Une courte histoire captivante, et qui pose une question.

16 mins

 

En sortant de la cariole je jetai un dernier coup d’œil à l’avis de recherche. Son visage était déjà imprimé au fond de mon crâne, mais ma mémoire était loin d’être parfaite ces derniers temps, en particulier avec tous les avis de recherche qui circulent.  

Je me méfiais un peu de l’image, les centres de recherche transmettaient souvent des informations incomplètes. Ainsi la fille que je recherchais, et qui semblait être jeune pouvait très bien avoir la quarantaine. Son seul trait physique unique était la cicatrice qu’elle portait. Une sorte de brulure sur le flanc droit de son cou.  

D’après les Ophtals, une personne correspondant à sa description avait été repérée dans le petit village qu’était Lasronde. Y mettant les pieds pour la première fois, je décidai de concentrer mon attention sur tout ce que je voyais.  

La première chose qui me frappai était la chaussée. Elle était composée de dalles carrées, dont on devine qu’un jour elles étaient blanches. Une route blanche. Ce village faisait partie des nombreux villages qui avaient souffert la guerre Juste.  

Je tournai le dos et constatai que ma cariole était partie. Comme demandé, elle m’avait déposée juste devant l’auberge du village. Je ne pouvais donc pas me plaindre, à un détail près. « L’auberge » était en ruine, et très clairement personne ne s’en était servi pendant les dernières semaines.  

J’ai l’habitude de dormir dehors, donc ça n’est pas réellement un problème, mais dormir sur un lit est quand même nettement mieux.  Malheureusement, la nuit commençait déjà à tomber, et le trajet avait été fatiguant. Je me dirigeai vers l’auberge. Quitte à ne pas avoir de lit, autant au moins dormir à l’intérieur.  

Juste avant de rentrer je bloquai. Une drôle d’odeur émanait de ce qui était censé être une auberge désaffectée. Je regardai vite à gauche et à droite de moi pour vérifier qu’il n’y avait personne autour de moi et après avoir sorti ma dague de ma poche, j’ouvrit la porte.  

Immédiatement je compris mon erreur. Toujours analyser avant de s’exposer.  

Des enfants me regardaient avec des grands yeux ronds. Je soupirai et rentrai discrètement ma dague dans ma manche. En souriant je lançai :  

– Bonjour jeunes gens, la taverne est ouverte ? 

Il y eut un silence d’incompréhension, puis ils se mirent à sourire un peu. Je leur tournai le dos et étais sur le point de quitter la pièce quand une voix se fit entendre de l’autre coté de la porte.  

– Les enfants, vous êtes là ?  

Je me retournai. De manière évidente les enfants se cachaient ici pour échapper à leur mère. Ils me regardaient d’un regard suppliant. J’ouvrit la porte et tombai sur une vieille femme qui sembla surprise.  

– Oh, excusez-moi, je ne savais pas que quelqu’un avait racheté l’auberge.  

– Non-non, pas du tout. Je souris. Je suis simplement à la recherche d’un endroit où dormir. 

Je fit de mon mieux pour cacher les enfants derrière mon dos en prenant le plus d’espace possible dans le cadre de la porte.  

– Je m’appelle Ulysses, je suis simplement de passage. Enchanté.  

Je lui tendit la main. Elle me la serra avec une poigne forte.  

– Thérèse, sœur Thérèse. Je suis responsable de l’orphelinat du village. Depuis que la guerre est passée ici, nombreux sont les enfants sans parents.  

– Et vous êtes à la recherche de certains d’entre eux j’imagine ?   

– Exactement. Trois garnements qui cherchent toujours à aller voir Inava, une rescapée de la guerre qui s’est installée ici il y a quelques semaines.  

Après une discussion interminable au sujet de la pauvreté du village, des ravages de la guerre, et de l’ingéniosité des trois bambins, elle décida de retourner à son temple en laissant les trois enfants dormir dehors, pour leur enseigner une leçon.  

Je me retournai vers les enfants.  

– Bon les gamins. Temps de sortir de vos cachettes. Vous avez entendu la sœur Thérèse, ce soir vous dormez dehors, donc si vous voulez un feu il va falloir du bois !  

Ils sortirent de leur cachettes en arborant d’énormes sourires. 

– Merci monsieur !  

En deux temps trois mouvements, ils avaient rassemblé une petite pile de bois à coté de la cheminée. Entre-temps j’avais déposé mon sac à dos et sorti de quoi faire un bouillon. Pendant que je mis la casserole sur le feu, une discussion s’installa.  

– Vous êtes qui Monsieur ?  

– Pas la peine de m’appeler monsieur, je n’ai que 16 ans. Je m’appelle Ulysses, et je suis un voyageur en quête d’aventure !  

Ils avaient des étoiles dans les yeux. Je n’avais vraiment pas l’habitude de ce genre d’accueil. D’habitude dès que je rentrai dans un village j’étais mal vu, en particulier parce que j’étais un homme jeune, donc censé être au front.  

– Dites, c’est qui Madame Inava ?  

Le nom m’avait intrigué, il était tout à fait possible qu’elle était la personne que je recherchais. Toute information que les enfants pouvaient me donner était donc à prendre.  

– C’est une belle madame qui nous donne toujours à manger !  

Le plus petit ajouta :  

– Et elle est très belle… 

Celle qui sembla être une fille termina :  

– Et elle est toujours bien habillée. 

Ils semblaient aux anges rien que de penser à elle. Décidément ces enfants pourraient bien grandir en des personnes heureuses, chose qui était plutôt rare dans cette région. Une évidence s’imposa cependant : cette demoiselle Ivana était riche. Ceci expliquerait pourquoi elle avait été si dure à trouver si c’était la personne que je cherchais. 

Avant de manger, je fit un contrat avec les trois enfants : Demain ils rentreraient à l’orphelinat juste après s’être réveillés, et ne diraient rien à Sœur Thérèse à propos de notre rencontre.  

L’estomac plein, quelques instant suffirent pour qu’ils s’endorment. Regardant à travers ce qui avait un jour été une fenêtre, j’aperçus un cavalier sur un cheval noir en train d’avancer sur la route impériale. Peut-être un autre chasseur de primes. J’espérais simplement qu’il n’était pas sur la même piste que moi.  

Entendant les respirations des trois enfants, je ne pouvais m’empêcher de penser à moi-même avant la guerre. Leur innocence serait bientôt brisée, même si la guerre n’était temporairement plus ici, elle finirait toujours par revenir.  

Le front ne faisait que se déplacer sans cesse, et chaque ville capturée par l’empire équivalait à une ville libérée par l’armée des Serques. Un jour ou l’autre, la guerre reviendrait ici aussi.   

Le lendemain comme promis, les trois enfants retournèrent au temple, me laissant à nouveau seul. Après avoir rangé mes affaires, je décidai d’aller me balader dans le village, entre autres pour m’assurer que ce mystérieux cavalier noir n’était pas resté. Il était hors de question que je trouve ma cible, pour ensuite me la faire voler par un autre chasseur de primes.  

Après quelques minutes, je tombai sur une magnifique demeure, au murs blancs. Une fois de plus, la blancheur des murs témoignait du passage de l’armée de Serques, même si l’occupant ne l’était sans doute pas.  

– Excusez-moi, ne seriez-vous point Ulysses ?  

Je me tournai, très confus que quelqu’un connaisse mon nom.  

– Effectivement, et vous êtes ?  

– Inava, je suis la dame dont Yodar, Urio et Lilya vous ont parlée.  

Ah les garnements. Ils étaient passés ici avant de rentrer à l’orphelinat.  

– Oh, je vois.  

Je ne savais pas très bien quoi dire. D’une part parce qu’elle était très belle. Ses longs cheveux noirs descendaient en ondulant en dévoilant un visage angélique. D’autre part parce que je ne savais littéralement pas quoi dire.  

– Souhaitez-vous rentrer ?  

– Oui, avec plaisir !  

Son écharpe m’empêchait de voir si elle avait une cicatrice au cou. Mais à priori celle que je cherchais avait plutôt les cheveux châtains. Je restai néanmoins sur mes gardes, il était facile de se teindre les cheveux.   

En rentrant je fut tout de suite convaincu que Inava n’était pas une Serque, mais simplement quelqu’un de riche qui avait racheté la maison. Sur le mur en face de la porte se trouvait un drapeau. Le drapeau Keltar.  

Je ne fit aucune réflexion, puisque de toute façon je n’appartenais à aucun camp.  

– Les enfants m’ont dit que vous étiez un aventurier ? 

– C’est ce que je leur ai dit, mais en réalité je suis un vagabond.  

Je baissai la tête comme pour imiter un sentiment de honte, pendant le court silence qui s’ensuivit, je distinguai un bruit de cheval au galop. Inava inclina la tête et arbora un regard de pitié.  

– Je M’excuse, j’ignorais cela. Si vous le souhaitez vous pouvez séjourner ici, le temps pour vous de reprendre des forces et de vous remettre en route.  

J’acceptai l’invitation avec grâce. Si la guerre avait bien eu un impact positif, c’était que les riches s’étaient rendu compte qu’ils dépendaient des pauvres, et qu’ils essayaient donc de les aider du mieux qu’ils pouvaient. Pour certains d’entre eux du moins.  

Après avoir amené mon sac à dos dans une petite chambre de bonne qui se trouvait tout en haut de la maison, je décidai d’aller jeter un coup d’œil à l’orphelinat. Inava m’avait indiqué qu’il était à l’opposé de l’auberge abandonnée par rapport à sa demeure.  

En marchant je me demandai pourquoi un fugitif viendrait se cacher ici. En général ils s’éloignaient le plus possible du front, surtout depuis que les Serques avaient décidé de ne plus contrôler l’immigration, laissant entrer tout ceux qui le souhaitaient, mêmes les déserteurs Gariens.  

Or cette région était  une zone d’échange, l’absence de forteresses la rendait très compliquée à défendre, et le manque de ressources en faisait une région très peu intéressante à défendre. Tous les quelques mois, la zone changeait d’occupant, parfois avec beaucoup de violence, parfois simplement en signant un contrat.  

Cela me fit penser au drapeau Keltar que j’avais vu dans la demeure d’Inava. Si la guerre actuelle avait lieu entre les Gariens et les Serques, Il y a six mois ces deux nations étaient encore alliées dans une guerre pour vaincre les Keltars. Cette région était une des provinces Keltes, avant qu’ils ne soient vaincus.  

Mon père a été tué pendant cette guerre-là, face aux Keltars. Tout ça pour que la guerre reprenne de plus belle entre deux pays qui étaient alliés. Décidément, la violence semble être une des seules choses dont l’homme ne se fatigue jamais.   

Mes pensées s’arrêtèrent et j’oubliai le drapeau Keltar pour quelques instants : j’étais arrivé à l’orphelinat. Les dortoirs des enfants se dressaient juste à coté du temple, et quelques enfants étaient en train de jouer sur la place du temple. Je ne trouvai ni Yodar, Urio ou Lilya parmi eux. Sans doute qu’ils étaient punis par sœur Thérèse.  

Mon regard fut attiré par une jeune sœur en train de jouer avec des enfants. Ses cheveux étaient bien châtains, mais pas de cicatrice sur son cou. Dommage, s’eut été trop facile. En la voyant sourire pendant qu’elle jouait avec les enfants je me fit la réflexion que j’étais plutôt heureux de ne pas avoir à l’exécuter.  

Elle m’aperçut, mais je ne bougeai pas. Je me contentai d’esquisser un léger sourire. Elle reporta son attention sur un des enfants qui arrivait vers elle en pleurant. Il semblait s’être blessé au genou en tombant. Visiblement, toutes les sœurs n’étaient pas aussi terribles que sœur Thérèse.   

Mon sens olfactif m’indiqua qu’un cheval était quelque part derrière moi. Le vent m’apportait son odeur. Je me mit en route pour essayer de trouver ce mystérieux cavalier.  

Après quelques instant je repérai son cheval, immobile au milieu de la route. Dessus, le cavalier noir était tout aussi immobile, et me fixait de son regard sombre. Il fit un léger signe de la tête, comme pour m’indiquer de le suivre. Après quelques minutes de marche, il s’arrêta, mis pied à terre et se dirigea vers moi.  

– Antonio Gerald, Chasseur Serque. On m’a dit qu’il y avait un autre chasseur de primes ici, du nom de Ulysses. J’imagine que c’est toi ?  

J’acquiesçai. Je ne savais pas trop quoi penser de sa présentation. D’habitude les chasseurs de primes  n’aiment pas du tout collaborer, surtout que ici ma tâche était plutôt simple. Mais c’était un chasseur militaire des Serques, il n’y avait sans doute pas de récompense pour lui de toute façon.  

– Oui, c’est moi. Besoin d’aide ?  

– Non, bien au contraire, je cherche simplement à éviter toute tension. Ma mission est de débusquer ce qui reste des Keltars, pour qu’ils soient traduits en justice.  

Voilà qui me fit immédiatement penser à Inava. Je décidai de passer ce détail sous silence pour le moment.  

– Les Serques ont encore toujours du temps à perdre à chercher les Keltars ? Je pensais que cette guerre était terminée depuis six mois.  

– Il est vrai, malheureusement le peuple Serque demande justice, et les criminels doivent payer pour leur crimes. Si on attend de vaincre les Gariens pour chasser les Keltars, ils auront tous disparus d’ici-là. 

Voilà un homme qui semblait bien certain de vaincre les Gariens. Seulement, pour le reste de ce qu’il affirmait il avait raison . J’ignore encore toujours si c’est de la propagande ou non, mais pendant la guerre contre les Keltars des rumeurs circulaient comme quoi ils chassaient ceux qui vouaient un culte aux totems. Ces tribus auraient été pourchassées comme des animaux pour ensuite être exécutés, même si ils se rendaient ou n’étaient même pas des soldats. Une fois cette purification terminée sur leur territoire, ils se sont attaqués à leur voisins, les Gariens. Et même si les Keltars ont perdus la guerre, les Totémites ont quasiment été éradiqués du continent.  

– C’est vrai, mais tous les Keltars ne sont pas coupables, si ?  

– Non, bien entendu, même si tous sont tombés dans la propagande contre les totems, mais ici je suis à la recherche d’une femme nommée Evania Gardel. Elle était l’officier la plus jeune des Keltars, et est soupçonnée d’avoir exécuté en masse les totémistes pendant la grande traque.  

La propagande contre les totems était un des outils des Keltars : ils avaient persuadés leur peuple que les totémistes possédaient des capacités surnaturelles proche des animaux, les rendant plus animaux que humain.  

– Je n’ai jamais entendu parler de cette Evania. A-t-on même une preuve de son existence ?  

– Eh bien, c’est pour ça que je suis ici n’est-ce pas ?  

Il souriait. Le silence qui s’ensuivit lui fit comprendre que je n’étais pas satisfait de sa réponse.  

– On a retrouvé une illustration, d’une jeune fille portant un uniforme d’officier Keltar, et se tenant juste devant un échafaud sur lequel on voit pendu plusieurs personnes. C’était censé servir de propagande Keltar pour montrer que la grande traque était en bonne voie.  

– Eh bien, voila dont je n’avais jamais entendu parler… mais je ne suis pas là pour Evania Gardel, je suis là pour Yassefi Delmer. Etant chasseur de primes, je n’ai cependant aucune idée de ce qu’elle a fait de mal, je me contente de la chasser.  

Il me fixa droit dans les yeux. Malgré son air amical il voulait s’assurer que j’aie bien compris le message : chacun chasse sa proie, et on ne gène pas l’autre.  

Je hocha  de la tête, suite à quoi il remonta sur son cheval et s’en alla. Décidément, je vois des problèmes là  ou il n’y en avait pas. Sur le chemin de retour vers le manoir de Inava, je repassai devant la place du temple. Cette fois-ci la sœur était en train de distribuer des pommes aux enfants. Son sourire m’obligea à la fixer pendant une courte seconde, suite à quoi je continuai mon chemin.  

En rentrant dans le manoir, je repassai par l’endroit ou devait se trouver le drapeau Keltar, mais mystérieusement il avait disparu. Voilà qui tombait bien, en conséquence je ne devrai pas expliquer ma rencontre à Inava, elle se méfiait déjà. Je notai dans un coin de mon esprit qu’elle pouvait très bien ne pas du tout abriter de planque Keltar, et que ce drapeau pouvait n’être qu’une malheureuse coïncidence.  

Je passai le reste de la journée à me balader dans le village, et à discuter avec les villageois que je croisais. Malgré le faible nombre d’habitants, les maisons étaient très éloignées les unes des autres, rendant le tour du village très long. 

Le soir en rentrant je vérifiai mon équipement avant d’aller souper avec Inava.  

– Le repas est délicieux en tout cas !   

– Grand merci du compliment, j’espère qu’il y a assez, je n’ai pas l’habitude d’avoir des invités.  

– Et vous avez l’habitude de fouiller les affaires de vos rares invités ?  

La confusion passa sur son visage. Puis la peur. Je continuai, en souriant.  

– Pas d’inquiétude, je peux comprendre qu’accueillir un vagabond vous fasse peur, et comme rien n’a disparu, je n’ai pas à me plaindre !  

– Je suis confuse, je suis désolé, et je pensais l’avoir fait assez discrètement, comment avez-vous su ?  

– Je laisserai le mystère planer en guise de punition…  

– Pourriez vous alors lever le mystère de pourquoi vous êtes aussi armé ?  

– Oui, bien entendu. Je suis chasseur de primes. Je ne peux pas vous dévoiler ce que je cherche, sachez simplement que ce n’est pas vous, et que ça n’a rien à voir avec les Keltars.  

Elle sembla satisfaite de ma réponse.  

– Voila qui me rassure énormément. Si vous saviez à quel point j’ét  

Elle fut coupée par un énorme bruit qui venait de l’entrée. Quelqu’un venait de frapper à la porte plus fort que de raisonnable. Sans une once d’hésitation Inava quitta la table et se rua vers l’entrée. Je décidai instantanément de la suivre, regrettant de ne pas avoir d’autre arme que ma fourchette.  

Quand j’arrivai à l’entrée, les deux battants de la porte étaient grand ouverts. face à la porte se trouvait Inava, couchée sur une personne inconnue comme pour la protéger. Dans l’embrasure de la porte se trouvait, pointant son sabre vers moi, Antonio Gerald.  

– Ulysses, je pensais qu’on s’était compris ? Chacun sa proie.   

– Gerald, il y a un malentendu, je loge ici sous le toit de Inava. Je suis un invité ici, pas un chasseur.  

Inava était en train de gémir sur le corps de la personne couchée par terre, qui n’avait toujours pas bougée. Rapide analyse de la situation. Antonio recherche une Keltar. Inava soutient les Keltars. Inava est couchée sur quelqu’un qui semble très mal en point, et qui visiblement est venue ici pour être protégée face à Antonio. Conclusion : La personne était nul autre que Evania Gardel.  

 

 

 

 

 

 

 

Antonio me faisait passer son regard de moi à Inava, comme si il jaugeait la situation.  

– Ton hôte ne m’intéresse pas. De manière évidente elle a des liens avec des Keltars, mais je ne suis pas la pour elle. Elle sera sans doute prise en charge par la police locale, qui vérifiera que c’est bien elle qui aidait les Keltars à quitter la région.  

– Un instant, d’abord je veux une preuve que cette personne est Evania Gardel.  

Il baissa son sabre et s’approcha des deux femmes. Pendant qu’il avança j’eus une révélation. La prétendue Evania Gardel portait une tunique de sœur. Antonio usa de ses bras pour tenter d’écarter Inava de la personne qu’elle protégeait. Inava se mit à crier  

– STOP ! C’est elle. C’est elle. Mais ne la touchez plus je vous en supplie.  

Elle se mit à gémir et se leva, comme pour faire face à Antonio et moi. Elle se mit à hurler quelque chose, mais je ne comprenais rien. J’étais trop absorbé par la visage de la sœur qui distribuait des pommes aux enfants. Ce même visage était par terre, les yeux à peine ouverts en train de me regarder.  

Inava était encore toujours en train de hurler quand Antonio la coupa.  

– JE SAIS. Je sais que c’est quelqu’un de bien au fond. Mais elle doit payer pour ses crimes. Et je ne parles pas seulement de ceux de la guerre. Mais de s’être retournée contre sa famille.  

Soudainement une évidence me frappa. Gerald était un anagramme évident de Gardel. Antonio était le frère de Evania. C’était trop d’informations à digérer, mais une chose était sure. Le frère avait salement amoché la sœur, et si Evania était effectivement qui elle semblait être, elle devait être jugée, et non exécutée. C’est donc naturellement que quand Antonio écarta Inava d’un revers de main  pour exécuter sa sœur de son sabre, que je lui mis le coup de pied du siècle. Il sortit du pas de la porte et chuta vers l’extérieur.  

Malheureusement je n’avais pas d’autre choix que de directement enchainer, parce que dès que je lui laisserai le moindre temps libre, il exécuterai sa sœur. Pas question donc de temporiser le combat. 

Juste avant de bondir vers le chasseur militaire, je criai à Inava :  

– Mon sac, dans ma chambre !  

Elle resta hagard un instant, puis reprit ses esprits et s’en alla.  

Antonio était plus grand que moi. Et plus musclé. Mais dans un combat la taille va à l’avantage de celui qui sait le mieux s’en servir. Mes entrainements refirent surface. Esquive. Feinte. Frappe. Esquive. Feinte.  

Il ne me laissa pas le temps de terminer et m’éloigna de lui avec un coup d’épée vertical. Malheureusement, dur d’affronter quelqu’un en armure, et armé jusqu’au dents. Je fit de mon mieux pour ne pas mourir, jusqu’à ce que quelque chose tomba du ciel. Mon sac.  

Je souri un instant, et me rua vers mon sac. Je savais que le temps que je sorti une arme, il n’aurait pas le temps de me toucher. Je sorti mes lames de prédilection. Deux dagues en forme de tridents. Ce fut mon erreur.  

Pendant ce court instant, Antonia ne s’était pas rué vers moi, mais vers Evania.  

Entre temps, celle-ci avait réussi à se lever et arrivait à tenir debout en s’appuyant sur le mur derrière elle. Antonio avait son sabre sur sa gorge. Je lui lançai un regard noir de colère.  

– Je comprends ton sentiment. Tu veux la preuve qu’elle soit coupable.  

Il planta son épée dans le sol et retira la tunique de sœur d’Evania. Il la lança ensuite vers moi. La tunique tomba sur le sol, avec un bruit de cliquetis que du tissus n’est pas censé faire. Je ne bougeais pas.  

– Quand on m’a dit qu’il y avait un chasseur de primes nommé Ulysses dans le village, ce n’est pas la seule chose que l’on m’aie dit. Il y a une rumeur à ton sujet. Ton père était un Totémite.  

Ma mâchoire  se serra. Il disait vrai. Mais ma mère n’en étais pas une.  

– Je sais aussi que tu portes autour du cou un pendentif. Un totem. Le totem que l’on donne au dernier héritier d’une lignée de Totémites. Un totem en bronze qui représente un animal.  

Il disait encore toujours vrai. Soudainement la vérité me frappa. Je me dirigeai vers la tunique de sœur. A l’intérieur étaient cousu des dizaines de totems.  Je reconnaissais le totem du Sanglier, c’était une famille qui nous avait aidé à récolter le grain une année. Chacun de ces totems représentait le dernier de la famille. Les rumeurs étaient donc vraies. Pire. La personne qui avait mené cette traque meurtrière était juste en face de moi.  

Durant tout ce dialogue Evania avait le regard rivé vers le sol. Elle n’avait pas bougé et ne faisait que trembler comme un enfant terrorisé. Elle se mit à pleurer.  

Je me rapprochai d’elle. Plus je m’avançait plus elle se recroquevillai sur elle-même. Elle sanglotait, comme si elle essayait de retenir ses pleurs. Je sortit mon avis de recherche de ma poche. Même si l’image ne correspondait pas parfaitement, on pouvait très bien imaginer qu’il s’agissait de la même personne.  

Je passai ma main sur son cou là ou devait se trouver la cicatrice. Mes doigts croisèrent du maquillage. Sous ce maquillage, une tache rouge. Elle était aussi la personne que je recherchais moi, simplement avec un autre nom.  

– S’il te plait…  

Inava était en train de sangloter sur le pied de l’escalier. Elle avait sans doute assisté à la scène. Elle supplia.  

– Elle mérite une seconde chance…  

Antonio rétorqua.  

– Elle a déjà eu autant de chance de se repentir qu’elle a tué de Totémites.  

Et c’était vrai. Elle n’en était surement pas à sa seconde chance. Je me souvint d’un proverbe.  

Et ainsi, une décision fut prise.  

En serrant ma dague dans ma main, une phrase quitta mes lèvres.  

« Certains crimes ne peuvent pas être oubliés. »  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Le soleil venait à peine de se lever, mais je n’avais pas réussi à dormir de la nuit. Je venais de reboucher la tombe que j’avais mis une bonne heure à creuser. Le corps c’était gorgé d’eau pendant la nuit, le rendant fastidieux à transporter.  

 J’étais assis en tailleur en train de jouer avec mes lames quand Inava s’approcha de moi dans mon dos.  

– J’ignorais que tu étais un Totémiste.  

– Mon père l’était, moi j’ai simplement un sens olfactif plus développé que les gens normaux.  

Silence  

– C’est comme ça que j’ai su que vous aviez fouillé mes affaires : votre odeur était partout dessus.  

Silence  

– Je suis désolé pour ce qui est arrivé à ton peuple.  

Silence  

– Je sais.  

– Est-ce que je pourrais juste demander ce que vous vouliez dire par « certains crimes ne peuvent pas être oubliés » ?  

– C’est plutôt explicite non ? Certains actes sont tellement graves que peu importe ce que l’on fait, ils ne seront pas oubliés et vous hanteront jusqu’à la fin de vos jours.  

Silence.  

– Je vois. J’ai vu aussi que vous aviez récolté tous les totems qui étaient cousu dans la cape de Evania.  

– Effectivement.  

– Qu’allez-vous en faire ?  

– Je vais les donner aux orphelins pour qu’ils puissent jouer avec. Ce sont des chouettes amulettes.  

– C’est tout ?  

– Oui, c’est tout. Ces pendentifs avaient peut-être une valeur spirituelle un jour, mais plus aujourd’hui. Autant qu’il servent une bonne cause. Et puis, qui sait, peut-être y a-t-il un Totémite parmi les orphelins ?  

Silence.  

– Je n’oublierai jamais ce qui c’est passé hier soir.  

– Moi non plus.  

Silence.  

– Vous aviez un choix. Celui de tuer Antonio pour protéger Evania Ou de laisser Antonio tuer Evania.  

– J’aurais pu tuer les deux aussi.  

– C’est vrai. Et pourtant vous avez choisi. Pourquoi ?  

– Antonio avait raison. Evania a eu autant de chances de faire le bien qu’elle a tué de Totémites.  

– Mais je suis persuadé que si aujourd’hui on lui donnait une chance de plus, elle la saisirait.  

– Peut-être.  

– Si ce n’est pas ça, et si son crime est impardonnable, pourquoi l’avoir sauvée ? pourquoi avoir tué son frère ?  

Je souri.   

– Au moment de devoir choisir, je me suis souvenu d’un proverbe.  

 

« Les plus grands chefs sont ceux qui se battent pour la dignité des faibles ». 

 Peut-être qu’un jour Evania était une terreur du champ de bataille. Peut-être qu’un jour elle a commis des crimes sans nom. Mais aujourd’hui, elle est la personne la plus affaiblie que je connaisse.  

– Pourtant, certains crimes ne peuvent pas être oubliés. C’est vous qui l’avez dit n’est-ce pas ?  

– J’ai dit ça pour tromper la garde d’Antonio. Mais sinon, le crime n’est toujours pas oublié. Mais je sais qu’un jour la personne sera pardonnée.  

Inava souri en soupirant.  

– En tout cas, grâce à vous elle va bien maintenant. Mais les Gariens ne vont pas tarder à renvoyer un chasseur.  

Inava reprit un air sérieux.  

– J’aimerais que vous la preniez avec vous. Sans appartenance politique, clairement un guerrier émérite, et quelqu’un avec du cœur vous êtes le gardien idéal.  

– Inutile de parler à mon cœur. Mais vous semblez oublier que je suis chasseur de primes. Et quelque chose me dit que vous êtes capable de me payer pour une longue mission. Une mission à vie même.  

Inava me regarda avec un grand regard. Je n’arrivais pas à décrypter ce qu’elle pensait.  

– Ah vous êtes là.  

Une voix inconnue se fit entendre dans nos dos. Inava fut la première à se retourner.  

– Ah, Evania. Je te présente Ulysses, dernier descendant connu des totémistes, et assassin de ton frère. Il vient d’accepter un contrat à vie qui contient une seule consigne : te protéger.  

Je sentit ma gorge se nouer.  

– Hello ?  

Elle fit deux pas vers moi en silence , s’effondra à genoux et se mit à pleurer. 

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