Alex se releva et rapprocha le fauteuil du canapé pour que Daniel puisse s’installer auprès d’Erm, puis il invita tout le monde à sortir pour les laisser seuls.
– Ce n’est rien, ne t’inquiètes pas, le rassura Alex. Ça arrive souvent. Lorsque la douleur devient insoutenable, le cerveau se met en veille. Elle a simplement besoin d’antalgiques et de repos.
Daniel resta là, à la contempler pendant de longues minutes comme il le faisait auparavant. Il avait pour habitude de se réveiller avant Erm et de la regardait dormir mais le visage qu’il voyait aujourd’hui n’avait plus rien à voir avec les traits apaisés qu’il devinait alors aux premières lueurs du jour. Son visage était tuméfié et arborait de larges auréoles en dégradé de bleu et de violet. Sa paupière gauche était tellement gonflée qu’il semblait impossible qu’elle puisse la garder ouverte. Il ne comptait plus les plaies sur son nez, ses pommettes, ses lèvres. Elle était méconnaissable. Son poignet droit était pris dans une attelle alors que son majeur et annulaire gauche était plâtrés. Sa cheville gauche était prise dans un plâtre jusqu’à mi-mollet, là où une genouillère venait maintenir son genou gauche et une attelle sur sa jambe droite de mi-cuisse jusqu’à la cheville. La peau de ses bras était brûlée très sérieusement. Il se rappela s’être moqué d’elle à propos de sa prétendue allergie au soleil. La vie en Arizona pendant la saison estivale était compliquée pour elle. Daniel l’appelait le succube car elle vivait la nuit. Il esquissa un léger sourire à ce souvenir. Cependant, en regardant ces brûlures, il ne trouvait plus cela très amusant.
Il ne sait pas combien de temps il est resté là, à la contempler ainsi mais lorsque sa mère vint lui apporter un verre, le jour avait commencé à décliner.
– Ça va aller, tu sais. Elle est forte.
– Je sais. Ce n’est pas ce qui m’effraie. Je sais qu’elle saura faire face.
– Et toi aussi.
– Je ne sais pas. Ça a toujours été elle la plus forte, elle qui a toujours tout géré.
– Oui parce qu’elle a toujours dû faire face seule. Aujourd’hui, tu es là et c’est ensemble que vous allez avancer. Elle va avoir besoin de toi.
– Dan … Daniel …
Au son de cette petite voix rauque, Daniel se retourna et vit Erm cligner des yeux. Il s’approcha d’elle et lui caressa le front.
– Je suis là.
Il vit des larmes couler le long de ses joues.
– Je suis désolée. Je suis tellement désolée.
– Tu n’y es pour rien. Ça va aller, je suis là.