Je suis au bar d’un bel hôtel du centre-ville de Toronto, sirotant mon cocktail en l’attendant. Le happy hour est entamé et la clientèle d’affaires branchée commence à arriver.
Je porte ma robe bleu royal pour la première fois depuis la naissance de mon fils, qui vient d’avoir un an. J’étais soulagée lorsque j’ai réussi et à remonter la fermeture éclair sans trop me dandiner. Mes talons hauts chics, eux, ont été retrouvés grâce à une fouille archéologique de ma garde-robe. Je suis assez fière du résultat, je me trouve particulièrement en beauté, ce soir. Quand je regarde autour de moi, je soupçonne qu’une agence de mannequins est établie pas très loin d’ici. Les filles sont vraiment jeunes et magnifiques. Cela étant dit, j’assume mes trente-deux ans. Je crois sincèrement qu’elles font bien de profiter de tout ce que la nature leur a généreusement donné, parce que, comme toutes les femmes, elles découvriront bien assez vite que la fermeté est un prêt à court terme.
Mon cœur s’emballe lorsque, finalement, il fait son entrée. Je suis fébrile de le retrouver enfin. J’entame ma démarche sexy en le fixant de mon regard de feu, mais mon élan est complètement freiné quand je m’aperçois que je n’étais pas la seule à l’attendre. Une spectaculaire blonde en robe rouge, probablement issue de l’agence de mannequins du coin, le rejoint avant moi. À voir leurs sourire, je comprends que cette rencontre n’est pas le fruit du hasard. Mon cœur a cessé de battre pendant ma prière intérieure. Il faut qu’il s’agisse d’une simple collègue, beaucoup trop jeune et sexy. Mais, au bout du compte, peu importe qui elle est, mannequin ou représentante pharmaceutique, la façon dont il l’embrasse ne laisse aucun doute quant à la nature de leur relation.
Ma famille, mon couple, mon monde vient de s’écrouler sous mes yeux dans un hôtel chic du centre-ville de Toronto. Je suis totalement figée devant la scène et, pendant que je les vois rire, je me dis que je devrais réagir. Quelles sont les options dans une telle situation? Lui lancer mon verre d’alcool? Non, j’en ai beaucoup trop besoin en ce moment. Je pourrais le gifler et l’engueuler, mais ce n’est pas mon style, et c’est moi qui aurait l’air d’une folle finie, alors que c’est lui qui devrait être humilié. Me sauver? Trop tard, mon temps de réflexion a été trop long, il m’aperçoit. Je reconnais la panique dans ses yeux ; on dirait un enfant surpris pendant un mauvais coup. Mais aucune tristesse. C’est à ce moment précis que tout devient évident dans ma tête : le père de mes enfants de un et quatre ans n’est plus mon amoureux.
– Caroline, qu’est-ce que tu fais ici?
C’est drôle, à sa place j’aurais opté pour le classique : Ce n’est pas ce que tu penses.
– Eh bien, Simon, je voulais te surprendre… Mais il semblerait que c’est toi qui as réussi.
Mon orgueil voudrait tellement que je sois fort, mais, malheureusement, l’émotion prend le dessus et ma voix commence à être chevrotante. Je décide de laisser place à la colère, qui agira comme un frein aux larmes imminentes. Puisque je n’ai pas réussi à trouver de bonne réaction à la situation, j’utilise les deux mauvaises, une à la suite de l’autre. Je prends un verre d’eau sur la table voisine (il ne mérite pas un drink à quinze dollars) et je lui jette à la figure, suivi d’une claque bien sentie. Je finis à consommation et la conversation.
– À ta place, je prolongerais mon voyage d’affaires à Toronto, le temps de trouver un endroit ou habiter.
Je quitte le bar, escortée par deux portiers qui n’ont pas trop aimé que le happy hour ne soit plus aussi heureux.
Voulez-vous que j’écrive le Chapitre 1?