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Quelques jours, après sa discussion avec le chef, Abiane fit venir des ouvriers. Il leur donna pour mission, de lui construire une case, qui devait comporter cinq pièces, une pièce principale et trois chambres en plus d’une pièce qui devait servir à ses attributs de guerrier et ses fétiches. A côté de cette case une grande cuisine. Puis, il demanda de l’aide à Ngom Ondo, fils d’Ondo Zué l’ancien, afin de nettoyer une partie de la forêt derrière sa nouvelle case. En lui expliquant qu’il voulait y faire un champ pour Otsira, il ne voulait pas qu’elle soit obligée, d’aller loin en forêt avec la petite :
Tu y as mis le temps môadzang, lui avait dit l’homme
De quoi tu parles ?
Ça commençait à mettre tout le monde mal à l’aise, ta façon de mépriser Otsira, au moins même si tu ne l’as épousé que pour prendre soin de ta fille cela ne te dispense pas de tes devoirs en tant qu’époux de prendre soin d’elle aka*
Ma yeme*, kaa dzam ye a dzô wa*, si tu peux juste m’aider parce que pour la honte, c’est bon je sature,
Dzam ese*, me n’so kikiri ye be mbo bisèn, et on s’y met, fit Ngom en prenant congé
Abiane remercia son ami, et alla admirer la case en briques de terre cuites qu’il avait faite construire. Ngom avait raison, rien ne l’obligeait à partager la couche d’Otsira, mais elle était son épouse, et à ce titre, elle avait des droits. Les ouvriers avaient bien travaillé, la cuisine aussi était terminée, Ondo Edou le fils du forgeron lui avait apporté les deux foyers qu’il lui avait commandés, et Oyane Mbeng fille de Mbeng Mezui avait déjà livrée les fumoirs qu’il avait fait faire pour la cuisine, ainsi que les quatre lits en bambous qui y serviraient de sièges.
Cela faisait plusieurs semaines que les ouvriers s’affairaient chez lui, et Abiane n’avait encore dit à personne à qui étaient destinés la case et la cuisine. Seul, son ami et confident Ngom, le savait. Les commérages allaient bon train dans le village. Certaines des épouses de ses frères, annonçaient à qui voulait les entendre, que bientôt, il allait épouser une nouvelle femme et renvoyer Otsira. Toutes ces rumeurs avaient fait le tour du village, et étaient arrivées, aux oreilles de la jeune femme.
Un soir, alors qu’il avait travaillé toute la journée, avec son ami et ses ouvriers, à défricher la surface qu’il réservait à la plantation de son épouse, Abiane, en entrant dans sa chambre pour se changer, entendit encore ces bruits étranges venant de la chambre qu’Otsira partageait avec Oloun. Mais cette fois il entendit l’enfant qui la consolait. Il se risqua à frapper à la porte :
Ma lé*, puis-je entrer ?
Owé, fit Otsira en se reprenant
Oloun s’il te plait, tu peux nous laisser un moment, dit-il en s’adressant à sa fille
L’enfant hésita en regardant Otsira s’essuyer les yeux et s’efforcer à sourire :
Oloun Keng*, ne t’en fais pas, eswa a koum kobô ma* c’est tout
Oloun s’en alla en baissant la tête, sans un regard pour son père :
Je t’en prie assieds-toi, dit Otsira en indiquant à Abiane une chaise près du lit sur lequel, elle prit place elle-même
L’homme regarda la chaise un instant, puis alla s’assoir sur le lit, près de la jeune femme :
Wa yi dzé* Otsira ? commença-t-il
Dzam ese, je ne voulais pas te déranger, elle semblait mal à l’aise d’avoir attiré son attention avec ses pleurs
Tu ne me déranges pas, ma me zou wo sili n’na ndza lé*, et j’attends une réponse,
La jeune femme se reprit. Et parut chercher ses mots un instant :
J’ai entendu dire que tu allais épouser une autre femme, et me renvoyer auprès des miens, j’étais juste triste de devoir quitter Oloun, comme tu vois, il n’y a vraiment rien de grave, assura-t-elle tête baissée
Je ne t’ai pas offert jusque-là, la vie que tu mérites, j’en suis conscient, et je n’ai pas d’excuse pour justifier ma conduite envers toi, je suis le premier à le regretter. Mais, s’il avait été question de te renvoyer chez les tiens rassures-toi, je t’en aurais parlé moi-même, Oloun et toi n’avez aucune raison de porter le deuil, dit encore Abiane en se levant
Akiba ! Fit la jeune femme
Hum hum dzam é se*, za me yene ekuna kikiri*, j’ai besoin que tu ailles faire quelques achats au marché demain, conclut Abiane en sortant de la chambre
Après le départ de son père Oloun entra dans la chambre où elle trouva Otsira toute souriante :
Nyiè, tu ris quoi ? Demanda-t-elle
eswa a tsirân ki ma, répondit Otsira
L’enfant se jeta dans ses bras et ce fut à son tour de pleurer :
Pourquoi tu pleures maintenant Oloun ? Fit la jeune femme
Je suis heureuse que tu ne sois pas obligée de partir, j’ai eu peur de rester toute seule
Tu exagère un peu, tu ne serais pas resté toute seule, tu as tes sœurs
M’a yeme ve dé, wo ne me nyiè *,
Une belle résolution, je suis sûr qu’il en sera plus heureux.