèrent, nous nous trouvions sous un profond océan, mais nos souffles et nos cris, eux, résonnaient étonnamment fort, pas dans nos oreilles mais directement à travers nos âmes, nos deux têtes réunies sous le même scaphandre.

***

Une main sur l’épaule, je me réveillai la tête contre une vitre, à l’intérieur de sa minuscule voiture. Derrière, un enchevêtrement de gloussements, quatre jambes mélangées, deux femmes assises à l’arrière, sur mon sac.
« Pourquoi on est là ? »
Quentin au volant :
« Elles veulent chercher des croissants, alors tu dois sortir. Y a pas de portières à l’arrière. »

J’obéis, dehors le froid, et une neige déjà sale à sept heures du matin. Je soulevai le siège avant et tendis mon bras à la première des filles, elle glissa un peu, « fais attention » lui dis-je, puis la deuxième, j’entrai de nouveau dans la minuscule citadine. Ses cheveux châtains clairs, son visage surplombant une doudoune, Quentin me sourit dans un petit nuage de buée alors que je claquai la portière et me rasseyais. Je jetais un coup d’œil à travers la vitre, dehors les filles en hauts talons progressaient difficilement sur la glace, vers une boulangerie.
– Elles sont cool, hein, t’en penses quoi ?
– Je n’en pense rien.
– Je les trouve très sympathiques. J’aime… leur allure. Pas toi ? Tu n’aimes pas leur allure ?

Un silence, gêné il le rompit :
– Pourquoi tu ne dis plus rien ? Pourquoi tu me regardes, comme ça, avec ces yeux-là ?
J’observai Quentin en silence. Pour la première fois, quelque chose se mettait doucement en place. Comme si l’image de son éternel sourire se trouvait décalé avec le reste de son visage, existant dans une temporalité différente, ça me rappela les cafards… Un sourire, un Quentin en plusieurs morceaux, biens distincts… « T’en penses quoi de ces filles ? », « Tu as faim ? », « Tu aurais dit quoi à ma place ? », « tu me comprends ? », les phrases de Quentin se formulaient souvent sur la base de questions sans importance.
– Tu me fais flipper avec tes yeux tout noir. Tu as changé, Martin.

La vision se fit moins nette, le charme se rompit :
– Pour les yeux, c’est un effet de l’OpenDoor, ce n’est rien, simplement … Je suis fatigué Quentin, j’aimerais trouver un endroit pour dormir. Je ne peux pas rester dehors par ce temps.
– Mais nous allons faire ça, oui, dès que nos amies reviennent. C’est la raison pour laquelle nous sommes ici, mais … Tu ne les apprécies pas ces filles ?

Je regardais de nouveau dehors, elles revenaient vers la voiture sur leurs haut-talons en s’accrochant l’une à l’autre. La brune finit par glisser et tomber lourdement, son amie essaya de la retenir par l’avant-bras, courbée en deux, pliée sur ses longues jambes, elle lui tenait toujours le bras en riant.
La fille brune assise dans la neige avait l’expression d’une enfant qui pleurait, sauf qu’elle riait. Je vis un bout de sa culotte blanche sous sa robe pailletée dorée, une culotte toute simple sous une robe compliquée. Les croissants avaient roulé du sac pour s’arrêter à la hauteur d’une de ses chevilles, dans la neige sale, Quentin gloussa.
– Ça va, lui répondis-je, je les aime bien, ces filles.

Ce fut le moment où Quentin se révéla, l’instant de vérité, quand je le vis enfin. Des filaments blancs laiteux, à l’apparence fragile, s’étendaient doucement en corolle tout autour de son crâne. Ils ressemblaient à ce que traînent derrière elles les méduses. Ce réseau – son réseau, semblait sortir de son crâne, traversait ses cheveux pour se diriger vers mon visage dans une lente pulsations synchrones avec les clignements de ses yeux.
– Qu’y a-t-il ? Tu me regardes de nouveau bizarrement, tout va bien ? Tu te sens bien ?

C’était donc ça, ses questions perpétuelles, Quentin testait et tâtonnait de ses filaments en permanence…
– Tout va très bien oui, car je te vois réellement.

A mes mots ses yeux s’agrandirent, ses étranges fils se replièrent apeurés pour disparaître dans ses cheveux, pourtant pas très épais. Je sortis de la voiture pour laisser les filles y monter bruyamment.

– Tu as une préférence ? Me demanda Quentin, garé plus tard un peu plus loin,
– J’aimerais quelque chose en hauteur, je me dis que c’est moins facilement repérable.
– Oui, tu as raison. Cette rue te plaît ? Le métro n’est pas loin, tu en penses quoi ?

Nous avons tordu nos deux têtes, dehors une pluie fine mais glacée s’était mise à tomber sur le pare-brise, les filles intriguées regardèrent par-dessus nos épaules, dans la même direction. Partout, la lumière grise d’une matinée hivernale, et dressé devant la petite voiture, un immeuble haussmannien à la façade totalement éteinte.
– Ici. Celui-là me semble bien.

Nous sommes sortis, Quentin prit sa trousse à outil, et moi mon sac de fringues.
« J’aurais apporté du champagne » dit l’une des filles joyeuse. Il s’agissait de la brune, celle dont le crâne se trouvait entièrement pris dans le réseau de filaments de Quentin. Il ouvrit la porte de l’immeuble à l’aide de son scanner. Aucune lumière dans le hall, c’était bon signe. Nous avons appelé l’ascenseur et sommes montés au dernier étage, le septième. Alors que les paliers défilaient lentement derrière les grilles, le réseau de Quentin englobait maintenant totalement les crânes des deux filles. Les filaments bâtirent en retraite quand la blonde déclara, sombre :
– Je n’aime pas ça. Si tout le monde faisait la même chose…
– En général, « le monde » fait ce qu’on lui dit.

J’avais dit ça pour la rassurer ou me justifier, mais je la sentis se tendre, résultat de mon ton désabusé, peu m’importait, ce qu’elle pensait, j’en avais rien à foutre. L’OpenDoor avait tendance à vous détacher des choses sans importance.
– Je ne le fais que pour les amis – se défendit Quentin – et Martin est un ami de très longue date, tu comprends ?

La fille se détendit un peu.
Je me tournai pour lui sourire, elle tiqua, posa un index sous son œil et me demanda:
– Tes yeux, ils sont bizarres… Tu vois un peu comme les chats ?

Ils rirent, les fils étranges de Quentin enveloppaient de nouveau leurs crânes. Tout alla très vite à mesure que leurs paroles comme leurs actes me désintéressaient, c’était un ballet où les danseurs disparaissent de la scène avant d’y réapparaître brutalement dans une énergie incompréhensible, brutale. Les filles se mirent à courir à travers l’appartement, « regarde-ça, c’est formidable, non ? Il t’attend ! » affirma Quentin à propos du grand canapé aux coussins rouges, esseulé au milieu de l’immense salon. «Sept pièces ! » cria l’une des filles en revenant, Quentin dans le couloir, ses outils à la main :
– Malheureusement la chaudière est centrale, mais je t’ai branché l’électricité. Tu pourras peut-être te trouver un chauffage, et des plaques ? Mais… qu’est-ce que tu fais ?!
– Qu’est-ce qu’il fait ? répéta l’une des filles…
– Ohhhh nonononn, je n’aime pas ça, je n’aime pas quand ils font ça, faites-le descendre tout de suite…

La fenêtre m’avait attiré, et la rambarde derrière, en fer forgé, je l’avais enjambé. L’OpenDoor rendait moins sensible aux températures, je me concentrai pour retrouver la sensation glacée du fer dans mon poing.
–  Qu’est-ce que tu… ?
– Rien. Ne t’inquiète pas, je veux seulement vérifier.

Ainsi en équilibre à l’extérieur du balcon, ma vision dépassait le coffre de l’immeuble mitoyen, une vue parfaite sur la rue, en aval et en amont, et Paris ! D’aussi loin que portait mon regard, je n’avais compté que trois fenêtres allumées. Une main sur mon épaule me fit me retourner brutalement, Quentin recula.
– C’est rien mes yeux, seulement l’OpenDoor, faut pas en avoir peur.
– Descend maintenant, s’il te plaît. Je veux dire, pourquoi tu ne reviendrais pas avec nous, sur le balcon ?

C’était incroyable, OpenDoor ou pas, personne ne s’en était rendu compte. Tout le monde avait disparu dans cette ville. Les voitures se faisaient rares, aucun piéton, des places de stationnement ou de livraison vides, inutiles. Les dinosaures avaient-ils ainsi disparus, tranquillement sans s’en rendre compte ? Un jour, l’un d’eux s’était-il réveillé absolument seul au monde ? Ces choses devaient arriver lors d’une extinction. Un individu qui reste seul à la fin, même une poignée de seconde ?

Afin de me faire pardonner et de me donner une contenance humaine, je souriais béatement à l’assistance qui se chamaillait gentiment sur le canapé. Les espèces de filaments sur leurs crânes… Quentin avait toujours été différent, il avait de la tenue, tellement qu’il pouvait passer pour une Classe Moderne, voir même une Classe Magnifique lorsque le manque de lumière cachait la nature bon marché de ses vêtements. Nous l’avions toujours senti différent, il l’était encore au-delà.
Quentin n’existait pas, pas réellement, il agissait en interface, ou un peu… En parasite, peut-être.
Les trois s’embrassaient sur le canapé pendant que je me demandais si Quentin pouvait ressentir réellement du désir, ou quoique ce soit pour un autre ? Faisait semblant en cet instant ? A ma deuxième prise d’OpenDoor je saurai. Je saurai toutes les choses.

La fille blonde se leva et vint se tenir devant moi. Sans oser me toucher, elle me demanda de nouveau :
– Tu vois comme les chats ? Tu peux voir la nuit ?

Je souris pour ne pas l’apeurer.
– Non. L’opendoor me permet de « voir » à travers les gens, leurs mécaniques. Je te conseille d’en prendre, surtout si le fonctionnement des autres est pour toi quelque chose d’important.

La fille reprit sa place sur le canapé sans avoir compris, peu importait, la personne à qui je destinais ce conseil, Quentin, avait lui parfaitement saisis.  Je suis sorti dans la rue, je fis un long tour du quartier en espérant qu’à mon retour, tout ce monde soit parti.

***

Je courais dans les rues comme un possédé, des rues aussi trempées que moi, mais qu’importait.
On peut vivre tout, partout, vraiment n’importe quoi, et c’est même assez fou, l’humain est bien fait, sauf à propos de ces choses qui ne passent jamais, ce sont les regrets. J’en avais un, Jean Navet-Caïn, c’est comme ça que je l’appelais les regrets, et putain ce qu’ils étaient lourds à porter. Parce qu’un regret c’est comme un couteau planté dans un poumon, impossible de respirer, impossible de l’oublier, même un instant. Ouais, je me souvenais de tout, ses deux cafards emprisonnés sous verre tout particulièrement, alors je me suis demandé où ils en étaient, s’ils se cavalaient quelque part dans les profondeurs des lattes de son appartement, où s’ils s’étaient finalement entre-dévorés, mais toujours vivants, sous le verre, dedans leurs ventres. Quatre était la norme couramment admise comme limite des prises OpenDoor durant une existence, j’en étais à six, la fille aux grands yeux bleus avait fini à sept. Ce n’était pas imaginable une telle histoire ! Si quelqu’un prétendait savoir ce que l’OpenDoor pouvait faire… Seigneur, que cette personne ne fasse jamais semblant devant moi !
 Je courus dans les rues comme un possédé, dans les rues détrempées, je finis par m’arrêter haletant, le jaune emballait les réverbères. Je ne me souviens de rien, hormis ses deux cafards, sous le verre, et ses grands yeux bleus. Après sa première prise, elle me disait,
« Au début j’ai cru devenir folle. Surtout la nuit. Je n’entendais plus la musique, seulement leurs cris. Leurs cris de baise au mieux, ou quand… Quand ils se font du mal, tu sais. Les cris silencieux de désespoir, ce sont les pires. Mais depuis l’openDoor je relativise. Cherchez un travail par exemple, l’économie, tous ces trucs sont inventés pour les occuper les monstres une bonne moitié de la journée, et c’est déjà ça de gagner. Les systèmes qui composent « la société » sont tous fabriqués dans ce but. Imagine, s’ils étaient vraiment libres, ils passeraient leur temps à s’entre-tuer, à nous tuer, à devenir cinglés ! »

Je lui avais répondu,
« J’aimerais une machine à voyager dans le temps, tu sais ? Je n’irais pas dans le passé, mais dans l’avenir, et je choisirais une époque où les hommes ont besoin d’aventure. L’openDoor est une machine allant en sens unique, mais une machine de l’ultra-présent, qui permet de déguster cette chierie sans en perdre une goutte, et tout comprendre. On pourrait rester ensemble, tous les deux ? Ce serait bien ? Se resserrer, bien compacts, en ayant rien à foutre de rien. Ainsi nous pourrions résister à celles et ceux qui ont des dents aiguisées, des cœurs métalliques, et à tous ceux qui vivent dans une trouille si forte qu’ils en deviennent dangereux. »

La beauté de certains me transportait je me trouvais au bord des larmes, je courrais dans la rue, trempé, je les voyais, une apesanteur accompagnait chacun de leurs pas, un ralentissement temporel, quelque chose de sauvage et d’animal les définissait au-delà de l’humanité, le message était clair. A la deuxième prise d’OpenDoor, ma porte ne se refermait plus, elle restait entrebâillée. Hâte, hâte d’arriver à la fin du cycle ! Ma maison ouverte aux quatre vents prête à accueillir toute la beauté du nouveau monde quand l’ancien, incapable de surmonter cette lumière, s’effondrerait sur lui-même. Il me fallait seulement faire attention aux ombres turncoat, il me fallait être vigilant. Pour ne pas finir comme la fille aux grands yeux bleus, Le Doug, Quentin, ou tous les autres.

Le Doug disait, après sa première prise,
” Chaque note de basse fait vibrer les os et repousse la crasse des claviers dont on nous a gavé, chaque orgasme mystique, chaque parcelle de vérité révélée par l’openDoor nous rend plus forts, et le monde a beau déverser toujours plus de merdes, tous ses systèmes et leurs artistes syndiqués se trouvent mis en échec, ils tremblent. De la baise à l’infinie plus trois, trois prises avant la fin, et après ? Nous verrons bien ! Ce n’est pas une fuite en avant comme ils disent, mais une charge sauvage, bras armé, alors que nous remontons le flot de merde vers l’Origine. Puissants et immortels, inaliénables, les mensonges se retourneront contre ceux qui les ont proférés jusqu’à les étouffer. »

Le Doug en était à trois prises, trois, et il prétendait pouvoir gérer, il était « large », c’était ses mots.
« Tes hallucinations, le Doug…
– Ce n’en sont pas, je le vois, le batteur des Creedence Clearwater Revival, il s’adresse à moi…
– Des hallucinations auditives ? Ne me dis pas que tu en as repris ?
– Ce ne sont pas des hallucinations, le temps a perdu son emprise sur moi.
– Combien ! A combien tu en es, dis-le-moi !
– Quatre !
– Oh mec, merde de merde, ça ne va pas … Ca ne va pas du tout …

Sans eux et surtout sans elle, la vie me semblait aussi triste que ces paysages de banlieue qui défilaient derrière la vitre du train ; de la végétation, des maisons, et des maisons en briques. Le Doug ou Quentin, Elle… A combien de prises en étais-je, j’en avais pris combien ? Les quais des gares défilaient désertiques, je m’arrêtais à chaque station de l’omnibus, je descendais, mais personne ne m’attendait, nulle part. De la végétation, des maisons et des maisons, les quais des gares, personne. Le Doug, Quentin, Elle, bientôt moi… Tous emportés par l’Open Door. La capitale désertée et personne dans ma vie, je marchais dans les rues écrasées par le soleil de juillet, la neige d’hiver avait fondu dès six heures, qu’étaient devenues ces deux filles, celles qui tombaient dans la neige, avec leurs croissants ? Elles avaient habité un temps au squat. Leurs escarpins glissaient-ils toujours sur du verglas boueux, quelque part ; tombaient-elles en riant, et les croissants qui roulaient vers leurs chevilles, à l’infini ? En cette heure, Twenty First les avait sûrement emportées, Twenty First les avait emportées plus que l’OpenDoor ces deux filles, les croissants, et tous les autres, schlagstaf !

Des paroles oubliées résonnèrent…
« Je ne veux pas baiser seulement ton corps, je veux aussi baiser ton esprit, pour que tu m’appartiennes entièrement. Je veux que tu ne m’oublies jamais, jusqu’à ta mort… Tu crois pouvoir faire ça pour moi ? J’ai besoin que tu prennes de l’OpenDoor ? J’en ai besoin, tu… Ainsi, tu seras parfaitement synchrone avec moi. Pardonne-moi. »

Je remémorais mon crime, mes crimes, ses cris, une seule personne au monde pouvait m’aider.

***

L’air sentait les vieilles choses. Pas le vieux, mais les vieilles choses rassurantes. Il se tenait de dos face à la fenêtre, je me sentis gêné, assis dans son fauteuil.
– Vous ne m’auscultez pas ?

Aucune réponse, aucun mouvement.
– Je suis venu parce que… Je me demandais… Si vous aviez quelque chose pour moi ? Je touche encore l’ataxie, enfin je crois, mais… Pourquoi aujourd’hui vous ne m’auscultez pas ?

Le vieil homme souffla, se tourna, fit lentement le tour de son bureau et s’assit près de moi sur un tabouret bas. Il prit la tête de son stéthoscope enroulé autour de son cou.
– Et comment voudrais-tu que je t’ausculte, hein ? Regarde, je ne peux pas entendre ton cœur, tu vois ? Parce que ma main passe au travers de toi, tu es aussi solide qu’un courant d’air !
– Je ne comprends pas…
– Écoute Martin, tu veux me voir ? D’accord. Tu veux me parler, me demander quelque chose ? D’accord, une nouvelle fois. Mais fais-moi le plaisir d’être là.
– Qu… Quoi ?
– Ce n’est pas que j’ai un emploi du temps chargé. Ces derniers jours, c’est même tout le contraire. Mais ce n’est pas une raison, il s’agit d’une question de politesse ! Tu veux me voir et je suis là pour toi, comme je l’ai toujours été, mais fais-moi au moins le plaisir d’être présent, respecte-moi.
– Qu… Quoi ? Mais je ne comprends pas… ?
– SOIS LA AVEC MOI ! BON DIEU DE MERDE C’EST TROP TE DEMANDER ?! SOIS… LA ! PRENDS FORME HUMAINE ! OU N’IMPORTE LAQUELLE, NOUS N’EN SOMMES PLUS LA ! EST-CI SI COMPLIQUE DE FAIRE UNE CHOSE QUE JE TE DEMANDE POUR UNE FOIS DANS TA FOUTUE EXISTENCE ?! »

Le vieux se dressait debout face à moi, avec un visage de rage que je ne lui connaissais pas, que je ne lui imaginais même pas. Il hurlait de toutes ses forces, postillonnait en tout sens. Un clignement de paupières plus tard, il se trouvait tranquillement assis derrière son bureau, son éternel sourire bienveillant en place, et moi, je regardais mes poings serrés, étonné et choqué de retrouver si brutalement cette sensation de chair, cette sensation d’incarnation, la lumière, les pensées et le reste…

« Qu… Quoi ?
– Excuse-moi de t’avoir un peu brusqué, mais tu en a besoin, parfois.
– Que m’arrive-t-il ? Que…
– Tu es venu ici parce que tu avais besoin de quelque chose, comme à chaque fois que je te vois. Alors parle, va droit au but.
– Elle me manque…
– Qui ça ? Le robot-fille, celle qui avait un téléphone portable greffé dans la paume de sa main ?
– Non, pas elle. La fille aux grands yeux bleus…
– Et c’est quoi son prénom encore, à celle-là ?
– Je ne sais pas.
– Tu as oublié, c’est à cause de ton… « état » ?
– Non, je ne le lui avais pas demandé son prénom. A l’époque ce n’était pas important.
– Mais aujourd’hui ça l’est.
 – Oui, parce qu’il ne me reste plus rien.
– Tu prends tout à l’envers. Tu vois tout, mais tu ne réfléchis pas. Je suis sûr que tu n’as pas lu la brochure que je t’ai donné, la dernière fois ? Je connais déjà la réponse, ne te fatigue pas. Mais peu importe, de toute façon il était déjà trop tard. Tu en avais pris, je l’avais compris à tes yeux. Je suis vieux mais pas complètement gâteux tu sais, enfin, pas encore. Depuis que nous nous sommes vus, tu en as pris combien ?
– De l’OpenDoor ?
– Non, du gaz d’hélium qui fait une drôle de voix de canard. Bien sûr, de l’OpenDoor !
– J’en ai pris… Je ne me souviens pas…
– Approximativement, donne-moi une échelle de valeur.
– Une trentaine, ou peut-être une quarantaine de fois.

***

 A sa troisième prise, Le Doug m’avait dit,
« Il n’y a aucun problème, tu verras ! Je serais le premier homme à atteindre l’au-delà des prises ! Tu te souviens de ce que tu disais tout le temps ? Que tu étais un singe envoyé dans l’espace… J’ai compris ce que tu voulais dire, en fait, tu es un singe envoyé de l’espace, et c’est moi le singe envoyé dans l’espace ! La vie, j’la fais tourner comme une mauvaise danseuse, j’lui marche sur les pieds j’lui souris, j’lui souris de toutes mes dents ! Ensuite quand la musique s’arrête je la fuis, en la traitant de pute ! Pute ! Pute ! J’ai pas besoin qu’elle m’aime la vie, parce qu’elle n’est pas assez belle pour ça, avec son regard un peu débile de fille de ferme, ouais, cette petite conne prétentieuse ne me fera jamais ramper, même la mort n’y réussira pas. La mort passe son temps à faire ramper les gens, elle fait ça, elle fait ramper les artistes syndiqués, et toute cette populace fière d’être esclave de crédits, ils s’imaginent la repousser, mais laisse-moi rire ! Tous détruits par une simple rupture sentimentale, s’effondrant à la moindre secousse comme des châteaux de cartes ! Tu crois que t’es comme eux, mais tu te trompes, tu n’es pas ça. Ni comme ces gens pressés de faire des gosses qu’ils vont détester à l’image de leurs vies minables. La mort les fait tous ramper, elle leur fait courber l’échine, la mort se marre, elle a bien raison ! Mais je ne ramperai jamais, parce que j’ai l’OpenDoor, et les Creedence Clearwater Revival, et toi, pour me montrer la voie ! »

– Ils sont tous partis, comme cette fille, ils sont partis et ils me manquent, alors j’arrête pas d’en prendre, pourtant je reste ici, ma porte bloquée à l’infini…

Le vieil homme se leva, souffla de fatigue, un silence se fit. Le halo de lumière orangé resplendissait intense tout autour de sa tête. Dans un bruissement, de grandes ailes se déployèrent dans son dos. Le silence s’éternisa. Comme s’il en avait conscience, il m’affirma :

« C’est bien le silence, parfois. Écoutons un peu ce silence ensemble, toi et moi. »

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DeJavel O.
2 années il y a

Un texte sur le thème de la solitude. Très réussi. Le protagoniste Martin, qui s’essaie à l’OpenDoor, une drogue qui ressemble au LSD si j’en juge par l’imagerie, lui procure une vue différente sur une vie qu’il ne comprend pas complètement, déçu de ce que ses rêves ne soient pas réalisables, déçu d’une existences meublée par des regrets, déçu par l’amour qui est assassinée par le quotidien. Le texte apporte un message d’espoir, comme un fil d’Ariane à saisir : la dame dans le métro, l’ami Quentin et le médecin retraité font tous leur part, chacun à leur façon, pour atteindre Martin alors que la chimie de son cerveau fait de lui un étranger, seul dans sa réalité alternative.

Un texte enveloppant, qui nous laisse une impression forte. J’ai aimé le lire et bien qu’il fasse au moins 5 000 mots, je suis resté sur le fil de l’histoire jusqu’à la fin et je n’ai pas senti de longueur, sans doute à cause des changements de scènes bien réussis. La finale est bonne, cohérente avec l’histoire, et nous fait ressentir la dérive de Martin.

Bravo ! Un texte exceptionnel !

Pinaille technique : Tout ce qui est écrit au passé composé devrait avoir été écrit au passé simple.

Exemple :
"J’ai lâché la manette de jeux je me suis levé.."
"Je lâchai la manette de jeux…" serait mieux.

Sauf si c’est implicite que l’on veut référer à une simultanéité dans le passé. « J’ai lâché la manette à dix heure trente, ou j’ai lâché la manette seulement quand le Doug est entré dans la pièce… »

"Je me suis éveillé désorienté, dans cette sensation… "
"Je me réveillai désorienté dans cette sensation… "

Note : Publier ce texte sous forme de chapitre aiderait à avoir des lecteurs. Au dessus de 900 mots, les chances de recevoir des commentaires sont nulles. Sauf si le texte est… exceptionnel ! 🙂

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