L’attente fut longue. Plus les heures passaient, plus les réunions s’écoulaient, plus mon espoir d’avoir une explication s’éteignait. Dans peu de temps il quitterait son bureau, définitivement. Cette journée, de rentrée pour moi, était celle du départ pour lui. Il fallait que je le croise une dernière fois. Je ne pouvais pas partir, comme ça, sans savoir. Mais je ne maîtrisais rien. Je n’étais même pas certaine qu’il soit encore là. Impossible de rester concentrée, je n’entendais plus ce qui se disait autour de moi, je n’avais plus qu’une envie : sortir pour espérer le croiser.
« Excusez-moi. Je me permets de venir vous dire au revoir et vous souhaiter une bonne continuation. » Il venait de passer son joli minois à la porte. Alors c’était comme ça que l’on se dirait adieu ? De manière si impersonnelle. Je ne pouvais le permettre. Je profitais de son passage opportun pour clôturer l’entrevue d’équipe. Il était en train de faire le tour des salles pour saluer les gens, c’était le moment idéal. Une fois son tour terminé, il reviendrait sur ses pas. Je me pressais donc de ranger mes affaires et me faufilais dans le couloir. J’entendais sa voix au loin. Comme je l’avais prédit, il reprit le chemin en sens inverse. Je fis mine d’avancer avec la plus grande normalité qui soit. Je l’entendis soudain presser le pas.
« – Alors ça y est, votre journée se termine Mme L. ?
– Et bien, pas tout à fait. J’ai encore une réunion à subir. Mais ça vient bon. Et vous alors, c’est le moment du départ ?
– Il faut croire que oui. J’ai du mal à me dire que je ne reviendrais plus ici et que je ne verrais plus votre joli sourire. »
Aïe. Nous y voilà. Gêne. Je souris niaisement en guise de réponse.
« – Vous avez trouvé quelque chose dans votre casier ? »
A ces mots, les battements de mon cœur s’accélérèrent. Cette question était ma réponse. J’avais vu juste.
« – Eh bien… Oui… Alors comme ça, c’était vous ?
– J’espère que vous ne prenez pas mal ce geste. Il me semblait impossible de partir sans vous avoir dit à quel point vous m’aviez marqué mais je ne savais pas comment m’y prendre sans vous paraître insistant et indélicat.
– Oh… excusez ma gêne, je suis un peu troublée, je ne m’attendais pas à ça. Qu’aurais-je pu mal prendre ?
– Cette rose. Ou les propos que je viens de tenir.
– Rassurez-vous. Je trouve tout ça inattendu mais totalement élégant. Je vous avoue être un peu perturbée.
– Et moi je vous avoue être soulagé. Je ne me voyais pas quitter l’établissement sans avoir discuté de ça avec vous. Je vous laisse vous rendre en réunion, vous devez être attendue. Au revoir Mme L. »
Il me tendit la joue. Je portais toujours sur le visage un sourire figé. A vrai dire je n’étais pas soulagée d’avoir eu la confirmation de ce que je pensais, je me sentais plutôt frustrée. J’avais cette impression de quelque chose d’inachevé.
C’est donc avec le cœur lourd et l’esprit embué que je répondis à son au revoir et me rendis en réunion.