Du haut de la grande tour, Mina observait la ville endormit, les pieds suspendus dans le vide. Seules quelques bâtiments avaient encore leurs fenêtres intactes. Les rues silencieuses faisaient rappeler à la jeune fille les souvenirs d’un passé qu’on lui avait raconté. Un passé où les voitures bruissaient, où les rues criaient et où toute la ville dégageait une vigueur et une chaleur qui paraissaient inaltérable.
Mais les beaux jours ont passés, les gens s’en sont allés et l’ambiance est devenu morose. Les colosses de ferrailles avaient été envahis par une nature revancharde. Désormais à genoux, leur peau se craquelait un peu plus chaque jour sous le poids de quelques branches qu’ils écrasaient auparavant. Lentement, leurs forces s’étaient atténuer pour disparaitre à jamais.
Alors qu’hier les spectateurs affluaient par milliers pour s’afficher à leurs côtés et vivre en symbiose avec eux, aujourd’hui ils se faisaient plus discret, préférant sentir, perchés dans un arbre, la douceur d’un vent matinal. En tendant l’oreille, on pouvait entendre leur concert harmonieux.
Pour Mina, cette ville aux abois était son terrain de chasse. Ici, elle pouvait voyager à travers l’histoire des rues, les plaques de leur nom échoués au sol dernier vestige de leur identité. Un peu plus loin, dans une maison, elle trouvait le journal intime d’une adolescente ressassant sa peur et sa joie, sa tristesse et son amour. Parfois, en fouillant sous les décombres, elle trouvait une sorte de plaque en verre avec un symbole de pomme croqué dans le dos. Toutes étaient brisées et ne semblait pas servir à grand-chose.
A chaque excursion, Mina ramenait chez elle plusieurs objets qu’elle trouvait dans cette ville pour les comprendre. Ainsi elle essayait de reconstituer l’histoire des habitants de cette planète qu’on appelait « humain » et dont on lui avait raconté son âge d’or. Hier l’humanité fut grande, mais à vouloir s’élever vers ce qu’elle n’est pas, elle a oublié de consolider ses fondations, oubliant qui elle était vraiment, se perdant dans un labyrinthe qu’elle avait elle-même fabriqué.
Si l’éternité existe, elle n’est que temporelle car si toute chose à un jour commencé, elle se finira un peu plus loin. Cela Mina l’avait compris. C’est parce qu’elle n’était qu’un point dans une immensité indécodable qu’elle s’efforçait tous les jours de comprendre ce qui avait permis qu’elle soit et ce qui fera qu’elle s’éteindra.