PARTIE 1
Chapitre 5
La région avait mis en place un service de transport urbain à 50 centimes le trajet qui permettait au personne juste financièrement et sans véhicule de se déplacer sur les différentes communes du territoire. Sans essence, et sans le sou, Jeff se voyait dans l’obligation de ce le coltiner. Le trajet qui duré habituellement 20 minutes en Scooter, prenait le triple de temps. Il était bien parti pour être à la bourre, mais ceci ne le soucié guère. Il en avait l’habitude. Ce qui le gênait principalement été les gens qu’il pouvait rencontré dans ce genre de transport. Assis sur la banquette arrière, il avait trouvé une place à l’abri des autres usagers mais ce fut de courte durée. Le prochain arrêt était rempli de monde. Il se retrouva pris en sandwich entre une vieille dame qui n’avait pas l’air d’avoir toute sa tête, qui n’arrêtait pas de causer toute seule et d’un vieil homme, faisant quasiment six fois son poids, et dont l’odeur n’était pas sans rappeler celle de Yann, la veille. Sa puanteur lui retournait l’estomac. Il fut d’autant plus écœuré lorsque Walter piqua un mouchoir usagé de sa poche. Il dut lui même le retirer de ses crocs. Cet incident, permis au vieil homme d’entamer un monologue sur les différentes races de chiens et leurs caractéristiques. Jeff ne supportant plus son haleine, s’arrêta au prochain arrêt, même si ça lui rajouté une bonne dizaine de minute de marche en plus et de retard. De toute manière, 10 minutes de plus ou de moins, ils vont pas en chier une pendule.
En compagnie de Walter, il arrive devant le bâtiment de pôle emploi. Après avoir galéré quelques secondes à ouvrir la porte, il se rendit compte que le joint qu’il avait fumé ce matin l’avait percuté bien plus que prévu. Il pourrait décrire son esprit de « vaporeux ». Il se dirige avec peu d’assurance vers la secrétaire.
-Bonjour, euh… J’ai un rendez-vous de prévu aujourd’hui.
-Vous êtes ? Lui demande t’elle avec un ton de suffisance, les yeux rivés sur son écran d’ordinateur.
-Jeff Sporski.
-Eh bien ! 30 minutes de retard. Vous m’avez l’air motivé dite moi !
-J’ai eu un problème avec mon bus.
-Les animaux sont interdits.
-Euh.. Pardon ?
-ANIMAUX INTERDITS.
-Euh… J’ai pas de laisse pour l’attacher.
-Vous avez qu’a le laisser dans votre voiture.
-J’ai pas de voiture non plus.
-Et vous êtes venus comment alors?
-En bus…
Toutes ces questions rendent Jeff à la fois hésitant et parano. Soit elle ne l’écoute pas, soit elle prend pour un débile. Quoiqu’il en soit, elle commence à lui casser les burnes. Elle lui fit une proposition.
-Bon. Vous savez quoi? Laissez moi votre chien pendant votre entretien.
-D’accord. Euh… Je ?
-Allez patienter dans la salle d’attente. Elle se trouve sur votre gauche.
Jeff n’est pas très rassuré de confier son chiot à cette femme mal lunée. Il se baisse au niveau de Walter et sort de sa poche une friandise puis le caresse sur le crane.
-Tu m’attends là, hein. Sois sage, je reviens vite.
Walter aboie comme s’il comprenait ce qu’il vient d’y dire. Jeff n’en est pas peu fier.
Dans la salle d’attente, il n’est pas beaucoup mieux accompagné que dans le bus. Assis en face de lui, une femme, au maquillage vulgaire, habillé d’affaire de couleur mal associé est en train de faire un va et vient avec sa poussette dans l’espoir de calmer les cries incessants de son mioche. En même temps, elle passe un savon à ses quatre autres enfants qui l’empêchent de se concentrer sur son magazine de télé-réalité bas de plafond, sur lequel elle a sans doute dû s’identifier pour en arriver là. Sur sa droite, en train de se gratter les boules, il y a un mec à peine plus jeune que lui, au regard vide, mâchant si fortement son chewing-gum qu’il pourrait réveillé un mort. A côté de Jeff, on retrouve un homme proche de la retraite qui n’a sans doute pas beaucoup travaillé dans sa vie au vu de la flemme qu’il a attrapé lorsque il a dût lever son gros cul de la chaise pour rejoindre le bureau du conseiller pôle emploi. Et Jeff se retrouve planté là, à moitié défoncé, entouré de ces gens pour lesquels il s’était promis de ne jamais devenir. Maintenant qu’il était plus proche de la trentaine que de la vingtaine, ses rêves illusoires et ses chances de futur étaient parties en fumés comme son putain de tarpin de ce matin. Il se retrouve bloqué là, avec comme dernier projet qu’un connard en costard lui dicte son avenir et lui dise ce qui est bien pour lui. Se lever à 6h du mat, enchaîner les tâches ingrates pour produire du fric pour un mec qui va l’exploiter pour pouvoir partir cet été se pavaner à Thaiti pendant que lui, l’idiot, qui ne sait jamais soucié de son futur aura à peine de fric pour payer son loyer. Et en plus il faudra qu’il soit reconnaissant pour cette opportunité ? Jeff n’a qu’une chose à répondre à cela : Vas chier !
L’attente étant interminable, Jeff se dit qu’il a bien fait d’arriver en retard. Il en profite pour passer un coup de fil à Yann. Ce dernier avait passé la matinée dans sa chambre à glander sur sa console. Il était juste descendu bouffer des crêpes qu’avait préparé sa mère et sortie quelques minutes pour arrosé les fleurs sur son balcon. Il avait aperçu sa voisine du dessous, d’à peu près le même âge que lui. Elle l’avait saluée timidement. Yann n’avait jamais vraiment fait attention à elle. C’était pas le genre de fille avec qui il aimait traîner. A vrai dire, ça faisait quelques temps qu’il ne traînait avec aucune. A Cachouac, les filles ne se bousculaient pas au portillon. Physiquement elle n’avait pas l’air top mais d’un côté, il n’avait jamais trop vu son visage à cause des lunettes qu’elle portait et de sa longue frange qui lui cachait la moitié des yeux. Puis il ne l’avait jamais vu autre part que chez elle. Elle lui paraissait le genre de meuf coincé du cul a passer sa vie dans sa chambre à étudier ou à lire des livres. Les seuls mots qu’il avait entendu sortir de sa bouche étaient des timides: Salut. Vraisemblablement, pas une fille faite pour lui. La chambre de Yann était semblable à celle d’un ado prépubère. Elle était décorée de vieux posters d’ancienne star de football à la retraite tel que Ronaldinho, Gerrard ou encore Henry. Il en avait aussi concernant des films tels que The big Lebowski, Trainspotting ou certains long métrage de Tarantino. Dès qu’il pouvait, il se jetait sur sa console. Les jeux dépendaient de son humeur mais il jonglait principalement entre Fifa et Call of Duty (grande originalité). De la cuisine sa mère l’appelle d’une voix stridente, le gênant en pleine partie, chose qui avait le don de l’agacer.
-Qu’est ce qu’il y a ?
-T’as touché au vieux fusil de ton père ?
-Pourquoi j’y aurai touché, bordel?!
-Yann ?!
-Quoi putain ?!
-Qu’est ce que t’as fait à tes fringues ? Elles puent la merde !
-C’est une longue histoire !
Sa mère était parfois un peu relou mais fallait la comprendre. La pauvre femme s’était retrouvé seule il y a à peu près une dizaine d’année lorsque son ex mari l’a quitta pour d’autre horizon. Lorsque son bébé Yann fut de retour à la maison, elle était sortie de dépression. Yann avait tout aussi mal vécu le départ de son père qu’il n’avait jamais revu depuis. N’ayant aucun souvenir mémorable passé avec lui en mémoire, ni reçu le moindre cadeau de sa part, il avait garder sous son lit son vieux fusil. Il ne le dit à sa mère. Récemment elle s’était mis en tête que tout les objets qui lui rappeler cet homme devait dégager de cette maison. Et alors, qu’il pensait pouvoir de nouveau jouer en paix…
-Yann !
-Putain quuuoi ?!
-Téléphone !
-Les messageries existent pour quand on est occupé et là je le suis de putain occupé !
-Quoi ? Je t’ai pas entendu !
Yann est en train de bouillir. En plus de ça, il vient de perdre sa partie. S’en est trop pour lui. Il explose sa manette contre le mur. La quatrième depuis le début de l’année. Comme vous pouvez vous en douter, Jeff tomba bien évidement sur la messagerie et lui laissa un message.
« Salut Yann, je t’appelle pour savoir si ça te branche d’aller faire un tour au bistrot à 17h? Au final je sais pas pourquoi je t’appelle je sais que t’y seras, t’y est toujours, t’as rien d’autres à foutre… » Il n’a pas le temps de finir, que la tête du conseiller pôle emploi fait son apparition. « Le voilà le connard » se dit Jeff dans sa tête. Le « CON »seiller l’invite à rejoindre son bureau. Jeff ne sait pas si c’est de la parano mais il lui semble que les autres personnes présentent dans la salle d’attente le regarde, furieusement, déçu de ne pas être passé avant lui. Dans le bureau Jeff s’assoit sur la chaise sans y être convié. Cette attitude surprend désagréablement le conseiller qui se contente d’esquisser un sourire forcé.
-Comment allez-vous depuis notre dernier rendez-vous ?
-Oh ça va, ça va, la routine.
-Vous avez pris le temps de chercher un emploi ce week-end ?
-Oui, oui lui répond bien évidemment Jeff, alors que ce dernier s’était cuité la gueule lors d’un bal organisé par un village avoisinant pour le 14 Juillet. Il avait fini la soirée avec Yann à 3h du mat, à moitié débraillé, jetant leur verre, renversant leur carafe de bière, seul sur la piste de danse, dansant n’importe comment sur une musique de musette, ignorant le regard désabusé des derniers fêtards. Ne voulant pas rentrer, ils avaient finit par ce faire viré pour avoir pisser dans la bassine de sangria. Jeff avait passé le reste du week-end dans son lit à s’en remettre. Le conseiller feuillette son dossier.
-Bien, je vois que votre dernier emploi date d’il y a environ deux ans. C’était éboueur ? Ça c’est mal passé ?
-C’est surtout que les horaires me convenaient pas.
« Les horaires me convenait pas» qu’il dit le Jeff ! Un matin, à l’arrière du camion poubelle, ses yeux ont commencés à se fermer. Au virage d’après, ce con là, avait finit dans le fossé. Après avoir été en maladie durant de long mois pour une entorse, il n’est jamais reparti bossé.
-Je suis plus un couche tard qu’un lève tôt, se défend t’il.
Le conseiller est dubitatif.
-Je vois… Savez-vous quel domaine serait sensible de vous intéresser ?
-Un domaine ?
-Euh.. Oui un secteur d’activité.
-Un secteur ? Vous pouvez être plus clair s’vous plait ?
-Un futur emploi si vous préférez. S’impatiente le conseiller.
Jeff réfléchit. Il vient d’y poser une sacrée colle. Il ne s’était jamais réellement posé cette question.
-Wahou… Pourquoi pas pilote de formule 1 ou guitariste professionnel, ouais pourquoi pas, faudrait que je me bouge un peu et que je m’améliore encore.. beaucoup même. ça fait des mois que j’ai pas touché à une guitare. Le problème c’est qu’il faut que je bosse pour pouvoir m’en acheter une. C’est un sacré cercle vicieux quoi.. Ricane t‘il bêtement.
Le conseiller pense réellement que ce dernier ce fou de sa gueule. Après quelques secondes de réflexion, il se rend compte que Jeff n’est un peu plus sérieux, ce qui l’inquiète d’autant plus.
-Bon, sinon une formation en mécanique vous intéresserez ?
-Euh… Non j’ai fais ça déjà un peu et … non. Pilote par contre oui, mécano non… Voilà quoi.
-D’accord… Vous avez votre permis au moins ?
-Toujours pas, faut que je m’y mette aussi mais je sais conduire.
-O.K …. Le conseiller est maintenant sur que Jeff est un cas désespéré.
-Vous touchez le chômage ?
-C’était mon dernier mois, le mois dernier ou celui d’avant je sais plus. On est quel jour déjà ?
-Bien… Bon… Regardez. Je vous donne cette offre. L’entretien à lieu samedi matin à 10h. L’heure vous convient ? Ce n’est pas trop tôt pour vous?
-Ca devrait le faire, mais c’est quoi comme truc ?
-Technicien de surface.
Jeff ne sachant pas exactement en quoi cela consiste, commence à lire l’annonce.
-C’est pour laver les chiottes quoi ?
-Oui, ça en fait parti oui. Vous devez comprendre que le monde du travail est assez bouché en ce moment. Surtout quand vous me parlez de vos rêves absurdes.
-Et si ça ne m’intéresse pas ?
-Si vous n’y allez pas vous serez radié de pôle emploi. Il ferme le dossier devant lui. Bref, ce n’est pas tout mais j’ai pas de mal rendez-vous prévu pour cet après-midi.
-C’est déjà fini ? Demande Jeff, agréablement surpris.
-Oui, oui ça suffit pour aujourd’hui.
Le conseiller est au ange de pouvoir enfin se débarrasser de Jeff.
-Surtout n’oubliez pas de postuler d’accord ? On se recontacte très bientôt pour se tenir au courant de la situation.
« Ouais c’est cela ouais » se dit Jeff dans sa tête, avec la feuille d’annonce dans les mains, prête à finir aux ordures.
Arrivé dans le hall, il aperçoit la secrétaire mais aucune trace de Walter. Une montée d’adrénaline lui parcoure son corps. Alors qu’il essaie de communiquer avec elle cette dernière n’arrête pas de blablater accroché à son foutu téléphone.
-Oui je l’ai vu. Mamah cette robe ! Avec mon vernis elle sera parfaite..
-Euh… Excusez moi madame.
-Encore vous ! Qui a t-il ? Vous n’aviez pas un entretien ? Répond t’elle comme un Teckel enragé.
-Si, si mais c’est fini.
Toujours son téléphone accroché à l’oreille, elle essaie de continuer sa conversation.
-Euh.. Mon chien
-Votre chien ?
-Oui… Il est où ?
-De quoi il est où ? Comment voulez vous que je sache ?
-Mais je vous les laisser ! … Non ?
Jeff est hésitant. Sa forte consommation de Marijuana lui avait cramer sa mémoire à court terme. Connaissant son manque de crédibilité, il avait perdu confiance en lui. La secrétaire lui passe un savon, rêvant de continuer au plus vite sa conversation téléphonique.
-Je ne suis pas maître chien je vous rappelle, mais bien secrétaire et vous me dérangez en plein travail. Chose que vous ne devez pas bien connaître, vu que vous vous trouvez dans nos locaux.
-Mais ?
-Il n’y a pas de « mais ». Si vous continuez à me harceler je serais contrainte de prévenir les autorités.
Jeff reste bouche-bé. Pas certain d’avoir compris ce qui lui arrive. La secrétaire reprend son téléphone comme si de rien n’était. « Je viens de tomber sur un client, je te dis pas le lourdaud… Un cassos de plus ! » Jeff ne sait pas trop quoi faire. Il est pourtant certain d’avoir laisser son chiot ici. Il sort rapidement du hall et le cherche du regard, criant son nom à maintes et une reprise. A droite rien. A gauche non plus. Il sent quelque chose lui mordiller la chaussure. Il baisse la tête. Walter est là, à ses pieds remuant sa queue dans tout les sens. Jeff est maintenant rassuré. Il prend son chiot dans ses bras et le serre fort contre lui, se promettant de ne plus jamais le laisser seul.
Maintenant, qu’il a fini sa journée de dur labeur, son calvaire est fini, place à la détente, il en a tant besoin, tant besoin de souffler, de s’aérer la tête, emprise par cette société étouffante, la journée fut rude. Rendez-vous à l’Embuscade.