Quelques rouges épars, je suis à mon étage, je sais bien ou je vais, c’est tout de suite à gauche. Plusieurs fois je suis passé devant en me promenant dans les couloirs, il y a une pancarte ou sont inscrits ces mots : Tenir cette porte fermée, atmosphère épurée. J’ai aperçu un jour une infirmière qui est entrée avec un badge pour ouvrir, ça a été rapide, on aurait dit des rideaux en plastique à l’intérieur, je n’ai rien vu de plus.
Je ne sais pas qui il est, je ne l’ai jamais vu je ne le connais pas, mais il est quelque part au fond de la mémoire d’un rêve, son dernier souvenir celui d’un accident. J’entre tout doucement, je sens déjà sa peine, je sais que ce n’est pas comme ceux que je visite, pas le son, pas l’image, mais quelque chose qui pénètre comme si je respirais un air aux relents tristes.
Je ne sais pas ce que c’est être mort, mais j’ai lu que coma est souvent accolé avec mort cérébrale. Je n’ai pas bien compris, mais j’ai gardé des mots qui parlent de conscience, d’hémisphères incapables sans assistance technique, d’état végétatif en attente d’un passage, du mot artificiel qui s’oppose à nature, j’ai vraiment tenté de tout comprendre, mais ça me semble encore au-delà.
J’ose une petite lumière comme lors de mes passages, je n’ai pas le temps d’attendre, tout le noir s’illumine, on sait que je suis là, la carcasse apparaît au milieu, encore la même réponse. Cette fois je m’avance à côté des débris, je fouille dans ma pensée pour trouver mon image, je m’apporte une chaise et je m’assieds dessus, je forme un autre siège et une table entre deux, je n’ai rien trouvé mieux pour montrer que je sais qu’il est là et j’attends un petit peu.
Je crois que je me trompe, on dirait simplement la dernière impression d’un rêve qui n’est plus, l’enveloppe est toujours là, mais il n’y a plus rien, je sens toujours la peine qui imprègne le lieu, j’avoue ne pas comprendre, je n’ai pas encore assez d’expériences de voyages, je veux aller trop vite.
Je m’apprête à partir, je n’ai plus rien à faire, la voiture disparaît, j’ai un léger recul, je crois qu’il y a quelqu’un ou bien c’est un hasard, c’est vrai que je n’ai jamais su combien dure un rêve, il va falloir que je mette mon ami à contribution.
Deux nouveaux sièges apparaissent autour de la table, je ne saisis pas bien, mais je comprends qu’un échange se fait, quelque chose se passe, moi un gamin dans un rêve d’adulte, mais je teste mes limites, je prends de temps en temps des nouvelles de mon corps, j’ai encore de la marge mon cordon me le dit.
Rien ne bouge pour l’instant, il faut sans doute que je réponde, je mets une carafe d’eau et trois verres sur la table, je n’ai aucunes idées de la suite à donner, je fais n’importe quoi.
J’attends encore un peu, un gâteau sur la table, une bouteille de mousseux et trois flûtes à champagne, ou ce que je suppose.
Comme dans un jeu de cartes, c’est à moi de donner, je vire mes créations je fabrique des cadeaux, on dirait qu’il me montre qu’on fête notre rencontre.
Il rajoute des bouteilles, normal c’est un adulte, je ne bois pas d’alcool, même si tout est fictif, je crée un jus d’orange pour qu’il comprenne mon âge.
Il y a quand même quelque chose que je ne saisis pas, je lui montre mon image, ça me demande un certain effort je le sens, mais pourquoi ne crée-t-il pas des personnes, tous les autre le font, j’avoue que je sèche un peu, si c’est une fête, et qu’il me montre qu’on est plusieurs, il n’a qu’à faire une scène complète.
Tout ce qui est à lui disparaît, j’attends encore un peu, je sens que plus loin mon corps commence à souffrir, je ne vais pas rester trop longtemps, je suis bien conscient qu’apporter des choses fatigue énormément.
J’efface tout ce que j’ai fait, moi compris pour lui montrer que je dois partir, je ne laisse qu’une étincelle, en supposant qu’il comprenne, ça me donne un petit délai, je sens mes battements légèrement se calmer, mais mon cordon commence à s’affoler, je ne peux pas rester plus longtemps, il n’a pas l’air de répondre.
Trois verres renversés par terre, ou sur ce qu’il tient lieu de sol, un volant tout tordu, je viens soudainement de comprendre, pas pour le peu de choses qu’il me montre, mais les raisons de l’accident. Mon corps s’affole en bas, j’entends des pas dans le couloir, j’aperçois vaguement la porte de ma chambre qui s’ouvre, j’entends des pas qui courent encore plus loin, je crois que mon corps s’évanouit de fatigue.