UN — ALEXANDRE
– Vous comprenez, leurs parents sont morts. Il a eu une enfance difficile.
« Une enfance difficile », j’avais entendu cette phrase tellement de fois que j’en ferais des cauchemars si des images plus atroces ne hantaient pas déjà mes rêves. Cette phrase était comme un code secret que seuls les adultes pouvaient comprendre, qui signifiait en réalité « Il n’est plus lui-même, il n’est responsable de rien » et qui suscitait une pitié immédiate.
D’habitude, l’adulte répond : « Je comprends ». Cette formulation aussi je la détestais. Personne ne pouvait comprendre ! Personne qui n’avait pas vécu ce que mon frère et moi avons subi ne pouvait comprendre. Les personnes qui comprenaient n’avaient pas besoin de le dire, je le voyais dans leurs yeux, cette marque de souffrance et de compassion, pas de pitié juste de la compassion compréhensive.
Et la directrice ne dit rien, mais je vis dans son regard qu’elle faisait partie des rares personnes qui pouvait me comprendre. Elle hocha la tête.
– Vous pensez être capable de vous en occuper, de supporter les… problèmes qu’il pourrait causer ?
Et la question habituelle que Mme Mousset posait à chaque rendez-vous, une question pleine d’espoir qui se teintait à chaque fois d’un peu plus de résignation.
La directrice me toisa, cette fois il n’y avait plus de compassion dans son regard, elle m’évaluait. Elle estimait les dégâts que je pourrais causer à son collège, les enfants qui pourraient ne pas sortir indemne de mes crise de stress, les professeurs qui pourraient faire une dépression face à mon mutisme. Je levai la tête pour la défier du regard : « Alors qu’est-ce que tu en penses ? Suis-je une assez bonne bête pour rentrer dans ton troupeau ? ». Son visage d’ange resta de marbre. Et après plusieurs minutes de ce manège, elle se décida à répondre :
– Je pense qu’il pourrait y avoir une place pour lui dans mon collège.
Mme Mousset n’en revenait pas. Nous étions passés dans cinq collège de la région et tous avaient refusé.
– Merci beaucoup, balbutia-t-elle.
Sébastien, mon frère, me regarda avec enthousiasme, la première phase de notre plan était enfin réussie. Il ne nous restait plus qu’à trouver un logement et un travail pour Sébastien. Il avait été vraiment inquiet de trouver un collège qui pouvait assurer ma scolarité, car notre père disait toujours qu’une bonne scolarité pouvait former un homme.
Sébastien, comme tous les grands frères, était très grand, il était mince mais son visage était rond, ses yeux bleus qui avaient toujours été rayonnants étaient désormais ternis par le souffrance, mais ses cheveux blonds étaient toujours aussi bien coiffés.
Mme Mousset me regarda aussi, avec soulagement. C’était une femme imposante, sa chevelure brune était souvent en bataille mais elle avait toujours le sourire. Elle soutenait notre projet depuis le début mais elle avait eu peur de ne pas réussir, elle avait accepté de faire six fois le trajet Annecy-Paris pour nous aider. Depuis la mort de nos parents, elle s’occupait de nous un peu comme une mère, mais la directrice de l’orphelinat où nous avons échoué désapprouvait son comportement qui, selon elle, serait trop maternel, car l’Orphelinat St Hedwige prônait qu’il rendait les orphelins forts et intelligents.
Cela faisait maintenant cinq ans que nous vivions dans cet orphelinat perdu dans les Alpes, mais plus pour longtemps car Sébastien venait d’avoir vingts ans et il avait décidé de trouver un travail pour qu’on puisse vivre tous les deux. On avait décidé de venir dans la région parisienne car il y a plus de travail et pour s’éloigner du lieu de la mort de nos parents.
– Tu vois Alexandre, je t’avais dit qu’on trouverait un collège qui veut bien de toi, dit Mme Mousset.
– Oui, mais attention, à la moindre incartade je devrais te punir, me prévint Mme Stern, la directrice.
Je hochai la tête. Je connaissais les risques : j’allais être nouveau dans une classe de 3e en plein mois de janvier, mais je ne regrettais pas mon choix. Enfin pas pour l’instant…
Une histoire bouleversante ( juste un tout petit petit peu décus pas la suite mais bon.
Je ne sais comment mais on se retrouve happé par l’histoire. Le lecteur se reconnait dans ce personnage principal, incompris par les adultes.
Merci beaucoup A.C. Crossway, je suis très contente que ça vous touche autant. C’est une histoire fictive (heureusement pour moi) et j’avais peur de ne pas bien restituer les sentiments d’un adolescent orphelin et malheureux, donc je suis rassurée par ce que vous me dites.