Eliya
Le message d’Axel m’inquiétait, je me doutais qu’on devait avoir une conversation, je devais en avoir une avec Antoine aussi. Mais ce qui m’inquiétait le plus c’était le « je ne t’ai pas dit toute la vérité ». Je m’attendais au pire. J’ai donc préféré arrêter de boire. J’ai posé la bouteille sur la table, à contrecœur, mais je savais que je n’en avais pas fini.
Il ne mit pas longtemps à arriver, il frappa à ma porte et je me suis dirigé dans l’entrée pour lui ouvrir. Il avait l’air triste, abattu. Son regard en disait long, et sans qu’on ne se dise un mot, instinctivement je l’ai pris dans mes bras. Je sentais qu’il n’avait besoin que de ça. Du réconfort.
Je l’ai pris pas la main, j’ai récupéré ma bouteille de tequila posée sur la table basse, et je nous ai conduit sur la terrasse. J’ai bu une gorgée et je lui ai tendu la bouteille. Il l’a prise sans même regarder, quel liquide, lui servirait de refuge.
J’ai allumé une cigarette, lui ai tendu mon paquet.
— C’est grave ce que tu as à me dire ?
— Si on veut.
— Est-ce que ça me concerne ?
— Pas tellement.
— Alors, pourquoi ne pas avoir dit la vérité ?
— Tu comprendras.
Je me suis tourné vers lui, et j’ai planté mes yeux dans les siens.
— Alors, explique-moi. Maintenant.
Axel prit une grande inspiration et commença son récit.
— Quand j’étais à Paris, tu le sais déjà, j’ai eu des ennuis et j’ai fait de la prison. Tout ça, tu le sais. Ce que tu ne sais pas en revanche, c’est que j’aurai pu éviter la prison, j’aurais pu faire de simples travaux d’intérêt. Mais mon père, qui est mon avocat, en a décidé autrement. Il voulait absolument rentrer dans un grand cabinet d’avocat à ce moment-là, le genre de cabinet, pour finir sa carrière au summum. Simplement avoir un fils qui traîne le nom de la famille dans la boue, c’est très mal vu. Alors il a demandé une peine lourde pour marquer le coup. J’ai fait ma peine de prison, et quand je suis sorti, je ne suis pas passé par la case maison. Je suis directement descendu dans le sud. Et je n’ai plus donné de nouvelles.
Il ne me regardait plus, il regardait par-dessus le balcon, il reprit son souffle et continua.
— Il faut que tu saches que ma famille est très riche. En partant, j’ai renoncé à tout ça. Simplement pour eux ce n’est pas le cas. Même si j’ai 28 ans je suis encore rattaché à eux. Simplement j’ai fait une connerie. Tu me diras une de plus, au point ou j’en suis. Et c’est là que le mensonge commence.
Il se retourna vers moi et me prit les mains. Je ne disais rien je le laissais faire. Je l’écoutais, ne sachant pas à quoi m’attendre.
— Le soir où vous étiez tous chez l’avocat, je suis allé au restaurant, et j’ai menacé mon patron. Je sais quelque chose sur lui, et je lui ai fait du chantage. Simplement il m’a demandé une preuve. Alors je suis allé chercher cette preuve. J’ai rejoint Kim, tu sais le travesti que tu as vu à la sortie du commissariat avec moi, je l’ai rejoint dans le bar, où il bosse. Mon patron se tape des prostitués et en échange, il leur fournit de la coke. Je l’ai surpris une fois, la fille était jeune, et je me suis dit que Kim devrait peut-être la connaître, la ville n’est pas si grande après tout.
— Je crois que je commence à comprendre, lui dis-je.
— Du coup, j’ai trouvé la fille, Mélina, je l’ai payé pour qu’elle joue le rôle de ma petite amie, le temps d’une soirée. Juste assez de temps, pour qu’on aille au restaurant, que je l’exhibe aux yeux de tous, et surtout à ce connard. Ça a marché, enfin c’est ce que je croyais. Je lui ai demandé d’aller voir les flics, et de demander à ce que je ne fasse pas de prison.
— Pourquoi ? Et puis pourquoi ne pas lui avoir demandé de retirer sa plainte ?
— Je ne voulais pas que ça paraisse suspect aux yeux des flics, et je l’ai fait pour toi. Pour ne pas retourner en taule, pour ne pas t’abandonner.
J’étais touché par ses mots, je ne me sentais plus seul tout d’un coup.
— Et je suppose que ça s’est mal passé ?
— Disons que ça ne s’est pas passé comme prévu. Le lendemain du soir ou l’on s’est croisé, ou tu m’as vu avec Mélina, il est allé au commissariat, il a demandé à avoir les coordonnées de mon avocat, qu’il voulait négocier et en contrepartie retirer sa plainte. Alors les flics ont appelé, mes parents. Mes « géniteurs » ont joué le jeu, et ont dit qu’il était d’accord. Et l’autre connard les a appelés juste après. En leur racontant tout. La bagarre, le chantage. Tout. Et comme il a fait le rapprochement de nom de famille, il a su que l’avocat, c’était mon père. Alors il les a menacés, il leur a dit qu’il n’en resterait pas là. Et mes parents en bon gros connard eux aussi, lui ont demandé combien il voulait pour son silence.
— Et je suppose qu’ils ont accepté.
— C’est exactement ça, non seulement ils ont accepté, mais après que tu sois parti, j’ai appelé ma mère qui m’avait envoyé un message. Ils étaient au courant de tout. J’avais une envie folle d’aller lui repéter la gueule, tu n’imagines même pas. Si tu ne m’avais pas répondu positivement au message, c’est sûrement ce que je serai en train de faire.
— Je comprends, j’aurai sûrement fait pareil. Mais du coup, tout est arrangé en quelque sorte ?
— Non. Je me suis pris la tête avec ma mère, au sujet de mon père. Sur le fait que ça n’est plus ni mon père ni mon avocat à mes yeux. Parce qu’envoyer son fils en prison, pour un nom… Un poste… Je ne trouve pas ça correct. Alors ma mère m’a dit très calmement que si je n’étais plus rien pour eux, il n’y avait pas de soucis et que j’avais jusqu’à la fin de l’année pour leur rembourser la somme versée à l’autre con.
— Je vois. Et quelle est cette somme ?
— 10 000 euros.
Je crus m’étouffer avec ma propre salive.
— Pardon ?
— Tu as bien entendu.
— Et je suppose que tu n’as pas cette somme.
— C’est ça. Je vais devoir me retrouver un boulot, et plus vite que ça. Et je vais devoir enchaîner les combats de rues.
— Ce n’est pas une solution, Axel.
— Je n’ai pas le choix.
— Je peux te prêter l’argent, tu sais j’ai touché ce que mes parents avaient mis de côté pour moi, je peu…
Il me coupa la parole.
— C’est hors de question. Cet argent, c’est le tiens, c’est ce que tes parents ont économisé pour te mettre à l’abri.
— Tu me rembourseras Ax..
— Stop ! Je ne veux pas avoir cette conversation avec toi. Je ne veux pas te devoir du fric, je déteste ça. Je ne t’ai pas raconté tout ça pour que tu aies pitié, mais simplement parce que je te devais la vérité. Et que je ne veux plus de secret entre nous.
Il se leva et alla s’accouder sur le rebord du balcon. Je me suis levé et je l’ai rejoint. J’ai passé une de mes mains sur son dos.
— Merci, pour ça alors. Et quoiqu’il arrive, je te soutiendrai. Dans tous tes combats.
Il se retourna vers moi et m’embrassa. Se baiser signait un pacte entre nous, celui de se dire toute la vérité, toujours, et je n’allais pas y échapper. Il fallait qu’à mon tour, je lui donne des explications.
Les aveux réciproques peuvent sceller le couple.
la ✨ communication ✨
Ouais… Des promesses… pauvre Eliya.