Les Elémentaux – Chapitre 4 : Mutants et surnaturels

8 mins

« Bienvenu dans le quartier le moins accueillant de Lyon » se disait Ethan devant l’immeuble indiqué par le bout de papier qu’on lui avait découpé.

Bâtiment délabré, décrépis avec les fenêtres du sixième et dernier étage condamnées. Des baskets patientaient sur le rebord de l’une de l’étage en dessous, un étendage présentait des sous-vêtements gouttant, des cris sortaient d’une fenêtre ouverte et un chien jappait au premier. Ethan vérifia son pense-bête avant de rentrer en soupirant. Dans le hall, l’ascenseur du siècle dernier affichait « Hors-service », il prit donc les escaliers. Au quatrième étage, il chercha l’interrupteur et l’actionna, non sans difficultés. La lumière vint tout de même après trois tentatives vouées à l’échec, dans un grésillement de néon qui persista.

« Louis Vaut, Louis Vaut, Louis Vaut » répétait-il en arpentant le couloir à l’affût des noms aux portes. Il aurait très bien pu le louper comme certaines portes ne contenaient pas d’étiquette mais il finit par le trouver. « Louis Vaut » suivit d’une grosse rature noire cachant le nom d’un ex-colocataire. Ethan se posta devant et frappa trois coups nets. Aucune réponse. Il attendit un peu avant de recommencer. Toujours rien. « Bon, je n’ai pas que ça à faire. » il frappa cette fois non pas avec ses phalanges mais avec son poing. « Monsieur Louis Vaut ! J’aimerai vous parler un instant. C’est important. » toujours aucun son ne sortait de l’appartement pourtant il était persuadé qu’il était occupé. « Ce n’est pas la police » rassura-t-il.

« Bon ! Monsieur Vaut, si vous n’ouvrez pas je rentrerai par mes propres moyens, je veux juste vous faire une offre d’emploi mais je ne peux pas la crier dans le couloir à travers la porte ! »

Autour de lui, des têtes commençaient à émerger par les encadrements, des curieux à l’affût du bruit. Ethan était sur le point de les envoyer bouler quand la porte s’ouvrit à la voler et le propriétaire bouscula Ethan pour s’enfuir.

« Ho merde ! »

Il le poursuivit aussitôt tout en le hélant de s’arrêter. Une fois dans la rue Ethan prit conscience de la vitesse du fugueur. Il avait gagné du terrain et prenait encore de la distance.

-Arrêtez ! Mais arrêtez ! S’essoufflait Ethan en regrettant la foule qui l’empêchait d’utiliser ses pouvoirs.

-Ça ne sert à rien, vous allez vous épuiser tout seul, croyez-moi ! Arrêtez-vous, qu’on discute !

-Foutez-moi la paix ! Arrêtez de me suivre !

Enfin une réponse ! Ethan accéléra mais la vitesse n’était pas son fort, en fait il était même plutôt lourd. Il ne pouvait que compter sur son endurance dû à sa pierre ou au bon sens du fuyant.

-Je ne suis pas votre ennemi, je veux juste parler. …Proposition d’emploi ! …Protection ! …Confidentiel ! …Mais MERDE ! ARRETEZ-VOUS !

  ∞∞∞ ∞∞

Halica était sur le palier d’une villa en banlieue lyonnaise. Une Alfa-Roméo rouge était garée dans l’allée, devant le garage fermé. Un gazon parfaitement entretenu séparait la villa de la rue, encerclé par des barrières blanches en plastique. La villa était montée d’un étage avec toit en triangle et tuiles sans sortie de cheminée. La porte noire sans fenêtre affichait le numéro de l’adresse à hauteur de tête.

Halica revérifia l’adresse que Arduinna lui avait gribouillé sur un bout de papier et les informations sur l’individu à recruter. « Gabriel Desjaint, né le 6 avril 1969, France. Mutant à pouvoirs empathiques ».

Elle appuya sur le bouton de la sonnette et attendit que la porte s’ouvre.

-C’est pour quoi ? Demanda l’homme dans l’embrasure, l’air méfiant.

-Halica Jay, se présenta-t-elle en lui tendant la main, bien qu’elle détestât cette mesure mais cela effaçait ainsi la distance.

Il sortit de l’ombre sans pour autant lui serrer la main.

-C’est pour quoi ? Insista-t-il.

Halica sourit, elle l’appréciait déjà, il ne se démontait pas. Elle décida de foncer dans le tas.

-Je sais pour vos pouvoirs. Vous êtes un empathe. Ce qui signifie que vous contrôlez et manipulez les émotions d’autrui. Vos capacités sont dues à une modification bien spécifique de votre ADN, un gène bien particulier. Vous êtes un mutant.

-Vous en avez beaucoup des insultes aussi bien formées ?

-Ne le prenez pas comme ça.

Halica présenta sa main, paume en l’air au-dessus de laquelle elle fit danser des flocons.

-J’étais sérieuse et je serais bien la dernière à penser que vous êtes une anomalie. J’aurai même plutôt tendance à dire que vous êtes spécial.

-J’aurai tendance à être d’accord mais est-ce que vous me draguez ?

-Quoi ?! Non ! Tous les différents sont spéciaux. Ils sont parfaits même !

-“Et les humains sont des êtres inférieurs.” J’ai déjà entendu ces paroles plusieurs fois et je suis navré de vous décevoir, je ne suis pas un extrémiste.

-C’est drôle j’en doutais. Bien que je ne sous-entendisse pas du tout cela ! Se rattrapa-t-elle.

Elle jeta un regard circulaire sur l’habitation.

-Cette maison appartient aux Chassignol depuis plus de 6 ans. Elle a vu grandir leur benjamin Bastien et vu partir leur aînée Christine pour les études. Ils avaient enfin finis de payer le crédit et vivaient une vie tranquille, en phase avec le voisinage, jusqu’à il y a 2 mois, quand on n’entendit plus parler d’eux. Ils disparurent de la circulation. Dites-moi, Monsieur Desjaint, vous ne les retenez pas en otage tout de même ?

Il esquissa un rictus et se détendit.

-Vous voulez fouiller la maison ?

-Non merci, j’ai d’autres manières de gaspiller mon temps. De toute façon je devine assez facilement ce qui a dû se passer.

-Tiens donc…

-Vous êtes arrivé à leur porte, tout charmant que vous êtes et leur avez intimés de vous faire entrer. Grâce à vos pouvoirs, ils ont accepté avec plaisir, c’était même peut-être leur idée. Ils vous ont offert le café, vous avez vaguement discuté des avantages du quartier isolé et discret et avez décidé que cette maison était parfaite pour l’une de vos planques annuelles. Ensuite, vous leur avez fait comprendre qu’ils seraient mieux ailleurs, dans une autre ville, et de quitter leur vie en un claquement de doigts. Ils ont très certainement trouvé cela excitant et sont partis sur le champ, vous laissant la maison et … la voiture ? Non bien au-dessus de leurs moyens. Encore un trophée de vos talents. Je suppose aussi que tout est à votre nom et donc dans la légalité.

-Vous avez presque tout juste.

-Ah oui ? Où me suis-je trompée ?

-Ce n’était pas un café, mais un thé.

Il sourit et Halica le sentit plus coopératif. La déduction l’avait amusé.

-Qu’est-ce que vous voulez déjà ?

-Vous offrir un travail. Grassement payé par le gouvernement français.

-Un job dans la fonction publique ? Alors que je peux avoir tout ce que je désire sans le moindre effort ? Pourquoi accepterais-je ?

-Ce doit être ennuyeux… d’avoir tout à ses pieds. La vie de prince, vraiment je ne l’envie pas. Nous, nous nous battons, nous sauvons des vies et arrêtons des criminels. Alors je sais, ça fait très cliché mais au moins nous avons trouvé un moyen de nous défouler, d’utiliser nos pouvoirs, légalement.

-Et Dieu sait que c’est difficile.

-Alors ? Intéressé ?

-C’est vrai que… la vie est d’un ennui…

-C’est un risque en effet.

-Combien est-ce payé ?

  ∞∞∞ ∞∞

Arduinna était restée au QG et remplissait les piles de documents que lui avait donné le colonel Loptr. Un futur employé lui avait tout de même été confié, un vampire de plus de deux cents ans qui travaillait dans une boite de nuit. Contrairement aux autres candidats, il ne vivait pas seul et recrut. Il avait fait sa vie, avait une famille et un travail. Arduinna préféra donc l’appeler avant de débarquer sur son porche.

A la deuxième tonalité, une petite voix décrocha

-Allô, la famille Czuba à l’appareil.

-Bonjours, jeune homme. Ton papa est-il à la maison ?

-Oui.

S’en suivit un cri suraigu qui parasita le micro, puis une voix plus grave et nettement moins coopérative.

-C’est pourquoi ?

Arduinna lui expliqua le projet de réhabilitation des différents et la proposition de l’armée de fonder une section composée des surnaturels, les mutants et les élémentaux.

Elle lui parla de la rémunération et des conditions de travail ainsi que de l’équipe avec laquelle il fallait travailler. Elle comprenait néanmoins qu’il choisisse de refuser car les missions pouvaient être dangereuses et il était responsable de sa famille.

Arduinna n’aurait jamais accepté de l’embaucher s’il n’avait eu autant d’expérience de vie. Peu d’entre eux étaient né au 18e siècle (mis à part Ash qui était toujours absent). Ils avaient besoin d’une telle expérience dans l’équipe.

Il demanda du temps pour réfléchir à la proposition mais appela dans le quart d’heure pour accepter. Arduinna n’avait même pas eu à se déplacer, ce qui l’arrangeait grandement. Elle lui indiqua toutes les informations nécessaires à sa venue et il promit de quitter son travail actuel après vérification de l’authenticité du contrat de travail.

Elle s’attela ensuite à organiser le lieu de travail et les règlements intérieur et extérieur. Une grande partie lui avait été transmise par le gouvernement, elle commençait à percevoir les fers qui lui maintenaient les bras.

Halica et Gabriel arrivèrent en premier. Le mutant jugea la salle d’un regard circulaire et se présenta à distance à Arduinna.

-Alors c’est ici.

-Bienvenu à la base, dit Arduinna en se levant. Au QG… nous n’avons pas encore trouver de nom.

-La poubelle ? La bicoque ? …

-Merci, ça ira comme ça.

-La cabane, lâcha tout naturellement Halica.

Arduinna sourit.

-C’est pas mal, on pourrait le garder.

-Où sont les autres ? Demanda Gabriel.

-Ils ne devraient plus tarder.

-Combien de temps allons-nous attendre ?

-La patience est une vertu dont il faudra vous munir monsieur Desjaint.

-Je vous en prie appelez-moi Gabriel, répliqua-t-il, faussement poli.

-I’m bored already, lâcha Halica dans un soupir.

-Vous parlez anglais ? J’étais sûr que vous étiez anglaise ! Quelque chose dans votre stature.

Arduinna le regarda sans comprendre puis se retourna vers sa comparse avec un sourire d’amusement.

-Qu’est-ce qui est drôle ? Je ne suis pas raciste, se défendit-il immédiatement.

-Si vous avez entendu Halica parler anglais c’est qu’elle l’a voulu. Les élémentaux sont munis d’un traducteur universel fixé à leur ADN. Oui elle est anglaise mais a toujours utilisé sa langue natale. Je ris car elle est la seule élémentale que je connaisse à bloquer son traducteur pour certaines phrases ou mots à des « non-élémentaux ». La plupart du temps c’est pour se moquer.

-Je ne me moquais pas.

-Un traducteur universel !? Wow… ça, c’est extrêmement pratique. Moi je dois apprendre une langue pour en contrôler les utilisateurs.

Quelques minutes plus tard, Ethan arriva avec son candidat, les deux semblaient essoufflés.

-Pas la peine de courir, il faut partir à point, répliqua l’empathe.

Reprenant son souffle, Ethan lui lança un regard de travers.

-Pardon ?

-La Fontaine.

-Et bien quoi ?

-C’est la morale d’une des fables de la Fontaine. « Le lièvre et la tortue ». Cela signifie …

-J’ai compris. Je n’ai juste pas la référence, je ne suis pas français et pas de ce siècle. Et vous seriez en retard vous aussi si vous aviez eu à courir après un jeune loup tout en lui hurlant dessus.

-Tu n’as pas crié notre mission en pleine rue ? S’inquiéta Halica.

-Non, bien sûr. Je l’ai rattrapé d’abord. Et ensuite il m’a écouté.

-Il a ouvert une portière de bagnole juste devant moi. Je me la suis pris en pleine poire ! Ensuite, pour que je l’écoute, il me l’a enroulé autour des bras et m’a transporté jusque dans une ruelle. J’en ai vu des caïds mais le vôtre, c’est un rigolo, on dirait qu’il sait pas ce qu’il fait, qu’il joue un rôle.

-Oui bah ça va !

-Wow.

Halica, yeux ronds, digérait difficilement le langage du nouveau, fort différent de celui de son environnement natal.

Amusée, Arduinna lui tapa amicalement l’épaule.

-Bienvenu au quartier général de … notre groupe. On vous fera faire le tour quand vous serez tous réunis.

-Le tour sera vite fait, répliqua Gabriel.

-Et bien je vois qu’on n’est même pas les derniers ! S’exclama Ethan les mains sur les hanches, fière de lui.

-On s’est dépêché pour rien, grogna Louis.

-T’as pas fait grand-chose. C’est moi qui ai créé, conduis et boosté la moto, lui rappela Ethan, tandis que son visage et ses bras se couvraient de métal.

La nouvelle équipe était réunie et ce fut le moment que le colonel Loptr choisis pour faire son entrée. Il traversa le groupe pour en être l’épicentre. Il avait ce sourire qui mettait à l’aise n’importe qui en sa présence. Cet homme paraissait si gentil et attentionné, qu’on en venait à se demander comment il avait pu devenir militaire.

-Bienvenu aux petits nouveaux. La « Team » est réunie. Il se tourna vers Halica et l’empêcha de l’interrompre en mentionnant l’absence de Ash, actuellement au Japon.

-Mais ce n’est pas grave, je suis sûr qu’il rattrapera vite son retard. Maintenant, j’aimerai vous assigner votre toute première mission.

Il tendit un dossier à Arduinna sans quitter le groupe du regard.

-Tout est expliqué dedans. Je m’excuse de ne pas pouvoir vous la présenter moi-même mais mon emploi-du-temps est extrêmement chargé en ce moment. Je reviendrai pour mieux me présenter, il est normal que vous me connaissiez aussi bien que je vous connais.

Il sourit et les coins de ses yeux bleus plissèrent. Après un salut, il repartit sans un mot de plus.

-Cinq comateux ont été retrouvés dans des ruelles à Lyon 8, résuma Arduinna après une rapide lecture. Les victimes présentent toutes les mêmes symptômes : état stationnaire sans aucune réaction cérébrale. Leurs yeux sont ouverts et leur respiration et rythme cardiaque lents.

-Comme s’ils dormaient, commenta Gofic Czuba.

-Comme si l’esprit avait quitté le corps. Ce sont des légumes, lança Gabriel. Ça n’aurait pas paru suspect s’ils n’en avaient pas retrouvé cinq.

-Dans des ruelles, ajouta Halica.

-On commence par visiter les victimes à l’hôpital qui les a recueillis, suggéra Ethan.

No account yet? Register

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Lire

Plonge dans un océan de mots, explore des mondes imaginaires et découvre des histoires captivantes qui éveilleront ton esprit. Laisse la magie des pages t’emporter vers des horizons infinis de connaissances et d’émotions.

Écrire

Libère ta créativité, exprime tes pensées les plus profondes et donne vie à tes idées. Avec WikiPen, ta plume devient une baguette magique, te permettant de créer des univers uniques et de partager ta voix avec le monde.

Intéragir

Connecte-toi avec une communauté de passionnés, échange des idées, reçois des commentaires constructifs et partage tes impressions.

0
Exprimez-vous dans les commentairesx