a 6 minutes de lecture
« J’allais partir vous chercher, il faut nous dire à l’office quand vous vous absentez, on doit vous enlever les bandages aujourd’hui. »
« Laissez-moi tranquille, je ne veux voir personne, j’en ai marre de cette clinique. »
J’ai jeté les béquilles, pas elle, et sûrement pas maintenant, je n’ai envie de rien entendre. Je me suis mis sur le lit la face sur l’oreiller et j’ai versé des larmes que personne ne peut voir, j’ai bouché mes oreilles en remontant les mains, je sens au fond de moi comme un goût de tristesse, quelque chose qui remonte d’un rêve précédent, et puis il y a ce vieux dans la cafeteria, je veux partir d’ici sinon je deviens fou.
«Monsieur, s’il vous plaît, je viens retirer votre pansement. »
Je ne reconnais pas la voix, j’ai dû m’assoupir, je distingue le frôlement d’autres personnes, je crois que je vais mieux j’ai pu me reposer, plus de pensées tristes, et j’entends murmurer comme si on dictait au parleur ce qu’il doit me dire.
« Monsieur ? Vous êtes réveillé ? Je suis désolé, j’ai d’autres personnes après vous. »
Je ne bouge toujours pas, je veux me faire prier comme un enfant gâté, et j’entends quelques mots.
« Il a vu Mr Derieux avoir une attaque en bas, ça a dû le choquer. »
« Taisez-vous, attendez qu’il se réveille. »
Là, j’ai reconnu le prof de chimie, ne pas lui faire confiance, je commence à m’étirer comme si je revenais d’un long sommeil.
« Bonjour jeune homme, je vous l’avais promis, on va vous enlever le pansement pour de bon. »
S’adressant à l’infirmière,
« Merci mademoiselle, vous pouvez y aller. »
Et de nouveau pour moi,
« ça va être rapide, juste une formalité, je voudrais vous montrer quelque chose juste après. »
L’infirmier s’avance vers moi, il me tourne les épaules et se place dans mon dos, je suis toujours sur mon lit.
« Ne bougez pas s’il vous plaît, le temps que je vous débarrasse. »
Ses mains chaudes emmaillotées de gants se promènent sur mon crâne, je le sens tirer sur un sparadrap, écarter les lobes de mes oreilles et j’entends le long bruit d’une bande scratch que l’on décolle. J’avais serré les dents, plus par peur qu’autre chose, mais je n’ai rien senti, je vois quand il enlève par-devant une sorte de bouée de bain, et d’un seul coup j’ai froid à la base du crâne et tout autour du cou, il vient de m’ôter mon écharpe. J’étais persuadé qu’il y avait des couches et des couches de pansements mais non, juste un collier rembourré.
« Voilà, c’est fait, je vous laisse, bonne journée monsieur. »
Aussi simple que ça, et il repart en refermant la porte, je me retrouve seul avec le Docteur.
« Donnez-moi votre main, je vais vous faire sentir. »
Il promène mes doigts sur la base de mon crâne, une longue boursouflure en forme de croix, et horreur, je n’ai plus de cheveux, tout est rasé en bas, je sens juste quelques poils naissants autour d’une cicatrice. Il a dû sentir ma surprise parce que j’ai tourné rapidement ma main autour en cherchant la limite du rasage.
« Ne vous inquiétez pas, ça va repousser, on a dû vous dégager pour l’opération. »
Ce faisant, il me lâche la main et enveloppe mes oreilles. De droite à gauche et de haut en bas, trés léger au début ensuite plus appuyé il fait bouger ma tête, ça me fait mal à la fin, je pousse un petit cri.
« Pardon, je vais recommencer plus lentement, mais vous me direz stop à chaque fois que je suis au bout du mouvement ou que ça vous fait mal. Prêt ? »
Je hoche difficilement de la tête, il me tient bien serré et recommence ses gestes.
Droite, gauche, haut, bas, plusieurs fois de suite, je le limite par mes mots, je m’aperçois que je n’ai pas vraiment mal, c’est moi qui me crispais.
« Bien, bien, tout va très bien, maintenant j’aimerais que vous le fassiez seul. Je vous regarde. »
Il ressort son carnet, longtemps que je ne l’avais vu celui-là, il écrit quelques mots tout en me regardant et hoche de la tête, il range le tout dans sa poche et pose sa main sur ma nuque pendant que je remue, je sens quelques craquements, ça me fait sourire maintenant, on dirait une mécanique mal huilée, mais aucune douleur, il y avait longtemps que je n’ai pu faire ça.
« Bien, bien. Merci, ça ira, mieux que je ne pensais, je pense que nous allons limiter la rééducation à sa plus simple expression, vous allez pouvoir sortir plus tôt que prévu. »
Le carnet de nouveau en batterie, il écrit quelques mots et me regarde tout en semblant chercher quelque chose à dire, et après quelques instants de silence.
« Nous allons vous faire passer une IRM, ne vous inquiétiez pas, ce sera comme des photographies de l’endroit de votre blessure, l’extérieur est correct ainsi que vos mouvements, mais il faut que l’on voit plus loin. Je vais m’occuper d’avertir vos parents. Vous m’arrêtez si vous ne comprenez pas. »
J’avais bien compris la radio, mais j’irais quand même poser la question à mon ami Google, je n’ai toujours pas confiance.
« Si, si, ça va, je vais bientôt sortir alors ? »
« Je vous l’ai dit, vous vous êtes bien rétabli, par contre certaines petites choses qu’il faut que nous vérifiions au niveau du fonctionnement. »
Je le voyais réfléchir, que va-t-il me sortir encore ?
« Je pense que vous avez vu le vieil homme en bas avoir un malaise, ce n’est pas habituel pour vous, qu’ avez-vous ressenti exactement ? Dites-le-moi avec des mots simples, j’ai l’habitude. »
Nous y voila, ne pas lui faire confiance, ne pas faire la réponse qui l’arrange.
« J’ai eu peur, il m’a fait peur quand il s’est mis à crier, je me suis dépêché de rentrer. »
«Bien, bien, et vous vous êtes endormi parce que vous aviez peur. »
« c’est ça oui, j’ai eu très peur. »
« Bien, bien, une autre petite question, et je vous laisse, je crois que c’est bientôt l’heure de manger, vous devez avoir faim avec tous ces mouvements. J’ai remarqué certains petits pics d’alerte sur les moniteurs, rien de bien méchant bien sur, mais si les infirmières n’avaient pas été occupées ailleurs, elles auraient dû venir voir de suite. Si vous vous levez trop souvent et faites vos exercices de marche avertissez les, sinon elles s’affolent pour rien. »
« C’est quoi la question, je n’ai pas compris. »
« Pardon, excusez-moi. Vous faites encore des cauchemars qui vous fatiguent ? »
« Un peu, mais ça va mieux maintenant, surtout que je sais que je vais bientôt rentrer. »
« Bien, bien. Vous êtes un garçon intelligent et solide, ça se voit, mais tout seul ici on s’ennuie, il faut bien s’occuper. Je reviendrais vous voir pour vous suivre encore un peu mais à priori, tout va bien. Je vous parlerais de mon travail, peut être que ça vous donnera des idées pour l’avenir. »
Dès qu’il tourne les talons, j’en profite pour me lever, je saute à cloche pieds jusqu’à la salle de bain pour tenter de voir derrière, je n’y arrive pas je ne peux que toucher, il faudra que je demande à maman de m’apporter une autre miroir, comme il n’y a rien à faire dans l’attente du repas, je me mets sur le petit bureau à côté du lit et j’ouvre l’ordinateur, j’ai des choses à chercher, mes notes à compléter, je pense à ce qu’il m’a dit. Il ne se doute de rien, mais j’ai une drôle d’impression, ses questions n’étaient pas des questions, il cherche quelque chose, j’en suis sûr, il ne sait rien, mais il cherche, j’ai souvent été mal quand je suis dans un rêve, je crois qu’il s’en doute, mais moi je sais qui il est.
Google mon ami, parle-moi d’IRM.