Ma vie est trépidante, je ne m’ennuie jamais, même si on me confine.

6 mins

Mais qu’est-ce que je fous là, encore dans les emmerdes je l’aurais bien cherché, tout ça en vingt quatre heures, et l’autre qui m’attend.

Le téléphone sonne, j’ai pas envie de répondre, pas envie de regarder qui à besoin de papoter, je suis dans la cuisine à me préparer à manger, pour une fois j’ai craqué tellement j’ai perdu de poids, j’ai failli tomber hier, je me sentais trop faible, le chat lui, il s’en fou il profite de boites, des mois que je ne sors plus, son menu depuis hier c’est du pâté aux truffes, il n’a plus de croquettes, j’ai plus envie de sortir.
Deux tranches de pain rassis un peu de son pâté, il a senti l’odeur, je garni son écuelle en même temps, s’il pouvait raconter son menu aux autres chats du quartier, j’aurais la cohue devant la porte.
Le pain est dur comme tout mais je mange, je n’ai pas vraiment faim, quelle drôle de sensation de mâcher sans en avoir envie, mais j’entends l’estomac qui me remercie en grondant de plaisir.
Je ne sais pas vraiment quel jour nous sommes, je dors par petits coups, c’est grâce à mon greffier que j’arrive a savoir si on est le matin, c’est l’heure ou il se manifeste en temps normal pour que je remplisse sa gamelle, dormir j’ai oublié, assis sur le fauteuil ou sur le canapé, pendant de longues minutes je reste les yeux fermés, il me semble que je dors, je n’en suis pas certain, mais je vois un visage qui se penche sur moi, qui caresse mes lèvres, je me dresse d’un coup, il fait nuit, il fait jour, mais je ne vois personne, j’ai cru qu’elle était là.

Deux messages coup sur coup :
— Michel, j’ai commencé, je vais partir sans toi.
—Michel, deux barres de Lexomil, m’endormir pour toujours, je vais partir sans toi.

—Ne fais rien de plus, j’arrive, je suis dans le garage, je démarre la voiture.

Je laisse tout en vrac sur la table de la cuisine, je cours dans la salle de bain, des semaines que je ne me suis pas lavé entièrement, je vis en pyjama, je fouille dans mon placard, des vêtements potables, elle ne me parle plus et d’un coup elle écrit, deux ans qu’elle est partie, qu’elle a changé d’amant, deux ou trois je suppose, j’ai cru entendre parler par des amis communs, elle cherche du réconfort, elle écoute des mensonges, mais je sais et suppose qu’ils s’amusent avec elle.
Elle peut être crédule, elle croit sans vraiment croire, je sais qu’elle est lucide, comment peut on se laisser faire en ayant pleine conscience, je ne suis pas parti, c’est elle qui m’a quitté, je ne proposais rien j’attendais qu’elle me dise, on pose tout par terre, personne n’a raison de nos deux caractères, je fais des concessions, et toi tu fais de même, mais dans sa vie à elle, les autres ont toujours tort, c’est à moi de plier, alors elle est partie, deux ans que je la vois qui se penche sur moi, deux ans que je suis mort et pourtant je repars comme si c’était hier, je pars à son secours.
Je ne sais pas vraiment quel jour on est, peu de circulation, beaucoup moins que d’habitude, on dirait une ville morte, il doit être midi j’ai regardé sur le téléphone, le message venait d’elle, je ne l’écoute pas, les SMS me suffisent, le temps de me garer je l’appelle pour qu’elle ouvre, je suis inquiet, aucunes réponses, et je n’ai plus le code, juste à ce moment là, une personne entre dans l’immeuble, je me glisse derrière, pas le temps d’attendre l’ascenseur, je suis très fatigué, et je suis inquiet, je saute de marche en marche, je tourne la poignée elle n’a pas clos la porte, je jette mes affaires, elle me semble endormie sur le canapé, j’écoute sa respiration, je pose ma main sur son cou pour sentir ses battements, elle ouvre légèrement les yeux, je dois avoir la main froide quand je lui prends la sienne, j’étale une couverture que je trouve à coté.

— Comment es tu entré, j’ai oublié de fermer sans doute.
— Bonjour petit amour, je suis avec toi, rendors toi, je te veille.

Je ne sais pas vraiment si elle a conscience de ma présence, mais je me sens rassuré, elle n’a dû prendre que peu de son médicament, sa réaction me semble bonne, si j’appelle des secours, elle ne va pas aimer, si j’appelle sa famille, je crois qu’elle s’est fâché, elle ne va pas aimer,  je prends un risque calculé, et je tire un fauteuil au plus près pour surveiller sa moindre réaction.
J’ai les pensées qui tournent, je me sens fatigué, mais je n’ai pas le droit de m’endormir, je grille cigarette sur cigarette la terrasse reste ouverte,  je me lève de temps en temps pour me faire un café sans la quitter des yeux, que parfois elle ouvre en me disant quelques mots, elle sait que je suis là maintenant, et se rendort aussitôt, ça a duré des heures, des heures que je surveille, je n’ai pas le droit de dormir.

J’entends mon téléphone biper, je n’ai plus de batterie, il faut que je le charge, je cherche du regard ou elle a mis le sien pour pouvoir me brancher, quand je le déconnecte, il s’allume je vais pour le poser, et j’appuie sur des touches, je tombe par hasard sur un dernier message adressé à quelqu’un.

— Je t’aime moi aussi.

Je regarde la date, c’était hier, une énorme explosion est en train de me consumer, il y des choses bien, il y a des choses mal, je ne réfléchis plus, je lis en diagonale, il ne peux pas venir, mais il dit qu’il préfère rester avec sa femme, qu’il peut aimer deux êtres, mais pas dans le même registre, s’il vient de cinq à sept quelquefois en passant, il aime la caresser quand il a un peu de temps, je suis anéanti, je verse dans le mal, quand je lis ses réponses, je vois qu’elle à conscience, qu’elle ne sert que ses envies, mais elle écrit quand même qu’elle attend et qu’elle l’aime, et elle le traite de lâche, et c’est là que je verse vers le mauvais coté.

— Bonjour à toi, elle me semble au plus mal, elle a pris des cachets, reste avec ta femme, il y a des priorités physiques à choisir, je suis son ex amant, si tu veux des nouvelles, je suis là.

Je branche mon téléphone, j’attends qu’elle se réveille, j’assume, j’assume tout, quand elle sera consciente, il faut que je lui dise et que je disparaisse, je ne suis pas endormi, je n’ai toujours pas faim, ça va faire vingt quatre heures.
Elle se réveille enfin, je lui prépare un thé, je l’aide à se redresser.

— Bonjour petit amour, quand tu auras fini, j’ai quelque chose à te dire.
— Ça va mieux maintenant que tu es là, je finis et tu me racontes.

J’ai assumé, j’ai raconté, on a parlé de lui, de moi, d’elle et ses choix, elle sait qu’il ne l’aime pas, un de plus en attendant le suivant qui va lui dire je t’aime, en attendant un autre, elle fera semblant de croire, l’esprit et le physique, moi je ne sais pas dissocier.

— Merci, merci d’avoir écrit, d’avoir eu ce courage de ne pas te cacher, d’écrire que tu es là, mais jamais tu ne m’as proposé, tes idées farfelues, je n’ai pas l’impression que tu avances comme moi.

Je n’ai pas le temps de réagir, elle prend un tube à ses cotés que je n’avais pas vu, je lui arrache des mains, mais elle à le temps d’en avaler un peu, je le met dans ma poche tout en tentant de la faire déglutir, elle referme les yeux, je la prends dans mes bras, je la couche sur le canapé et je reprends son téléphone, je fouille  à la recherche du numéro de son mari qu’elle m’a toujours dit vouloir quitter bientôt, c’était il y a deux ans, je ne suis pas sa famille, juste un ancien amant qui est toujours amoureux, j’appelle les secours et je referme la porte.

Un mec prés du parking, j’aperçois dans sa main, une longue tige de fer, on dirait le mari, j’entends une sirène pas loin qui se dirige ici, ma vie est trépidante, je ne m’ennuie jamais, tout au moins jusqu’à maintenant, j’assume mon coté mal, juste un peu de courage ou bien de lâcheté, il fait soleil dehors on est lundi midi, il y a quelques jours, j’ai besoin de dormir, de revoir son visage qui se penche sur moi.

Je ne sais plus grand chose, je suis rentré chez moi juste un peu cabossé, cet amant de passage qui parait il aimait toutes celles qui lui disent oui, était vraiment inquiet, inquiet de savoir si sa femme l’apprenait, rien de plus rien de moins,  il a écrit en retour, juste quand je suis parti…

On est en confinement, je continue le mien, mais moi j’ai l’habitude, il me reste des boites, le chat va avoir faim.

No account yet? Register

2 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
MARTIN-IAECK Marie-Francoise
MARTIN-IAECK Marie-Francoise
4 années il y a

Tu viens d’immortaliser ce désespoir de ma Vie… cette descente aux enfers que j’ai subit…"le" prénom méritait d’être inscrit… "participation" à la démolition de mon édifice… Merci d’avoir été présent, désolée pour le dérangement…. dans l’au-delà ne devais repartir…. il me faut aujourd’hui me reconstruire… reprendre gout à la Vie…. incroyable cette amnésie…
"Une Vie ne vaut rien…mais rien ne vaut une Vie"
André Malraux

Lire

Plonge dans un océan de mots, explore des mondes imaginaires et découvre des histoires captivantes qui éveilleront ton esprit. Laisse la magie des pages t’emporter vers des horizons infinis de connaissances et d’émotions.

Écrire

Libère ta créativité, exprime tes pensées les plus profondes et donne vie à tes idées. Avec WikiPen, ta plume devient une baguette magique, te permettant de créer des univers uniques et de partager ta voix avec le monde.

Intéragir

Connecte-toi avec une communauté de passionnés, échange des idées, reçois des commentaires constructifs et partage tes impressions.

2
0
Exprimez-vous dans les commentairesx