Au bord du fleuve Limpopo

2 mins

Dans mon cœur
Coulait un fleuve amer
Le fleuve Limpopo.
J’avais six ans
Quand il roula
Pour la première fois
Devant mes yeux
Ses flots grisâtres et boueux.
Sur ses rives se prélasse
Un piton bicolore de rocher.
Dans ses eaux sommeille sournoisement
Un crocodile à la peau verdâtre.
Et dans la forêt qui le borde
Un jeune éléphanteau pleure
Emerveillé
De sa trompe
Nouvellement née.
Ces flots gris et boueux
 Roulèrent à nouveau
Devant mes yeux
Quand dans un livre
Un homme très doux
Murmura doucement dans mon cœur:
« Dans l’amour des autres
 La vie prend sens ».
Ils roulèrent devant mes yeux
Car quand il mourut sur la croix
En moi,
Qui de la haine ou de l’amour l’emporta ?
Le piton bicolore de rocher
S’est caché dans l’herbe sèche
Que fait bruire
Le vent froid et aigre du soir.
Le crocodile a encore grandi
Et sa gueule est assez grande
Pour me contenir.
Un vieil éléphant gris
Sur les bords du fleuve
Balance sa trompe ridée.
Dans les eaux du fleuve
Passe le corps d’une femme
Belle et mourante.
Pourquoi est-elle là
Dans ces eaux glacées
Celle qui par la magie de sa voix
Fit apparaître devant mes yeux
La jungle d’Afrique ?
Pourquoi le fleuve Limpopo
Roule-t-il son corps suicidé
Dans ses eaux grises et glacées ?
Qu’a-t-il manqué
A la tendresse
A l’intelligence
A la douceur
A la délicatesse
A l’humour
Pour qu’un jour
Son pied glisse dans la boue
Au bord de ce fleuve enchanté
Pour que son souffle s’engloutisse
Dans cette noyade cruelle ?
Ainsi bat le cœur
D’un vieil éléphant.
Si vous prenez doucement sa trompe
Vous sentirez
Dans chaque battement de son pouls
Revenir cette unique question lancinante :
« Que manque-t-il à la vie
Pour que les corps des suicidés
Passent doucement
Blancs et gris
Dans les eaux
Du fleuve Limpopo,
Que manque-t-il à la vie
Pour que les hommes
Tuent le meilleur d’eux mêmes ? »
Dans la jungle silencieuse et brûlante
Dans les cris des oiseaux
Résonne cette question :
« Que manque-t-il à la vie ?
Que manque-t-il à la vie ?
Que manque-t-il à ma vie ? »
Et nul ne répond
Car rien ne manque à la vie.
Un jour sur le fleuve
Une barque passera
Doucement
Au fil de l’eau.
A son bord un homme
Tient ce fil fermement
Pour voguer vers l’horizon
Sans fin
Sans fin.
Son bateau s’appelle le pourquoi pas.
Avec son ami Pascal
Il a fait un pari :
Trouver là-bas la mer
Qui du sel de ses eaux
Dissoudra l’amertume,
Le sel des larmes,
L’amertume du chagrin.
Là-bas les flots grisâtres et boueux
Du fleuve déposeront dans le silence des fonds
Le limon des terres hautes.
Ainsi les corps blancs et gris
Qui passent entre les rives du fleuve
Viendront se coucher
Dans un lit très doux
Et seront recouverts
Tout doucement
Très lentement
De sable blanc.
Tu liras alors
Dans les ridelettes
Qui se forment
Sur les fonds
La réponse à ma question.
Au creux de ton oreille
Comme dans un coquillage nacré
Elle se dira.
Et nul autre ne l’entendra
Car c’est une parole
Entre ton Dieu et toi.

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