DIX-NEUF — ALEXANDRE (suite)
Cela faisait presque une heure que je rêvassais et un coup à la porte me fit sursauter. J’allai ouvrir. C’était le propriétaire de l’appartement.
– Bonjour, dit-il. Je peux entrer ? J’ai plusieurs chose à vous dire.
Le vouvoiement me perturba mais je le laissai entrer. Il s’assit sur le canapé.
– Je suis désolé de venir vous importuner dans un moment si tragique, commença-t-il, mais je dois m’assurer que le loyer sera payer.
Ah. Il s’en fichait que mon frère soit mort, il voulait juste son argent. J’allais devoir jouer mon numéro d’adulte mature, j’aimais bien faire ça. Je faisais du théâtre lorsque j’étais plus jeune et j’avais un talent pour jouer des personnages plus âgés.
– Effectivement, vous n’arrivez pas au bon moment, dis-je.
Il me regarda, un peu effrayé. Malgré mon jeune âge, j’avais une voix très rauque et j’aimais l’accentuer pour faire comprendre aux adultes que je ne me laissais pas faire.
– Je vous avoue que je vais avoir des problèmes financier, continuai-je, feignant de ne pas avoir remarquer son trouble. Mais une amie pourrait être en mesure de m’aider.
– Ah. Dans ce cas nous n’avons pas de problème.
Je fis une grimace d’homme d’affaire en difficulté. Et j’accentuais sur le grave de ma voix.
– Je crains qu’elle ne puisse pas m’aider dans l’immédiat. Si vous pouviez me laisser deux semaines dans l’appartement sans frais, cela m’arrangerais vraiment. Vous comprenez, tout est arrivé si vite, je ne pouvais rien prévoir.
D’ordinaire, je détestais que les gens aient pitié de moi, surtout les adultes mais là, c’était une situation d’urgence. Et je crois qu’il me considérait comme un adulte mature alors on pouvait s’entendre.
Il réfléchit.
– Oui, je comprends, dit-il finalement.
Non, tu ne comprends pas, imbécile. Mais je ne fis aucune remarque.
– Je crois que je pourrait effectivement vous laisser l’appartement pendant dix jours sans frais. Mais pas un jour de plus.
Il avait réduit le délai que j’avais demandé mais dix jours devraient suffire, il faudrait que cela suffise.
– Évidement, pas un jour de plus. Je n’oserais pas abuser de votre gentillesse. Merci beaucoup, je vous suis très redevable.
Il hocha la tête, me salua, et s’en alla.
J’envoyai un message à Maëlle : J’ai obtenu un délai de dix jours, mais pas un de plus.