Il a huit ans de plus qu’elle. Comment se sont-ils rencontrés ? Ô fortuitement. D’aucun dirait par calcul manipulateur. Mais pour elle, oui, fortuitement. Dans la rue une fin d’après-midi de décembre, certainement. Il faisait déjà nuit et froid, peut-être pleuvait-il. Elle marchait avec ses enfants en direction de l’église pour rentrer chez elle. Quand il débarqua plein phare avec son bolide. Elle était tétanisée tel un lièvre surpris au cours de sa traversée par un engin mécanique.
De quelle humeur est-il enveloppé ? Est-ce celle d’un homme victorieux, celle d’un sauveur ou bien encore émane-t-il de lui l’aura de quelqu’un qui n’a plus rien a perdre … peut-être même quelqu’un qui aurait tout perdu si cette rencontre ne se faisait pas ? Difficile à dire …
Elle, elle est entourée d’un halo sombre, une tristesse infinie marquée par le saut de l’infamie. Elle essaie de mener une existence apparemment normale. Mais ce qu’elle vit avec ses enfants n’a pas de nom. Elle se sent prisonnière des désirs de son mari. Elle se sent trahie. Entrainée malgré elle sur un chemin sans retour de plus en plus ardu et dangereux. En apparence belle et enviable cette vie se révèle cauchemar. Elle n’a même plus de tanière pour abriter ses petits. Les dangers dans ce qui leur sert de refuge sont omniprésents, l’inconfort est total. Le choc est soudain et violent. Elle en est profondément meurtrie. C’est ainsi qu’il l’a rencontre et qu’il lui tend sa main pour apporter un peu de chaleur, raviver un feu sur le point de s’éteindre.
Il la regarda avec intensité et ténacité. Il agrippa ce vide abyssal qui représentait pour lui absolument tout, tout ce qui lui manquait à ce moment-même : une femme à aimer et des enfants plein de vie à protéger. Rapidement il lui fit des gestes pour qu’elle ne parte pas. Sortant de sa voiture, il s’approcha d’elle puis, dans cette langue qui n’est pas la sienne, la supplia de rester. Au même moment, elle a un sentiment de répulsion. Lorsqu’elle le voit s’approcher d’elle, il l’effraie. Il a l’air bestial, presque pas humain, pourtant il se sent beau et fait fie de ce sursaut dont il semble habitué. Il agit comme s’il était un Apollon. Quel drôle de décalage. Elle s’immobilise avec ses enfants et au lieu de partir, elle attend-là que cet inconnu revienne. Que veut-il lui offrir ? N’est-ce qu’une basse technique de charme afin d’obtenir son numéro de téléphone ? Quand bien même, dans cette horreur de l’existence qu’y a-t-il de beau à percevoir ? N’importe quel être animé d’un peu de sensibilité sentirait le désœuvrement dans lequel vit cette femme. Cela n’a rien de beau ni d’enviable, encore moins d’attirant. Finalement, il offre une dinette aux enfants et un sourire astral à la maman. Un rayon de soleil qui brille dans le cœur et qui ne s’éteint plus. Il en sera ainsi pour chacune des rencontres entre ces deux étoiles. Les rayons seront de plus en plus chaud au fur et à mesure que les bêtes s’apprivoiseront. Mais pour lors le soleil brûlant enveloppe les corps, l’espace et le temps retenu dans un souffle de respiration. Voilà comment ces deux enfant intérieurs se rencontrèrent. L’une ayant perdu le chemin et l’autre n’ayant plus de famille. Et chacun de ces deux cœurs se réchauffa au contact de l’autre. La première redonnant la chaleur du foyer et le second la lumière éclairant le chemin.
Pourtant ce lien qui a toute l’apparence de l’amour n’en est pas. Trop proches ces entités se repoussent. Pourquoi ? Par peur, par doute, par immaturité ? La société humaine ne laisse pas de place à cette existence. Ainsi lorsque deux enfants intérieurs se rencontrent, le feu sacré qui consume leur lien n’appartient pas au monde des hommes et ne respecte pas ses lois. Il brûle par-delà la vie. C’est à distance qu’il s’observe, intact, éternel pour éclairer le monde puis se faire oublier.