CONTIENT DU CONTENU SUSCEPTIBLE DE HEURTER LES PLUS JEUNES. PAS DE PORNO (ON EST PAS AU BOIS DE BOULOGNE ICI ! ( à qui aura la référence)) MAIS MENTION TRES FREQUENTE DE FOLIE ET DE MEURTRES.
Notre récit se passe dans une petite bergerie du sud de la France, un jour d’hiver venteux.
Un jour, un mouton nommé Bouclette posa la question suivante à son congénère Bilbo:
“Eh, pourquoi on laisse le fermier nous enfermer ici alors que dehors, y’a grave plus de bouffe ?”
L’autre mâcha son herbe, inspira calmement, puis déclara, méprisant:
“Mais mec, tu réfléchis pas comme il faut, tu sais. Regardes, ici l’herbe est toujours verte, il y a de beaux trèfles, aucun danger, si on a un souci, le chien nous protège, et puis tout de façon, ceux qui se rebellent, c’est des cons, voilà, ils voient pas que dehors, y’a rien de bon qui nous attend ?”
“Ouais, mais comment tu peux l’affirmer ? Tu as déjà été dehors ?”
“Pardi non, mais j’ai entendu d’autres moutons en parler ! Et tu sais, ça reste entre nous hein, mais le Grand Fameux Suprême a crié que la prochaine fois, à qui ferait quelque chose d’interdit, il lui foutrait trois plombs dans la tête et pan pan cul cul !”
“Mais, vu que tu ne connais pas ce qu’il y a dehors, tu ne peux pas dire que ce soit mal, non ?”
“Mais siiii ! Si le berger le dit, c’est qu’il a raison !”
“Donc, s’il dit qu’il faut se jeter du pont, on doit le faire ?”
“Evidemment. C’est idiot comme question. C’est comme si je te disais qu’il faut manger pour vivre, ou que le blé ne pousse pas sur les arbres.”
“Mais, je ne sais pas, ne sommes-nous pas des êtres à part entière ? Je suis certain qu’on vaut plus que ça !”
“Oui, bien sûr, tu n’as pas tort ! Mais les règles sont les règles ! Qu’est-ce que tu veux y faire, c’est la vie ! “
“Mais les règles n’ont pas forcément toujours raison d’exister ?”
“Complotifte !”
“Mais…”
“Oui, complotifte. Pourquoi tu t’embêtes autant ?! Y’a des règles, tu les suis t’es heureux, tu les suis pas t’es un fasciste complotifte. C’est simple, non ? Il faut apprendre à réfléchir, à avoir de l’esprit critique. Mais je sais pas si tu connais ce mot, tout de façon, vu comme t’es retardé…”
“Je ne sais pas si tu as les preuves suffisantes de-“
Bouclette fut interrompu violemment par son camarade.
“dire que toutes les règles sont justes ? On connaît par cœur le discours de mec d’extrême-droite, hein, pas besoin de finir ta phrase. Et tu vas aussi me dire que l’herbe est plus verte dehors ? Mais dehors, y’a juste d’autres enclos, avec d’autres moutons.”
Bouclette ravala sa frustration. Il n’allait pas du tout dire que toutes les règles n’étaient pas justes, pour une fois. D’un ton amer, il poursuivit:
“Mais justement, pourquoi ça serait pas mieux là-bas ?”
“Bon sang, Bouclette, mais tu ne sais pas ce que sont des moutons déviants ?”
“Quoi, mais je croyais que c’était mal de dire ça ?!”
Bouclette en restait coi.
“Oooh, tu me diras pas ce baratin comme eux, non ?! Bien sûr qu’ils sont mauvais, ils sont complotistes, ils sont mi-so-gy-nes, ils sont ra-cis-tes, ils sont an-ti-sé-mi-tes ! Leur chef est un taré complet, Zoumagne qu’il se nomme ! Un pervers complet, avec des idées de com-plo-tif-te violentes !” fulmina Bilbo en trépignant de rage.
“Mais, pourquoi tu es autant en colère ? C’est pas un mouton comme nous ?”
“Oui, mais non ! Ce genre-là, c’est des pervers narcissiques ! Des pédophiles !”
“Mais tu sais rien de lui ?!”
“Mais on s’en fout ! L’important, c’est que c’est l’opinion majoritaire, donc c’est la VERITE.” affirma Bilbo d’un ton catégorique, qui ne laissait place à aucune opposition.
“Mais c’est la majorité juste ici, non ? Dehors, ils sont peut-être nombreux à ne pas le penser.” tenta Bouclette. Il ne voulait pas finir la discussion aussi rapidement, il était bien trop curieux.
“Non, non, ils pensent pareils.”
“Et si jamais je leur demande, tu fais quoi ? Je dis ça sur le ton de la blague, que cela soit dit. ” Bouclette était complètement ironique.
“J’appelle le berger, pardi. Blague ou pas blague. ”
Bilbo était tout ce qu’il y a de plus sérieux.
“Quoi ?! Mais ne sommes-nous pas amis ?”
Bouclette s’en trouvait choqué et déçu.
“Ouais, mais si tu fais ça, ça veut dire que tu sympathises avec l’extrême-droite, donc tu deviens un danger pour l’équilibre national.” fit l’autre d’un air qui voulait tout dire, mais rien dire.
“Mais appeler le berger, c’est pas un peu trop ? Et puis on n’est même pas une nation, juste des moutons…”
“Non, vu qu’il détient la vérité absolue. Et si, on est une nation, Bouclette, la nation Mouton. “
“Bon j’abandonne pour ces histoires de nation… mais s’il vous paye pour me casser la figure, vous le feriez ?”
L’autre marqua une pause, fit tourner ses méninges, et déclara honnêtement:
“Tout dépend de ce qui est posé sur la table.”
“Tu tiens à moi, donc ?” Bouclette avait trop d’espoir.
“Je tiens à ma famille. Ici, personne n’est ami, Bouclette. En tout cas, pas avec toi, vu que tu es complètement fou.” Bouclette avait vraiment eu trop d’espoir.
“Mais… Mais pourquoi je suis sensé être fou ?”
“Ah ça… Attends, le Grand Fameux Suprême arrive !” Bilbo ne voulait vraiment plus du tout discuter avec lui, et cette excuse lui permettait de fuir.
Tous les moutons se dirigèrent dans une horde de bêlements vers le Berger qui, la tête grisonnante, les dents serrées, un air sérieux sur la tête, semblait les jauger comme des morceaux de viande.
“Oui, elles sont encore trop jeunes, pour la majorité. Dis, Bob’, tu veux lesquels ?”
Le dénommé ”Bob” s’approcha de l’enclos. Il devait avoir dans la trentaine, arborait une grosse barbe brune qui lui descendait jusqu’au nombril, et avait la carrure idéale d’un videur de boîte de nuit. Ce dernier désigna Bilbo et son voisin, et déclara:
“Eux.”
“Bon, ça marche. On fait ça quand ?”
“Aujourd’hui, ça te va ?”
Le Berger se gratta la tête d’un air ennuyé, puis il parut réfléchir, et finalement, une petite ampoule apparut à côté de sa tête. Il répondit:
“Ouais, ouais, laisses-moi juste te les capturer et on démarre. Mais va falloir faire bien vite, par contre, parce que je dois débroussailler mes champs estivaux après… Mais t’es sûr que tu veux pas, disons, ceux-là (il désigna alors Bouclette et un de l’enclos complotiste) ? C’est que j’en ai plein, des moutons…”
“Non. Le premier, là, il est beau, il est beau, mais il est beaucoup trop mignon, j’aurais de la peine pour lui s’il finissait dans mon assiette. Et puis, celui dans l’autre enclos, il est trop vieux, il est bien gras mais il m’a l’air très usé, sa viande aura pas bon goût.” ”Bob” réfléchit encore un petit instant, puis ajouta:
“Je te prends ceux dont je t’ai parlé de base, mec. Tout de façon, soit je les prends, soit c’est l’abattoir de mon frère. Après, fais comme tu veux. C’est tes moutons. “
“Bon, bon, ça marche. Allez, je reviens, attends-moi là.” s’empressa de dire le Berger.
Bouclette avait comprit cet échange, et sa gravité. Il regarda Bilbo, et lui cria, désespérément:
“Bouges, Bilbo, bouges ! Ils vont te capturer et te faire du mal !”
“Mais t’es complètement con, Bouclette ?! Il va nous apporter la salvation, pourquoi je bougerais ? T’es jaloux, hein, t’es jaloux ? Je le savais tout de façon. C’est toujours pareil avec ta famille. “
“Mais ils vont te crever, toi et France !”
“Mais tu racontes encore une fois n’importe quoi, Bouclette, comme toujours ! Comme ton père, encore un ! Faut pas s’étonner qu’il se soit fait piétiné à mort, il l’a cherché ! ” s’exclama Bilbo, avant de dire méchamment:
“Et ta mère, elle t’a jamais appris à réfléchir avant de parler ? Oups, pardon, j’avais oublié qu’elle t’avait ABANDONNE à ta naissance parce que tu es PITOYABLE. “
Bouclette reçut cette phrase en pleine face. Quelle ordure ! Mais quelle ordure, ce type ! Puisque c’était comme ça, il allait le laisser y aller sans même bouger le petit doigt. Pour avoir insulté son feu père Gilles et feu Mère , il méritait de recevoir la ”salvation”, comme il l’appelle. Il aurait même bien voulu lui apporter lui-même, s’il avait pu…
Le berger rentra dans l’enclos, et il prit Bilbo par la corne, sans ménagement. Celui-ci s’exclama:
“Grand Fameux, que faites-vous ? Enfin, est-ce donc ceci, les sensations apportées par la salvation ?”
“Bilbo, courage.” souffla Bouclette.
Bilbo fut traîné à terre. Au bout d’un instant, il commença à crier en pleurnichant:
“Tu me fais mal ! Tu me fais maaaal ! Est-ce que c’est ça, la liberté ? J’ai plus envie d’être libre ! Laisses-moi tranquille ! Nooon ! Je ne veux plus être sauvé ! Apportes-la à un autre ! ”
Mais le berger était impassible, et le traînait à terre sans aucune empathie.
Et tandis qu’il s’éloignait en pleurotant, les autres avaient déjà repris leur position habituelle de manger sans réfléchir. La bonne pâtée, gagnée sans effort, la même vie lasse, monotone, habituelle. Les mêmes discussions sur la dernière grippe ovine, avec sa cinquième vague en deux ans.
Les mêmes débats politiques, à qui sera le prochain chef mouton entre Pâquerette et Macaron. Qui sera promu à porteur de cloches, et abordera fièrement son accessoire en disant qu’il est désormais chef de troupeau ?
Aucun débat avec de la substance, toujours la même pâtée prémâchée et recyclée. Les mêmes arguments bidons qu’il y a trois ans.
Dans l’enclos à côté, ils semblaient colériques, haineux, frustrés, fatigués de toutes ces discussions ennuyeuses et répétitives.
Mais ce qui semblait étrange, c’était les atmosphères. Dans leur enclos, c’était certes colérique, mais il n’y avait pas de tension dans leurs débats. Ils s’écoutaient parler, ils parlaient sans gêne de sujets tabous.
Ils étaient nombreux. Des agneaux, des brebis toutes jeunes et toutes vielles, beaucoup de jeunes béliers fougueux. Il y avait quelques infiltrés de l’enclos de Bouclette dans leur troupe. Ils devaient être là-bas pour semer la zizanie.
Tandis que notre mouton pensait à ces gens, il entendit le sol trembler trois fois. Paf. Paf. Paf. L’hangar ne tremblait pas, mais Bouclette oui. Il savait ce qu’il se produisait là-bas, et il ne pouvait s’empêcher de trembler de peur, de pleurer seul dans son coin. Il était seul sain dans un groupe de gens fous. Et c’était encore lui le fou.
Bouclette avait quarante mois, soit un peu plus de trois ans. Il n’avait encore eu aucun enfant, mais c’est parce qu’aucune brebis n’avait voulu de lui. Sa mère était morte il y a un an, son père avait été piétiné vif quelques semaines après sa naissance. Peu de temps avant sa mort, celui-ci le prévenait que l’enclos allait à sa perte, et qu’il partirait en débandade dès sa mort. Il lui avait laissé cet enseignement:
“Fils, n’oublies jamais de réfléchir à ce que tu vois ici. Les lois ne sont pas forcément justes, ne sont pas toujours correctes. Et tu comprendras de quoi je parle un jour, j’espère.”
Après sa mort, il avait lutté pour défendre cette valeur. Et voilà, on est était à maintenant. Il n’avait connu que défaite sur défaite. Tout le monde semblait amical avec lui, mais tout le monde le traitait comme un malade dans son dos. Il en avait marre. Mais il devait continuer à vivre, pour faire survivre les idéaux de son père.
Et pour qu’ils vivent, il devait partir. Aujourd’hui serait le jour. Puisque de toute façon, il ne restait plus que ça à faire pour que les choses bougent, il allait massacrer quelques congénères près de la barrière, et s’enfuir en courant en les escaladant. Oui. C’était la dernière chose à faire. Il ne restait au final, que le désespoir.
Il testa ses cornes sur le sol. Oui, elles étaient encore bien pointues. C’est parfait.
Il était temps de passer à l’action.
Tout le monde le regardait comme un ahuri. Pourquoi taper le sol avec la tête de cette façon ? Tout le monde se braqua et commença à hurler:
“A l’aide, police ! Police ! On a un détraqué dans notre enclos ! “
Mais avant que la police puisse intervenir, Bouclette fonça tête baissée sur leur groupe.
Corne gauche, carnage dans tripes droites . Corne droite dans le fin cou, tranché net, coup de patte dans la tête qui explose en mile morceaux, comme un feu d’artifice sanglant. Sang, sang, sang, sang. Bouclette s’en trouvait vraiment grisé. En fait, il aurait dû faire cela dès le début. Il massacra cinq moutons, répandant leur cadavres morcelés comme la parole de Jésus, jouant avec des pattes, des corps étripés, abattus dans leur funeste et inutile existence.
Puis, il poussa chaque bout avec effort contre la clôture, en forçant ses camarades à l’aider sous la menace, et s’en alla en sautillant. Il regarda bien autour de lui, puis partit en gambadant dans la belle forêt printanière.
C’était ça, la liberté. Même s’il avait dû faire un génocide, il était à présent libre de vivre heureux. Sans ces connards hypocrites, sans ces gens qui restaient terrés dans leur coin en sachant ce qu’il se passait. Sans tous ces êtres inférieurs.
Derrière lui, il y eut un bousculement de terreur. L’enclos des terrés n’avait plus de frontières avec celui des autres. C’était un massacre à sens unique. Bouclette adorait le spectacle. C’était ça, le mouvement à suivre. Il faut tuer pour mieux aller et devenir libre. Tuer, tuer, tuer, tuer, tuer. Sans jamais s’arrêter. Massacrer ces hypocrites, annihiler les inconscients et détruire toutes les normes.
A ce bruit, le Berger sortit d’une salle; à dix mètres de là. Il courut voir ce qu’il se passait avec ses ovidés, et il découvrit le spectacle:
Une quinzaine de brebis mortes, une dizaine d’autres grièvement blessées à vue d’œil. Toutes ses brebis entre deux âges étaient mises en incapacité. Il tira au pistolet en l’air une fois, deux fois, trois fois. Recharge. Ils n’avaient pas encore entendus. 1, 2, 3. Recharge. Ils n’avaient pas encore compris. Une, deux, trois. Recharge. Tous se calmèrent et regardèrent le Grand Fameux avec respect et crainte. Mais il en manquait une.
Non. Ce n’était pas possible. Cette brebis, toute gentille, toute câline, toute timide, elle aurait fait cela ? Pour lui, c’était impossible. C’était quelque chose qui défiait les lois de la causalité.
Bouclette… C’était le nom qu’il lui avait donné, vu que ses poils étaient très bouclés. Une bête magnifique. Il souhaitait la garder vivante jusqu’à ce que son temps sur Terre s’écoule.
Et ce jour-là, il comptait l’enterrer en grande pompes, avec une vraie tombe, des bouquets de fleurs, et toute sa famille viendrait avec lui l’accompagner dans son dernier repos.
Il était complètement gaga de son Bouclette, certes, mais qui ne l’aurait pas été ? C’était vraiment une belle bête, gentille, tendre, affectueuse, un peu timide sur les bords, mais on lui sentait une intelligence toute particulière.
Il entendit, tout d’un coup, un bruit de course derrière lui. Impossible.
Il se dirigea vers son atelier de préparation de viande. Bon sang…
Dans la salle, Bouclette était en train de déchiqueter d’une manière sanguinaire son congénère, encore vivant. Avec ses dents, le mouton déchirait des morceaux de viande et les mâchait goulûment. Les bêlements de douleur désespérés de l’un, auquel il n’avait jamais donné de nom. Ceux tout excités de Bouclette. Ses cornes ensanglantées, ses poils collés par des caillots de sang noir, ses yeux fous. Cette odeur de rouille caractéristique.
Son mouton préféré était en train de manger son camarade. Le Berger en resta totalement interdit. Enfin, mais qu’est-ce qu’il se passait ? Il n’y comprenait plus rien. Les moutons sont herbivores. Ils sont pacifiques, ils se laissent faire souvent. Ils produisent du bon lait, de bon agneaux, eux-mêmes sont très bons.
Et là, ce mouton est cannibale, il en tue d’autres, il ne se laissera sûrement pas faire, il ne produit pas de lait, n’a jamais eu d’enfant, et n’a pas été mangé. Enfin, mais qu’est-ce qu’il se passe ?!
Bouclette apprécie le moment. Il est en train d’apporter la salvation tant attendue par cet idiot de Bilbo. Le Berger le regarde immobile, ce qui ne fait qu’accroître le désespoir de la victime, donc indirectement l’excitation de l’agresseur. Tandis qu’il dévore ce qui fut son compatriote, il pense tout entier à ses propres émotions. Finalement, la viande est un meilleur aliment que le foin. Il y a certes des os, mais pour peu qu’on les évite, les dents tiennent le coup.
Bouclette se sent enfin libre. Plus de contraintes sociales, plus besoin de faire le faible devant tout le monde: il est au-dessus d’eux. Il est leur Dieu, ils ne sont que des moutons mortels. Il a guidé le peuple vers un nouveau monde. Il a le pouvoir de manger ces faiblards sans conséquence aucune. Le Berger, il a décidé de l’incapaciter s’il tentait de l’empêcher de manger l’autre ordure. Sinon, il vivra, mais sous ses ordres. Bouclette a le droit de faire ce qu’il veut, il n’est plus humain, il est au-dessus de cela.
Oui, Bilbo, tu as raison. Je suis complètement fou. Bouclette le pense et le comprend enfin. La folie, c’est ça, la vraie liberté. Tous ceux qui disent le contraire sont juste des gens enfermés dans les normes sociales. Des gens passifs. Mais lui, il a enfin réussi à mordre la main de l’ennemi et devenir une personne active, une personne qui bouge, un leader.
Bouclette commence à perdre le fil de ses pensées. Tout ce sang, finalement, ça lui monte à la tête…Tuer. Ah… Je suis enfin TUER libre. Je peux enfin Tuer faire ce que je veux TUER. Tuer!, tue;r, tuer, Tue,EEer. OuI. ?C’est DE ça qU‘il a bESoin. TUer… Désol...TUER. TUER, ASSA/ssiNER, T\ueR, tuER. MasSA[creR, MAngER, DEchiQUEteR, TUe?R.
JE ~ne sUIs pLUs§ le moUTO°n XXX, JE sUis le D²iEu de la MOµRt. je chOIsis QUi TuER et qUI ne pAs< TUeR. ASSaSSiNERmASsACrERDéTRuiREBrÛleRANniHilERDEchiQUetER.
Le Berger a peur. Face à lui, il n’a plus son mouton, mais un monstre. Une bête sauvage, assoiffée de sang, de viande, de rage, haineuse contre le monde entier. Il ne peut pas le laisser vivre, pour lui, pour les autres. Ce qui fut Bouclette dégage à présent des sortes de flammes noires. Il ne veut plus que tuer. Pourquoi est-il devenu comme cela ?
Il réfléchit un instant. Quoiqu’il puisse penser, il ne peut pas comprendre. Il aurait pu, s’il avait été né mouton. Mais en tant qu’être humain, il ne comprenait que les humains.
Dans sa main, figé entre ses doigts tremblants, il y a un pistolet. S’il tire, il a de fortes chances de le louper, ou de tirer mal et de mourir. Il faut qu’il vise correctement.
Il charge le canon, fait rouler la roulette. Clack ! C’est fini. Il prend l’arme à deux mains, la pointe devant lui, vise la tête de la Bête Noire. PAN ! PAN ! PAN !
Le recul fait tomber le Berger à terre. Dans la salle, il y a une odeur de poudre, et de sang. Et d’estomac percé.
Le berger se relève. Devant lui, il y a une scène d’horreur.
La Bête est à présent debout sur ses deux pattes, le corps de son compatriote à moitié mangé dans les mains, plein de trous. L’estomac criblé de balles, de la nourriture à moitié digérée s’en échappe. C’est pour cela que l’odeur est insoutenable.
“TuER. MaNgeR. DéCHiQueTer. DiEU dE LA MoRT. MoI”
L’être face à lui est bipède, il a deux bras, deux jambes, une tête chevelue, brune.
Mais surtout, des yeux entièrement noirs, sans orbites. Du sang en coule en flots comme d’une rivière infernale. Il sourit démesurément, béatement. Ses cheveux bouclés lui arrive aux épaules, et surtout…
La Bête est une femme. Une femme avec des traits du visage et des formes magnifiquement sculptées, avec une poitrine bien arrondie, bien vive, des habits moulants, avec un décolleté discret mais visible, ayant son effet, et les épaules découvertes. Elle portait une jupe et des collants, ainsi que des chaussures à talons plats.
Pourquoi ce devait être une femme, et pas autre chose, le Berger ne le savait pas. Peut-être y avait-il un rapport avec l’idée que les femmes sont meilleures dans ce personnage ? Et puis bon, ce n’était pas le moment de penser à cela !
Le Berger secoua sa tête dans tous les sens pour chasser ces pensées superflues.
Cette femme pointe à présent une épée vers le Berger, juste sous son cou. Ceci n’est pas superflu, c’est certain.
“Tuer. Je… vAIs… tuEr… DEvenir DiEu. POUr ToUS.”
“Tu n’es pas Dieu, Bouclette.”
“SI. Le SuiS. “
“Tu es Bouclette.”
“Qui esT BOucLEtTE ?”
“C’est toi.”
“NoN . SuIS DiEu De MoRT. “
“Tu te trompes. Tu es un mouton, le mien, le meilleur que j’ai connu. Celui que j’aimais plus que tout. Mais je crois que je comprends ce qu’il s’est passé. Tu les as tués pour se sentir libre, et maintenant, tu as perdu le contrôle. Je compatis sincèrement. “
“JE ne SuIS pAs Un mOuTOn. Je SUIs Un DiEu dE lA MOrt”
“Tu es le meilleur mouton, je t’aime plus que tout. Même si tu n’es plus pur.”
“Berger… Je… TUER Je suis désolée. Si tu veux…ViVRe… il faut vraiMENT que tu fuis.”
La fille sans orbites ne souriait plus, elle pleurait toujours des fleuves de sang cependant. Elle semblait peinée, désespérée, apeurée. Comme un pauvre petit animal, ce qui aurait été mignon si elle n’avait pas eu les orbites vides. Souvent, son nouveau ”elle” tentait de revenir à ce qu’il était avant, et son sourire démesuré et brisé revenait à de courts instants. Pour y résister, la fille se mordait le pouce nerveusement.
“J’abandonne pas ceux que j’aime.”
“Tu m’aimes ? Alors… PenDAnt QQuE je sSUiS eENCoRe là, QQuE je ME REtiEnS, DRoit au COEur.”
“Est-ce que ça marchera ?”
“P-Pas sûr.”
“Qu’est-ce que tu veux pour te calmer ?”
“Rends les-LeS MAssACrREeR. Nnngh… Fais qu’ils, qu’ils soient actifs, qu’ils réfléchissent plus. Mon crime vient de leur passivité. Ils passaient leur vie à m’harceler, à me f-FaiRE dU MaL. Mais quand tu venais les TUER. ils laissaient faire, et ils m’insultaient quand je disais la vérité.”
“Je… Je ne comprends pas trop comment les moutons peuvent ne pas être passifs “
“MoI, PaR EXempLe. ARRÊTES ! Désolée, je poursuis… Le temps presse, berger. Tires tant que je suis encore là.”
“Ou-Oui.”
“N’oublies ce que je viens de dire. Et protèges-toi avant d’y retourner, ça va être un bain de sang s’ils m’ont bien tous suivis.”
“Ou-Oui.”
“Merci, BergEr.”
Le Berger rechargea son arme, visa avec les deux mains dessus, puis il ajusta et plaça son doigt sur la gâchette
La femme restait figée devant lui, souriante. Il avait bien de la peine. C’était quand même Bouclette qu’il s’apprêtait à exécuter. Mais c’était elle-même qui lui avait demandé.
“Je… ne vais…plus…tenir…longtemps.”
Il fallait le faire…
Il fallait le faire.
Il fallait le faire !
Aides-la, Berger, aides cette créature que tu as aimé de tout ton cœur !
Si tu l’aimes, fais-le !
Délivres-la de sa misérable fin !
Il appuya sur la gâchette.
Un grand coup de pistolet retentit dans la vallée. Même les gens dans les maisons les plus éloignées devaient avoir entendu ce claquement funeste.
La jeune femme resta quelques instants debout, puis tomba, droite comme un piquet. Ses yeux continuaient à pleurer, malgré qu’elle soit morte. Même une fois la mort franchie, son âme ne serait jamais en paix.
Le Berger sortit de la Cabane, les deux corps derrière lui, et se dirigea vers le reste de son élevage, les larmes aux yeux. Il venait de tuer un être cher, comment pourrait-il se regarder dans une glace désormais ?
”Bob” vint vers lui, lui demanda si ça allait, qu’est-ce qu’il pouvait faire pour lui, s’il voulait aller boire un verre, que le mouton pouvait bien attendre. L’autre éclata juste encore plus en sanglots, mais marmonna qu’il voulait juste tout arrêter, que c’était plus possible.
”Bob” lui tapait l’épaule d’un air rassurant, en lui disant que ça allait passer, que rien n’était fini pour lui, qu’il fallait garder l’espoir.
Et tandis qu’ils s’éloignaient de la Cabane, le mec baraqué soutenant le petit homme déprimé, Bouclette continuait à pleurer. Sans arrêt, sans même savoir pourquoi elle pleurait.
Elle était enfin devenue libre, enfin humaine. Elle avait fait ce qu’elle avait voulu. Tout aurait pu bien se passer. Alors pourquoi avait-elle fini par devoir se suicider ?
Définitivement, la liberté est une réelle folie, mais une folie qui doit être maîtrisée, et qui ne doit pas entraver pas ladite liberté des autres.
Elle a détruit la vie de tout son élevage, juste pour son propre plaisir. Peut-être même a-elle détruit la vie du Berger, lui qui l’aimait au final si tendrement. En tant que Déesse, au lieu d’apporter la salvation, la sécurité, le bonheur de tous, elle a apporté le désespoir, le traumatisme, l’insécurité, le malheur.
Au bout du compte, elle était juste devenu un Démon. Le fait de ne pas avoir d’orbites montrait bien qu’elle l’était, de tout de façon. Aveuglée par le plaisir de se sentir supérieure, elle avait perdue de vue la réalité, qui méritait la mort et qui ne la méritait pas. Aaaah…
Pleurer en permanence, parce qu’elle avait encore assez d’émotions pour savoir qu’elle n’aidait personne, mais qu’au lieu, elle répandait le mal.
Bientôt, elle mourrait. Le Berger avait raté son tir, et avait troué son poumon. C’était tant mieux, elle allait enfin en finir de cette existence malsaine.
L’air autour semblait se raréfier. elle avait la sensation de respirer avec un sac percé. Tout devenait de plus en plus lointain, de plus en plus espacé…
Et Bouclette de penser, le teint cireux, la respiration haletante et saccadée, la tête lourde:
“Voilà, c’est fini.”
C’est une très belle histoire… atypique, en effet… et la chute que je n’attendais pas apercevoir comme un couperet !
Les mots sont justes, ponctués d’une certaine manière qu’il y a cette fluidité incroyable.
Je n’ai pas trouvé déplaisant la succession de paroles, ce n’est pas choquant de mon point de vue. Après tout on ne maîtrise pas ce que l’on peut bien rédiger. L’art se met en danger quand une idée germe devient folle…
Il m’est impossible de déchiffrer les lettres en gras… Peut-être que j’essayais de construire une phrase avec (si cela est vraiment attentionnel venant de la part de l’auteur).
C’est incroyable ! Merci de partager cet instant de lecture.
@Timeho Plouerzoc'h
Il y a pourtant bien un moment où les lettres en gras veulent dire quelque chose.
Et petit remarque, as-tu remarqué que la phrase ”Voilà, c’est fini” est une référence à mon deuxième texte, sous lequel nous avions longuement discuté ?
@aiopaesanu
Salut !
Eh bien j’ai essayé de traduire l’incompréhension des mots tordus….
Comme tu l’as bien stipulé, ces vagues de locutions veulent bien dire quelque chose mais en toute franchise je ne suis pas arrivé à trouver sa construction …malheureusement !
Je te félicite ! (dans le sens bien).
Bien entendu que j’ai remarqué le clin d’oeil fait à un autre texte déjà présent. J’aime cette idée de s’inspirer de nos écrits (ou d’un autre écrivain) et qu’on y fasse référence.