Chapitre 01
Fatima
Les feuilles des arbres perdaient un peu de leur couleur de l’été, florissants à souhait, magistrales et s’étendaient maintenant dans une lente litanie à travers le vent vers le sol goudronné. C’était dans leur lente danse que j’observais ces feuilles virevoltantes à loisir et qui je l’espérais allait me donner au cœur la joie que je désirais. A chaque mouvement de leur chute, les feuilles s’imprégnaient d’une élégance folle et se décimaient dans les tourments les plus fous de la vie. Droite, gauche, ronde, repos. Les feuilles dansaient, chantaient, s’envolaient car elles n’étaient pas tristes de périr, c’était le début de toute chose et la fin de leur vie terrestre. Quand Allah nous faisait comprendre que la mort n’était pas une fin en soi mais un commencement, ces feuilles, elles, paraissaient être plus vivantes et plus libre dans leur chute. Quand Allah nous invitait à observer le défilement des saisons, on y voyait la beauté de la création avec en prime la résurrection infinie des arbres qui florissaient au printemps, de la terre morte revenir à la vie et de Sa présence car Allah n’était jamais inattentif et quand une feuille tombait, c’était Son décret, Son destin et Il le savait. Voilà la joie que j’avais et que j’observais quand ces feuilles tombaient, elles étaient pleines de sens dans leur chute. Leur couleur changeait et je considérais à ce moment leur train de vie. La beauté de leur maturité et le temps défilant à une vitesse incroyable, le monde changeant et vivant dans lequel je vivais. Ce monde vibrant et beau par le soin admirable que la nature faisait à travers les ordres de Dieu. Comment dire… ce monde m’émerveillait et ses signes m’enrichissaient de joie, d’amertume, de beauté, de peur. De joie car je savais qu’au moment où la feuille tombait, mon destin décrété était que je sois encore en vie et là pour le voir. Quand La feuille tombait de son arbre, chutait et se posait sur le sol, je savais que Dieu savait où j’étais et dans quel circonstance je me trouvais. Dieu n’était-il pas mon grand amour ? Le Seul et Unique Être qui prenait soin de l’existence de chacun ? Alors Ô toi mon Dieu, quand cette existence allait-elle prendre sens ? Vivre en sachant que la fin approchait, je le savais. Le but des épreuves, je les connaissais et la religion, je l’avais apprise. Mais la langueur et la mélancolie soufflait mon être et j’étais une de ces feuilles qui voyait les saisons se déployer sans jamais pouvoir saisir l’opportunité de m’envoler dans une de ces danses pour m’écrouler. La mort me plaisait, la mort s’offrait à beaucoup mais pas à moi alors Toi Ô Dieu, que pouvais-je faire de mieux ? Attendre en cherchant à Te plaire, en faisant le bien que Tu attends de moi afin d’arriver devant Toi au jour du jugement ? C’était fait et la vie prenait une tournure où qu’il vente, qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il fasse beau, je restais sur l’arbre et je demeurais inerte. Je n’avais d’autre choix que d’être retenue prisonnière dans ce monde éphémère espérant comme toutes les autres feuilles à me déployer, virevolter après avoir autant mûri, changer les couleurs de ma vie et tomber dignement dans l’oubli. Malheureusement, j’étais prisonnière de ce monde et mes couleurs avaient cessées de changer depuis bien longtemps. Je demeurais là, je restais figée au gré du vent mais attachée à cet arbre et rien ne donnait à ma vie une belle saveur hormis Toi Ô Dieu que je voulais tant rencontrer et à qui j’espérais, devant toute l’humanité au jour dernier, dire que je t’aime et ce pour l’éternité. Lorsque je songeais à ma vie, je trouvais qu’elle n’avait pas de sens car je ne lui avais jamais donné un sens particulier. Je n’avais plus envie de vivre depuis huit ans, bientôt neuf et je ne savais pas pourquoi j’en étais arrivée à là. Certains disaient que j’étais devenue complaisante de la religion, d’autres psychologues et psychothérapeutes avaient optés pour des problèmes plus profonds que j’avais eu lieu d’exorciser au cours de ces années. Mais alors que je me dirigeais vers ma nouvelle ville, alors que j’avais mes affaires avec moi, que mon père conduisait la voiture avec mes sœurs à l’intérieur, mon cœur était en plein afféterie. Il donnait de l’amour à Dieu et était tenace dans le fait de désirer mourir pour aller à Sa rencontre. Ce cœur dominait la raison et l’âme. Ce cœur avait goûté à la saveur de la joie dans le fait de pratiquer ma religion. Les feuilles tombaient, j’éprouvais une joie au-delà du monde. Le vent soufflait, je sentais la présence de Dieu. Malgré tout, la vie n’avait aucun sens à mes yeux et je soufflais à la vitre de la voiture, je respirais le grand air conditionné et mes yeux s’embuaient car comme à mon habitude depuis huit ans, presque neuf, je ne trouvais aucune richesse à vivre.
*
Nous arrivâmes à Silf, ce bel endroit en Werse, au nord où il y avait une multiculturalité. Dans ce pays musulman venait vivre tous ceux qui aspiraient à la paix. Croyants comme non croyants, juifs, chrétiens ou idolâtres, il y avait de tout. Alors que la voiture passait tranquillement, je lançais un regard à ma sœur à l’arrière qui dormait profondément. Elle semblait dormir paisiblement au fur et à mesure que l’on avançait et que je voyais le bazar avec les multiples épices, les saveurs et les senteurs qui paraissaient jusqu’à mes narines. Il y avait des tables et un monde fou. Je vivais auparavant à Yolba un autre pays dans le Sud et là, c’était très différent. Tout le monde voulait venir vivre ici, en Werse. Mais il fallait pour cela obtenir les papiers. Mon père, conférencier musulman de renom, imam prestigieux et reconnu, savant grandiloquent à mon sens était venu suite à une invitation du roi. Baba en y voyant une opportunité pour fuir ses problèmes accepta alors. Maintenant, nous vivions ici, dans cette ville où le savoir régnait en maître, où les personnes prestigieuses dans le domaine des sciences quelles qu’elles soient étaient présentes. Que ce soit en Astronomie, en mathématique ou encore en religion. Les gens d’ici aimaient savoir et on appelait ces lieux la richesse de Iqra. Iqra n’était autre que la première injonction révélée au prophète Muhammad. Cela signifiait de Lire, de réciter. C’était ainsi que Dieu disait au monde qu’apprendre était primordial, pas seulement la religion mais aussi apprendre toute sorte de savoir et que l’Homme ne pouvait se résoudre à ne pas savoir. Parce que l’éducation était primordial pour sortir des ténèbres. Tout le monde ici apprenait, les cours étaient pleins, les conférences, les salons, les musées. Quand il s’agissait d’élévation humaine par la connaissance, c’était le lieu idéal. Il y avait aussi moins de pauvreté et beaucoup d’humanité dans le sens où tout les musulmans qui vivaient là en majorité essayaient de suivre le modèle prophétique et se rendaient utiles pour plaire à Dieu. Pour cela, ils aidaient, faisaient dons de beaucoup d’argent et participaient aux associations, aux maraudes et hébergeaient même des pauvres pour les aider de nouveau à s’insérer dans la société même si la mosquée avait une maison d’accueil pour les pauvres. Les Wersiens, habitants de Werse, faisaient aussi l’aumône comme convenu dans une société musulmane et désiraient aussi vivre pleinement en faisant preuve d’abnégation. Après tout, tout le monde cherchait l’amour de Dieu dans le sens où Dieu aimait ceux qui sont le plus utiles. Il y avait des rivalités dans le concours de celui qui ferait le plus de bien. C’était comme une chasse au trésor pour gagner le plus de bonnes actions auprès de Dieu, les fameuses hassannettes. J’avais hâte de découvrir ce monde un peu plus et ses valeurs différentes, ses us et coutumes. J’arrivais dans un quartier avec des maisons rondes, comme des yourtes géantes mais dans un matériel plutôt costaud à en juger par ce que je voyais, c’était très joli et très coloré avec beaucoup de peintures différentes. La nature avait toute sa place dans ce joli coin de verdure avec des arbres aux feuilles de couleurs variées. Nous avions contournés le marché ou centre commercial pour aller plus loin, en périphérie du centre de la ville pour arriver justement dans les quartiers résidentiels.
Lorsque nous vîmes une grande yourte ou du moins, ce qui y ressemblait, baba s’arrêta là et je descendis simplement en m’étirant les épaules. Je frappais ensuite à la fenêtre arrière de la voiture où je vis ma petite sœur se redresser comme si je lui avais fait peur et remettre son voile en place. Elle se plaça derrière moi ensuite, admirant notre nouvel habitat. Il était modeste et assez grand pour trois personnes. A croire que le roi voulait vraiment que mon père vienne en Werse. Mais malgré tout, je lui trouvais du charme. La maison avait une couleur jaunâtre orangée, je ne savais pas lequel sortait le plus. Mais malgré tout, il y avait là tout un tas de fleurs accrochées à la maison. J’avais lu que c’était un signe de bienvenue dans les coutumes. Les voisins nous regardaient, une femme très souriante s’approcha et plaça sa main chaleureusement sur mon épaule et sur celle de ma sœur. Elle était musulmane à en juger par son voile et très belle. Je m’en réjouis intérieurement pour elle, Dieu donnait Ses bienfaits à qui Il voulait après tout. Je ne pouvais m’empêcher de contempler la beauté de sa création. Elle avait des yeux en amandes, rieurs et brillants. Son sourire me réchauffait le cœur, le sourire était bel et bien une aumône après tout. Et puis… comment dire, elle était si joliment habillée. D’un pantalon noir et d’une tunique asymétrique blanche longue à fleur. Maquillée avec légèreté, un peu de blush, probablement un peu de fond de teint et un peu de rouge à lèvre rose foncé ou bien du rouge clair. Elle arrivait vers la fin de la quarantaine et approchait cinquantaine. Du moins, c’était ce que je pensais.
– Salam Aleykoum, (Que la paix soit sur vous) êtes-vous mes nouvelles voisines ?
– Aleykoum salam (La paix sur toi aussi), répondit ma sœur, c’est exact en soi, voici ma sœur Fatima, je suis Aissata. Et il y a mon père, il se nomme…
Elle porta un regard sur mon père avant de baisser chastement le regard. Ses yeux se firent plus brillants encore.
– Mash’Allah ! (Dieu l’a voulu) N’est-ce pas le professeur Redouane Malik ? Est-ce bien vous ?
– Aleykoum salam wa ramatullah wa barakatu ! (Que la paix, la miséricorde d’Allah et la bénédiction d’Allah soit sur toi.) C’est bien moi mais ne soyez pas aussi surprise et fascinée, je ne suis qu’un serviteur de Dieu qui avant ça était égaré et qui avant ça travaillait dans une usine et bien avant ça, j’étais un enfant, un bébé et auparavant cela, une vile goutte.
Cela fit rire la femme nous montrant avec affection grâce à ses caresses qu’elle était contente de nous trouver.
– Nous nous sommes permis de bien nettoyer la maison avant votre arrivée et aussi, il y avait un livreur alors j’ai réceptionné le meuble. L’ancienne propriétaire qui est morte, que Dieu lui fasse miséricorde, m’avait confié la clé. Alors le meuble est dans le salon. Tout le monde se demandait qui allait vivre ici, nous voilà honoré par ce qui fut une vile goutte et ses enfants.
Cela nous fit rire, tous en chœur. Elle s’approcha de nous comme dans un ton de confidence alors que nous étions en train de la remercier pour ce qu’elle avait fait.
– J’ai cuisiné un très bon plat indonésien. Il est délicieux, c’est à base de boulette. J’ai ma propre recette, je vais vous en amener pour vous souhaiter la bienvenue. Je reviens mais faîtes comme chez vous, puisque c’est chez vous.
Cela nous fit encore une fois sourire. Elle s’éloigna alors en direction de chez elle, une maison similaire mais dans les tons verts. Baba regarda sa montre.
– Mes précieuses filles, nous allons, inch’Allah (Si Dieu le veut) manger et aller nous reposer à la mosquée. Peut-être que mon entrée sera remarquée, que Dieu m’en garde. Restez près de moi pour que l’on ne vous importune pas. Fatima… es-tu encore en train de pleurer ?
J’essuyais mes larmes discrètement, baba les essuya à son tour et déposa un baiser chaud sur mon front. En y laissant de la salive. Je fronçais les sourcils.
– Baba, je n’aime pas ça. C’est dégoûtant.
– Ne m’en veux pas quand je te permets d’éviter de penser à tes idées de mort et ce, d’un simple baiser sur ton petit front. Ton front est tellement petit, qui pourrait croire qu’il y a un esprit dedans. Est-ce que tu réfléchis ? Si tu es encore en vie, acceptes ton destin, quoi qu’il arrive, il faut toujours accepter…
– Le décret de Dieu, nous le savons, dîmes nous en chœur, Aissata et moi.
Celle-ci, la mine fatiguée entra après baba et je regardais autour de moi. Il y avait un beau parc non loin avec des feuilles aux couleurs variées. C’était si joli et encore une fois, j’essayais de ne pas pleurer mon Seigneur que je voulais rencontrer avec tant d’avidité. J’entrais donc à l’intérieur mais m’arrêtais lorsque je vis la voisine venir avec son plat. En quête d’une bonne action et ce pour plaire à Dieu, malgré la flemme qui me tenaillait, je décidais de bien agir et allais à la rencontre de mes voisins pour être bonne avec elle dans le sens où Allah aimait ça. Le prophète Muhammad nous avait bien avertis. J’allais vers la femme et l’aidais à porter plusieurs plats qu’elle tenait maladroitement et ce en souriant. Que ne ferais-je pas pour plaire à Dieu. Mais elle avait quelque chose sur le visage, une lumière qui me faisait aussi sourire. J’aimais beaucoup cette femme et sa gentillesse.
– Vous vous êtes donnée du mal. Dîtes-moi, comment vous appelez-vous ?
– Je suis Louisa, je viens de Spana, j’ai emménagé ici parce que je suis chercheuse. On cherche à guérir les maladies car Dieu n’a pas descendu une maladie sans son remède.
– Mash’Allah (Dieu l’a voulu). Allahumma Barik (qu’Allah te bénisse). Il faut tellement de patience et d’amour pour chercher des remèdes aux maladies. Vous devez être très patiente.
– Oh ! Ça c’est ce que tu crois mais en vérité, je cherche Sadaqa Jariya.
La manière dont elle me l’avait dit m’avait fait rire, elle qui recherchait à gagner des bonnes actions après la mort. C’en était très drôle. Et moi, avais-je œuvré pour ça ?
– Dîtes-moi, votre père va venir donner des cours ici ?
– C’est exact, il est savant et imam donc il fera les deux en plus de donner des conférences.
– C’est magnifique, que de savoir ici. Vraiment Werse est la capitale du monde du savoir. J’aime tellement apprendre la religion et j’écoute beaucoup de ses vidéos. Mais… votre mère ?
– Disons que nous avons quelques difficultés avec elle. Elle ne nous a pas suivi mes parents ont divorcé.
– Ah ! Je vois… mais… dans ces cas-là, beaucoup de femmes ici vont lui proposer le mariage.
– Peut-être bien… ah…
– Que Dieu vous permette d’avoir une bien aimante belle-mère. Et toi, que fais-tu dans la vie ?
– Je suis les pas de mon père. Je ne suis pas aussi connue, je viens de finir mon doctorat en théologie. Je suis donc théologienne et inch’Allah (Si Dieu le veut), je vais faire de la recherche aussi. J’ai plusieurs spécialités comme les hadiths (paroles actes rapportés du prophète) et aussi sur le Coran.
– Je vois, c’est très bien, j’aurai aimé que mon fils aille dans le milieu religieux. C’est de ma faute, quand il était dans mon ventre, je n’ai pas été ferme dans ma demande. J’ai voulu faire comme la mère de Maryam Bint Imran (La vierge Marie). J’ai demandé à Dieu, mais je n’avais pas assez de grande conviction, que mon fils soit à sa disposition. Je lui ai fait apprendre toute sortes de sciences religieuses et je croyais qu’il allait suivre ce chemin mais il m’a dit qu’il aimait la littérature et la poésie alors il est devenu professeur de littérature et de poésie. Quelle frustration.
– Il ne faut pas, peut-être qu’il est mieux. J’ai toujours appris que quand on choisit une voie du bien et qu’on gagne de l’argent licite (contraire de l’argent sale), c’était un acte d’adoration. En travaillant licitement, il s’agit d’une voie d’adoration et s’il le fait pour Dieu et enseigne, il donne le savoir et chaque savoir acquis par ses élèves est une voie qui facilite vers le chemin du paradis. Car choisir la voie d’un savoir est faciliter une voie qui mène vers le paradis. Alors il est certainement mieux dans ce domaine.
Cela la fit sourire. A croire qu’elle gardait toujours son sourire. Allahumma Barik. Nous étions devant chez moi.
– Venez donc manger. Nous devions aller au restaurant mais comme vous avez cuisinés…
– Oh je ne veux pas vous déranger.
– Mais si, venez… en plus, je peux vous affirmer que c’est propre étant donné que vous avez fait le ménage avec les autres voisins.
Cela la fit encore plus sourire et elle accepta d’un hochement de tête.
– Mais je ne vais pas déranger votre père ?
– Pourquoi ça ?
– Et votre sœur ?
– Pourquoi ça ? Répliquais-je en riant doucement.
– Bon… alors soit.
Elle entra alors que j’entrais pour la première fois dans la demeure. Nous posâmes les plats sur le buffet en face et retirâmes nos chaussures. Je refermais soigneusement la porte. Louisa m’indiqua le chemin droit car il y avait ce petit couloir et deux passages, un vers la droite et l’autre vers la gauche. En face, il n’y avait qu’un mur. Nous allâmes donc vers la droite, le parquet était chaud et d’une très belle couleur brune. Louisa vint simplement poser les plats sur la table. Je regardais les lieux, il y avait des voutes pour passer, tout juste pour la grande taille de mon père. Puis, il y avait des peintures diverses sur le mur, des formes géométriques de toutes tailles et de toutes couleurs. Tout était meublé. Ça sentait bon l’encens. Ma sœur vint vers moi en courant, retirant son voile.
– J’ai choisi ma chambre, j’ai tellement plus de vêtements que toi et je pourrai t’attendrir en te disant que tu peux me rendre cette faveur.
– Tu as pris la plus grande ?
– Pour Dieu ? Fais le pour Dieu !
– Alors prends-là mais ne t’étonnes pas si au jour du jugement j’ai plus de hassannettes (bonnes actions) que toi avec toutes les faveurs que je te fais et tout ce chantage affectif religieux que tu fais.
– Comment ça va ? Demanda Aissata en riant à la voisine.
– Oh grâce à Dieu, tout va bien.
– N’est-ce pas ! Dit-elle. C’est très joli. Le coin est calme ?
– J’ai envie de dire, tout Werse est calme. Les gens sont très courtois. On y vit bien. Malgré tout, aux alentours de la prison, ça se gâte un peu. N’y allez pas seule.
– Inch’Allah.
Mon père arriva alors que ma sœur sortait les couverts, elle avait déjà préparé une assiette pour Louisa.
– Baba, dis-je, elle est dans la recherche.
– Ah vraiment, quelle maladie ?
– Nous cherchons contre la leucémie.
– Que Dieu vous facilite.
– Amin. Nous avons trouvé quelque chose qui est très prometteur pour isoler les cellules malades, c’est déjà prodigieux et extraordinaire.
– Je n’en doute pas une seule seconde. Dit papa. Ma fille Aissata, la cadette est médecin, elle s’intéresse beaucoup à ces choses, je suppose que vous pourrez sincèrement trouver en elle une bonne amie pour évoquer tous ces sujets. Vous n’êtes pas voisines pour rien.
– N’est-ce pas ? Dit Louisa enchantée.
– Non mais non, je ne veux pas parler de ça. Le travail, c’est le travail et le reste ce qui est la vraie vie doit être vécue loin du travail, répliqua Aissata.
– Oh… désolée si je t’ai offensée, dit Louisa.
– Je plaisante, je ne parle que boulot.
– Alors soit, discutons.
Nous écoutâmes joyeusement Louisa et Aissata parler de sciences et de leurs points communs. Je me demandais si les gens d’ici avaient ce genre de discussion sérieuses et profondes en remettant en question le monde qui nous entourait et pas d’un point de vue religieux mais scientifique. Comment Allah avait créé ceci ou cela ? Comment Allah avait incorporé cet élément à cet élément ? Ou encore comment Allah avait rendu accessible la recherche de Sa science qu’Il avait créée en six jours ? Je demeurais silencieuse car même si la question du savoir m’intéressait un peu, je pensais aux bienfaits que j’avais. Le fait de croquer dans du pain frais fait de farine, d’eau, d’œufs, de sel. Je voyais la soupe de boulette de viande venu de loin. Puis je considérais les légumes qui avaient été des graines et qui par la grâce de Dieu étaient devenues des plantes avant de prendre selon leur code génétique incorporés dans ces mêmes graines les légumes divers et variés aux multiples bienfaits pour l’organisme humain. Que de bienfaits venus d’un Dieu aimant. Chaque aliment que je mangeais m’était destiné. Dieu l’avait écrit pour moi. Chaque aliment que je voyais était porté à ma bouche car chaque mouvement de mon cœur, chaque battement, chaque échange de sang transporté dans mon corps, chaque influx nerveux dans les synapses, tout été agréé par Dieu. Dieu me donnait tant. Allah dans sa grandeur infinie me donnait même de quoi m’abreuver et je buvais une eau si douce et si délicieuse. Quel bonheur. Mais le bonheur le plus grand n’était-il pas d’être avec Ce Grand Pourvoyeur ? Ce bonheur éphémère qui disparaissait après quelques moment dans ma bouche, ce goût altérable au fur et à mesure du moment, ces moments fugaces et qui disparaissaient, ce bonheur réel illusoire bref qui ne durait qu’un instant contre le bonheur éternel d’être avec Dieu au paradis. Quel goût amer avait mon cœur tandis que ma bouche se délectait. Quelles larmes me tiraillaient les yeux alors que ma salive emportait les plats dans mon estomac. Quelle tristesse que de penser à ce Dieu qui n’était pas là et qui était le plus présent ici. Que de choses improbables au même moment. SubhanAllah (exprime l’étonnement et signifie Gloire à Dieu). J’inspirais et décidais de m’arrêter au moment où mon ventre par la grâce de Dieu était plein. Pleine de reconnaissance de ce repas délicieux et facilement acquis. Merci mon Dieu pour tout ce que Tu donnes. Mon père écoutait et faisait quelques remarques et voulait aussi poser des questions à ces deux là qui ne s’arrêtaient pas. Après le repas, nous remerciâmes chaleureusement notre voisine. Sa cuisine était si délicieuse.
– Ne me remerciez pas. En vérité cette nourriture était pour vous. Elle faisait partie de votre Rizq (Subsistance)
– Ah ! Je vois… mais… vous m’apprendrez ? Dit baba.
– Vous cuisinez ?
– Bien sûr, j’aime beaucoup cuisiner, mes filles, elles, ne savent rien faire de leurs mains. Il faut remercier Dieu car Aissata n’est pas chirurgien auquel cas, elle serait emprisonnée depuis longtemps pour homicide.
– Très drôle baba mais « Ô vous qui avez cru, qu’un groupe ne se raille pas d’un autre groupe. Ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux ». Sourate Hujurat ! (citation du Coran ; une sourate est comme un chapitre).
– Oui ma fille, oui, pardon. Que Dieu me pardonne. Je ne vous changerai pour rien au monde même si vous ne savez rien faire de vos mains. Le ménage, c’est moi qui le fait, elles ne sont pas douées, la cuisine, le repassage de leur vêtement et Dieu sait qu’Aissata en a beaucoup.
Cela fit rire Louisa. Elle porta la main sur l’épaule d’Aissata.
– Si tu n’arrives pas à repasser, donne-moi tes vêtements, moi, le repassage devant la télé, ça m’apaise.
– C’est gentil mais je sais repasser. Dans le sens où tout le monde sait repasser mais… après… la question est de savoir si c’est bien fait ou pas. Dans mon cas, c’est juste mal fait, il y a plus de pli après qu’avant.
– Donne-moi ne t’en fais pas, je repasserai pour toi.
– Inch’Allah alors je t’inviterai au restaurant. Tu verras baba si je ne suis pas douée pour utiliser ma carte bleue.
– Très drôle ! Très drôle.
– Je dégaine plus vite que les cowboy. Pour ça, je suis trop forte.
– Et pour le chantage affectif religieux aussi. Attention, elle invoque Dieu dans ses prières aux Hommes.
Cela nous fit tous rire.
– Que faîtes-vous ensuite ? Demanda baba
– Eh bien… je vais probablement faire des recherches ou lire une revue.
– Mais non, reprit baba. Venez avec nous à la mosquée.
– Ah ! Bonne idée. Allons-y… Je vais me préparer et faire mes ablutions. (lavement, purification avant la prière. On y lave les mains, les oreilles, les avants bras, les pieds, le visage et on passe de l’eau sur ses cheveux et dans son nez selon un certain ordre bien précis). On se rejoint dans une dizaine de minutes devant ?
– Inch’Allah…
*
Nous nous étions dirigés vers le centre de la ville. Arrivés là-bas, il y avait un énorme monument. Une énorme mosquée. Plusieurs personnes habillées d’abayas, de kamis étaient autour mais les plus belles tenues étaient de mises. En même temps, quand on savait que Dieu nous demandait de mettre nos plus beaux vêtements pour prier…
Les gens venaient de tous les horizons et il n’y avait pas forcément que des musulmans. Lorsque mon père avait fini par trouver une place au parking circulaire autour de l’immense mosquée blanche et argentée, nous sortîmes, ma sœur, Louisa et moi suivies par mon père. A peine entrée, nous retirâmes nos chaussures et allâmes en direction de la grande salle de prière. Il y avait tout le monde, homme et femme, tous assis. Ils parlaient, plaisantaient ou offraient du réconfort à ceux qui en avaient besoin.
J’entendais tellement de gens parler en même temps qu’il y avait un petit brouhaha et que cela faisait du bien. La mosquée était le lieu de rassemblement de tout le monde. Il y avait plusieurs salles apparemment à en juger par le plan, l’aile qui était la maison d’accueil des pauvres qui pouvaient dormir et être nourris là ou encore la grande salle dans laquelle j’étais. Je suivais mon père qui semblait chercher quelqu’un. Louisa nous suivait aussi en saluant plusieurs personnes sur son passage alors que mon père semblait concentré. Certains semblent-ils avaient remarqués sa présence. Ils le désignaient ou parlaient de lui. Mon père était connu et ce n’était pas négligeable de le considérer comme membre de cette nouvelle communauté ou plutôt d’une partie de la communauté dans ce monde. Il y avait des choses appétissantes à manger. Je vis une femme amener quelque chose sur la table et quelques enfants se servir en bonbons et en fruits. Les gens se prenaient dans leurs bras, par les épaules et s’offraient mutuellement la paix. C’est alors que je le vis. Mon père allait droit vers lui. Le roi était là, assis à côté de son épouse. Je l’admirais vraiment beaucoup. La reine de Werse était tellement généreuse et le fait que la famille royale soit assise à même le sol, méconnaissable par quelques marques différentes qui n’existaient pas, était une source de joie pour moi. Je voulais dire par là qu’ils n’avaient pas de marques de distinction de rang. Un peu comme le prophète Muhammad. Quand il était dans sa mosquée, personne ne savait de qui il s’agissait quand on venait le rencontrer. Puis le roi servait aux enfants des fruits et des bonbons alors que la reine posait sa tête sur l’épaule de son époux. Mon père avait-il rendez-vous avec le roi ? Il ne m’en avait pas parlé bien qu’il était celui qui nous avait logé, qui nous avait donné la liberté de venir en Werse et en plus de cela, il nous avait permis de trouver un travail, ma sœur et moi. Quoi qu’il en soit, j’étais sûre et certaine que mon père allait dans leur direction. Ce qu’il y avait de bien en étant musulmane, c’est que je n’avais pas besoin de donner de distinction particulière à quelqu’un en particulier mais plutôt à tout le monde alors je pouvais rester moi-même devant le roi et la reine. Le pas rapide de mon père attira l’attention de la reine qui fit remarquer à son époux la présence de celui-ci. Louisa se posait des questions.
– Je n’ai jamais vraiment parlé au roi et à la reine, dit-elle. Alors je vous laisse là.
– Mais non, venez avec nous, dit ma sœur.
– Non, ça ira. Retrouvons-nous à la sortie.
J’échangeais mon numéro avec elle et lorsque je regardais auprès de moi, ma sœur et mon père avait disparus pour parler au roi qui donnait une accolade à mon père en le saluant chaleureusement. La reine prenait ma sœur dans ses bras. J’avançais alors que mon père semblait me chercher du regard, il lança un regard derrière moi.
– Où est Louisa ? Demanda-t-il rapidement.
– Elle ne voulait pas se mêler à cette affaire, je suppose.
– Ah ! Quel bonheur de vous voir, disait la reine. Je suis ravie.
Elle me prit les mains, il y avait un élan de beauté sur son visage ainsi que des traits marqués par les années. Elle n’avait pas encore soixante ans mais sa beauté rayonnait car les plis de son visage demeuraient marque de sourire marqués par les années. Le roi me fit signe de tête.
– Ce sont vos enfants sheikh ? (Imam, personne au grand savoir religieux).
– Mash’Allah (Dieu l’a voulu), dit mon père, j’ai été comblé par deux belles filles.
– Ah ! Je vois. Eduquer deux filles est le signe même de son entrée au paradis, reprit le roi. Voici mon épouse Aria et je suis Alban. Bienvenue dans ce beau pays. Que Dieu vous offre le meilleur de l’au-delà, de la vie d’ici-bas et vous protège du châtiment de l’enfer.
– Amin (ameen), dîmes-nous en chœur.
– Je vous ai fait venir ici car je voulais que nous puissions amener une cohésion parmi les musulmans dans la pensée religieuse. Vous comprenez ? Je veux qu’ensemble, nous travaillions d’arrache-pied pour le bien de la fraternité religieuse et aussi humaine avec les non croyants. Comprenez, dit le roi, que nous vivons en paix mais plus de paix ne nous ferait pas de mal. Alors c’est là qu’intervient le savoir et les bons rappels car comme l’a dit notre noble Coran « le rappel profite aux croyants ». Dieu est le plus Savant et le plus Sage.
– Soit, je ferai ce que je voudrai mais je n’ai pas le pouvoir de rassembler. J’ai le pouvoir d’enseigner. C’est la différence entre les deux, roi Alban. Et aussi, la responsabilité incombe à chacun, c’est grâce à la justice, à l’équité et en faisant de nous-mêmes les ambassadeurs de notre noble religion que nous réussirons à unir les autres.
– Alors montrez-nous l’exemple.
– C’est une erreur que beaucoup font, dis-je aussitôt. On montre en exemple notre propre être alors qu’on a les meilleurs exemples dans les récits. Il faut montrer l’exemple des prophètes, de leur comportement et des compagnons. (Les compagnons sont ceux qui suivirent le prophète Muhammad pour fonder et unir la nation musulmane en devenant les premiers musulmans, la première génération.).
– Vous semblez très intelligente, reprit le roi. Quel est votre nom ?
– Je m’appelle Fatima.
– J’aime ce prénom. Vous êtes celle qui enseigne la religion ?
– J’enseigne la Théologie musulmane, oui. Vous m’avez trouvé une place à l’université des sciences islamiques.
– Ah ! Vous aviez écrit des livres intéressants. J’ai aimé les lire, vous êtes la digne fille de votre père.
– C’est trop d’honneur… pour lui, votre majesté. Dieu est Celui qui éduque le mieux quand on le lui demande et qu’Il accepte notre dua (demande, invocation faite à Dieu).
– Eh bien, les parents sont importants dans l’éducation de leur enfant. Reprit la reine.
– Qu’en est-il des orphelins qui ont acquis les meilleurs degrés ? ( Les degrés sont les places distribuées par Dieu selon la manière dont nous nous rapprochons de Lui à travers un bon comportement, la confiance en Lui et les bonnes actions).
– Je vois. Vous n’avez pas tort. Mais votre père…
– Non, dit papa en riant, elle a raison. Elle était très rebelle avec moi alors je lui ai fait lire le Coran, Dieu adoucit les cœurs même des plus rebelles.
– Ou suscite la haine dans les cœurs enflammés. S’exprima ma sœur Aissata.
– Ah ! Que des femmes intelligentes. Prenez place, mangez, buvez…
Soudain un homme s’accroupit près du roi, il avait de beaux traits, je les examinais un peu plus avant de baisser le regard. C’était un bel homme. Il avait les yeux d’un beau vert et les cheveux noirs, très noirs, la peau basanée et était vêtu d’un long kamis (tunique que les musulmans aiment porter surtout pour prier). Le bleu du kamis, un bleu perse rayonnait sur son teint et sa fine bouche avait l’air quelque peu belle et saisissante. Je fus prise d’un léger vertige mais aucun homme n’avait jamais réussi à me tenir en haleine au point que j’allais être éprise d’amour. J’appréciais cependant la beauté car on y voyait la Création d’Allah. Dans toutes ses formes et toutes ses diversités. Dans ses inclinaisons possibles bien que moi aussi, j’avais quelques inclinaisons pour ce visage-là. Alors je baissais les yeux en soupirant, n’osant pas l’observer bien trop longtemps.
– Eh le roi ! Dit-il aussitôt.
– Que veux-tu ?
– Comment cela se fait que toi, là, qui va être jugé en tant que responsable de cette nation, tu t’empiffres jusqu’à ce que ton ventre soit gros et que les personnes qui sont dans le lieu d’accueil de cette mosquée n’ont toujours pas mangé ?
Le roi semblait étonné alors que je n’osais croire qu’un jeune homme osait parler ainsi au roi.
– Et toi, la belle reine, tu es de toute beauté pendant que les femmes pauvres se cachent car elles n’ont pas de quoi protéger leur pudeur du fait que leur vêtements soit troué ? Quels genre de souverains voulez-vous être tous les deux ?
– Excuse-moi, dis-je…
– Non. Tu vas me dire de bien parler au roi, je suppose.
– Eh bien, oui.
– Je refuse. Et toi, dit-il à l’encontre de mon père, c’est ta fille ?
– Oui !
– Tu es l’éminent Redouane ?
– Je ne suis pas éminant mais je m’appelle bel et bien Redouane !
– Alors, quoi, tu es reconnu dans ta profession, tu es connu à l’échelle internationale mais ton comportement a été déplorable. Tu es venu dans cette mosquée, tu n’as passé le salam (la paix, les musulmans se passent le salam) à personne et tu es venu faire des courbettes au roi, comme s’il était un grand personnage alors que je connais des gens ici qui sont meilleurs que lui. Comment ça ? Ils attendaient tous ta venue.
– Tu n’as pas tort, dit mon père aussitôt. Qui es-tu ?
– C’est le crieur public numéro un qui fait des reproches, dit la reine en riant et en lui caressant la main affectueusement.
– Crieur, je veux bien mais si ça peut vous permettre d’échapper à l’enfer. Vous n’avez pas de grosses responsabilités ? Être à la tête d’un état ne signifie pas ne pas avoir de chef car Allah est Le Roi des rois. Alors ! Et toi, Redouane, n’oublie pas. C’est ta fille ? Tu ne m’as pas répondu !
– Toi, dis-je aussitôt, pourquoi parles-tu à mon père ainsi et si tu as quelque chose à me dire, tu n’as qu’à me parler en face, je suis là.
– Oh… que de caractère, dit-il aussitôt. Alors je vais te dire vu que tu as confirmé qu’il s’agissait de ton père. Je ne suis pas le plus doué pour donner des conseils mais j’aime donner des reproches et je m’en fais aussi à moi-même.
– Tant mieux pour toi.
– Tu es mariée ?
– Pourquoi cette question ?
– Depuis quand on répond par une question à une question ?
Je croisais les bras. Beau, très beau mais tellement agaçant. Il m’énervait tellement. Je voulais le frapper et lui dire de se taire.
– Non, dit ma sœur, elle n’est pas mariée.
– Alors voilà ce que je vais te dire. Ecoute-moi bien, petite… C’est ce que je voulais dire à ton père mais vu que tu veux que je te le dise, ne le prends pas comme une offense. Soit, tu es la plus belle femme que j’ai vu et aussi, j’ai entendu que tu étais professeur de religion. Et tu as dit bonjour à tout le monde et tu ne t’es pas précipitée pour saluer le roi. Alors soit ! Il faut que tu saches une chose importante, tu es peut-être mon Mektoub (destin, se dit quand on cherche l’homme ou la femme qui lui est destiné, on emploi ce terme). Je vais te demander en mariage.
– Quoi ? Dis-je aussitôt en riant. Tu rêves !
– Et si c’était le destin, comment pourrais-tu même t’y opposer ? Si tel est notre destin.
– Ton destin est à toi et le mien est à moi et ce qu’ils ont en commun, c’est qu’ils sont loin l’un de l’autre. Ne viens pas me demander ma main. Répliquais-je aussitôt.
– Si. Tu me plais bien. Il y a des femmes qui n’ont pas de répondant et toi, tu en as. Inch’Allah, tu seras mon épouse.
– Jamais de la vie.
– Tu finiras bien par accepter. Saches que je vais te suivre pour mieux t’observer afin de mieux comprendre ton comportement. Si quelque chose me déplait, il y aura bien un côté de toi qui me plaira mais si tout me déplaît alors oui, nos destins n’auront rien à faire ensemble.
– On n’épouse pas une femme parce qu’on la trouve jolie. Repris-je médusée.
– Oui, mais tu n’as pas bien écouté ce que j’ai dit. Je répète donc ou plutôt, je vais reformuler. Tu as étudié la religion et tu as un caractère bien trempé. Donc, d’après les deux critères que le prophète Muhammad -Que la paix soit sur lui- (formule que les musulmans emploient pour bénir le prophète) a dit, je dois regarder ces deux aspects, ton caractère et ta piété.
– Il y a des gens qui apprennent la religion sans une once de foi. Comme ton jugement est mauvais.
– Oh… pourtant, tu avais l’air plutôt intéressée, ton regard sur mon beau visage, que Dieu me bénisse, a outrepassé la mesure. Ce n’était pas de l’intérêt anodin, je suis assez intelligent pour reconnaître ça, encore Que Dieu me bénisse. Amin.
– Amin, dirent le roi et la reine.
– Tu peux te garder, jeune homme de venir me demander ma main. Tu finirais par t’épuiser pour rien.
– Oh… Nous sommes ici pour une vie de lutte alors si pour se marier, il faut lutter, qu’en est-il de ce que nous devons faire ? Persévérer dans tout.
– Ton chemin est le tien et moi j’ai le mien, fais qu’à l’avenir, ils ne se rencontrent plus merci.
– Quelle fraternité, jeune femme. Et quel est le motif principal de ton dédain et aussi de ton refus ? Alors que je ne t’ai pas encore demandé ta main ?
– Eh bien… je n’aime pas les comportements grossiers et j’aime la douceur. Dieu aime aussi la douceur, tu devrais essayer ça.
– Ah, donc je ne suis pas doux ?
– Tu ne le montres pas, en tout cas.
– Et toi, n’es-tu pas dans le jugement quand tu devrais trouver 70 excuses à tes frères et sœurs. Non ? N’est-ce pas le prophète Que la paix soit sur lui qui a enseigné ça ? Ce qui signifie, jeune femme, que tu devrais éviter de juger quelqu’un que tu viens de rencontrer. Mais bon, ton avis, même s’il était… plein de dédain et aussi assez grossier et loin de la douceur me plaît. Alors soit, quel est ton nom ?
– Mon nom ne te regarde pas.
– Je le saurais bien, future Mektoub. On se voit bientôt.
Il se leva aussitôt pendant que le roi ordonnait qu’on donne de la nourriture aux pauvres et la reine qu’on trouve des vêtements pour les plus démunis. Mon père salua tout le monde, ce qui combla, apparemment les gens.
* Information : Les musulmans de la première génération pouvaient suivre une femme pour observer ses manières, son comportement, sans que ce soit quelque chose de nuisible pour elle et sans qu’il n’y ait aucune gêne à son encontre. Ils voulaient s’assurer d’écouter le commandement du prophète qui était de choisir son conjoint pour la piété et pour le noble comportement. C’est ce que ce mystérieux jeune homme voulait dire par « la suivre ». Aujourd’hui, on se renseigne et on peut regarder par exemple les réseaux sociaux et ce genre de choses pour trouver plus d’informations sur une personne.