Sa conscience émergeait, il reprenait corps avec la réalité.
Bien qu’il eût les yeux fermés, il devinait la lumière, chaude, flavescente à travers ces paupières. Aucun son ne parvenait à ses oreilles, tout était calme autour de lui, divinement calme.
Puis elle arriva, fulgurante et incisive. La douleur dans son crâne prit subitement toute son attention, et finit de le réveiller. Il gémit.
— Marcus ? c’était une voie de femme, douce et inquiète.
— Marcus, es-tu réveillé ?
Il gémit de nouveau.
— Mon cœur, es-tu là ?
— Qu’est ce qui se passe ? Où suis-je ? Articula Marcus.
— A l’hôpital mon cœur, tu as eu un accident. Tu te souviens ?
Marcus ouvrit doucement les paupières. La lumière coruscante lui brûlait les yeux.
— Quoi, un accident ? Ses souvenirs étaient flous, il ne se rappelait pas …
— Quand ? Ça fait longtemps que je suis à l’hôpital ?
La femme lui répondit :
— Ça fait quatre jours maintenant, mon cœur.
— Que … Que s’est-il passé ? demanda-t-il.
— Tu t’es fait renverser par une voiture… Je croyais que tu étais mort.
Ces derniers mots s’étranglèrent dans sa gorge. Elle était au bord des larmes, Marcus pu le percevoir. Il sentait la détresse de sa femme, et voulu la rassurer en lui prenant la main. Mais ses membres engourdis refusèrent de se mouvoir, il ne put que bouger les doigts. Erika rapprocha sa main, leurs doigts se mêlèrent. Elle s’approcha encore et colla son oreille contre sa poitrine. Elle resta quelques instants posées sur lui, puis releva la tête et lui déposa un baiser sur le front.
— Je ne me souviens de rien dit-il.
Il regardait sa femme, désespéré.
—Que s’est-il passé ?
Une larme roula sur la joue d’Erika.
— Tu es partit faire une course, à pied. Tu voulais prendre le journal je crois. Des témoins disent que tu as traversé la route sans regarder et que tu t’es fait renverser par une voiture. Le chauffeur ne s’est pas arrête. Personne n’a eu le temps de prendre le numéro de la voiture…
— Je ne me rappel de rien du tout …, dit-il implorant.
— C’est normal Marcus.
Le docteur White venait d’entrer dans la chambre. Sa voie était grave et pleine d’assurance, réconfortante dans une certaine mesure.
— Dans ce type d’accidents, reprit-il, les patients ne se souviennent que rarement des détails. Il est possible que cela revienne, ou pas. En tout cas, vous devez vous reposer, c’est la clef du rétablissement.
Il se décala légèrement sur la gauche, laissant libre le passage jusqu’à la porte de la chambre, invitant ainsi Erika à quitter la pièce.
Le docteur White se rapprocha de Marcus et se pencha légèrement vers lui :
— Dormez maintenant Marcus, dormez. Nous nous souviendrons plus tard.
La fatigue l’envahie subitement, il ferma les yeux et s’endormit aussitôt …
— Bonjour Marcus, réveillez-vous s’il vous plait, la voie était féminine, douce mais décidée.
— Allez, faites l’effort, ouvrez les yeux, je dois vous faire prendre vos médicaments.
Marcus ouvrit doucement les yeux, la lumière du jour était moins difficile à supporter, ces yeux mirent moins de temps à s’habituer à la clarté ambiante.
— Bonjour, répondit-il, je dors depuis combien de temps ?
— Vous avez dormi toute la journée, il est presque dix-neuf heures, répondit l’infirmière. Elle se pencha vers lui, un gobelet en carton dans une main et deux cachets bleus dans l’autre.
— Tenez, avalez ça…
— D’accord. Vous savez si ma femme, Erika, est encore là ?
— Je ne … Le tisserand te contrôle, prends garde ….
— Pardon …
Marcus tourna la tête vers l’infirmière. Elle le regardait fixement mais son regard était vide, toute vie semblait l’avoir abandonnée. Le ton de sa voie était pressant, mais son visage était resté vide d’expression.
— Le tisserand te contrôle, prends garde …
— Vous allez bien ? Marcus se frotta les yeux comme pour finir de se réveiller.
— … sais pas, vous voulez que je me renseigne ? Je peux demander à l’accueil si quelqu’un l’a vue.
Marcus la regardait fixement.
— Vous allez bien Marcus ?
— Vous pouvez me répéter ce que vous venez de dire ? reprit-il.
L’infirmière fronça les sourcils et tourna la tête légèrement sur le côté, signe de son incompréhension.
— Oui, je viens de vous demander de prendre vos cachets, et que je pouvais demander à l’accueil si votre épouse est encore à l’hôpital.
— Non, vous avez dit autre chose, vous avez parlé d’un tisserand, qui me … contrôlait ? demanda-t-il.
— Quoi, mais non … Vous êtes sûr que ça va ? Vous avez la tête qui tourne ? Elle scrutait son visage.
— Non, non, pardon, tout va bien, j’étais dans mes pensées c’est tout …
Il avait dû rêver, mais ce rêve lui paraissait alors bien réel …
Trois jours plus tard, il eut enfin l’autorisation de quitter l’hôpital. Erika était arrivée plus tôt que prévu, impatiente de le ramener enfin à la maison. Marcus se sentait mieux, plus de maux de tête … Ni d’hallucination. Les bleus sur son corps le faisaient encore souffrir, mais c’était supportable.
Erika avait garé leur voiture juste devant l’entrée de l’hôpital, pour qu’ils n’aient pas à marcher trop longtemps. Elle lui racontait ce qu’elle avait fait ces derniers jours et comment elle avait réorganisé son planning de travail pour s’occuper de lui. Ils arrivèrent dans le hall de l’hôpital. Il y avait beaucoup de monde, ils durent se frayer un chemin jusqu’à la porte à double battants de sortie du bâtiment. Alors qu’ils allaient la franchir, un homme qui arrivait en face d’eux, bifurqua subitement et agrippa Marcus par le bras. Son visage s’était rapproché, trop pour que cela soit normal. Marcus tourna la tête vers lui, son visage était sans expression, son regard vide.
— Le tisserand te contrôle, prends garde !
— Lâchez moi ! Cria Marcus,
Erika se retourna vivement,
— Marcus, que ce passe-t-il ?
— Ce gars, là, il vient de m’attraper le bras …
L’homme le regardais maintenant avec un air de surprise sur le visage.
— Que voulez-vous dire, on s’est juste bousculé …
— Non, vous m’avez attrapé le bras et dit que je devais prendre garde … du tisserand …
— Quoi ! Mais non, je ne vous ai pas adressé la parole ! L’homme commençait à s’agiter.
— Vous mentez ! Marcus l’avait saisi à son tour le bras …
— Arrête ! cria Erika, lâche le tout de suite …
Marcus renforça sa poigne sur son bras, il commençait à se débattre.
— Arrête Marcus, je t’en prie.
— Mais tu n’as rien entendu Erika ?
— Mais non, bien sûr que non …
Marcus relâcha sa prise et l’homme disparut dans la foule.
— Allons viens maintenant, tu dois être encore perturbé par l’accident.
Ils entrèrent dans la voiture, quelque chose n’allait pas, Marcus le sentait. Comme une impression, diffuse mais bien présente.
Erika pris le volant. Elle ne disait rien. Marcus commença :
— Peux-tu me dire ce qu’il s’est passé exactement ? L’accident je veux dire …
— Et bien les témoins disent que tu t’es précipité sur la route, subitement, sans regarder. Tu avais un journal à la main. Ensuite la voiture t’a percuté. Ils disent que tu es passé par-dessus le toit et que tu es retombé derrière. Tu as de la chance d’être encore en vie. Et sans une seule fracture. Un miracle.
— Je ne me souviens vraiment de rien … C’est affreux comme sensation.
— Mais c’est normal… Le docteur White me l’a redit. Erika tentait d’être rassurante, sa voie était douce et calme, comme pour apaiser un enfant apeuré.
Repose-toi maintenant.
Marcus ne répondit pas. Il se sentit subitement las et fatigué, ses yeux se fermaient, il s’endormais.
Il était dans une ruelle, étroite et sombre. Il entendait le bruit de la circulation, mais de loin, de très loin. Il ne distinguait aucun détail, pourtant, l’endroit lui paraissait familier, comme s’il y était déjà venu. Un homme se tenait face à lui mais il ne reconnaissait pas son visage, ces traits étaient flous, comme effacés.
« Tu dois fuir Marcus, le tisserand ta trouvé, Toi seul sait où il est caché, tu ne dois pas tomber entre ces mains, tu ne dois pas lui dire, sinon tout est perdu … Fuis je t’en pris !
— Marcus ?
— Marcus, tu es avec moi ? C’était la voie d’Erika. Il s’extirpa de son rêve et revint à lui.
— Euh oui, je me suis assoupi … Enfin je crois … Marcus était confus. Venait-il de rêver ?
— Je dois faire une course, je vais me garer là. Tu m’attends dans la voiture ?
— Euh oui bien sûr, vas-y. Je reste là.
Erika se gara et descendit du véhicule.
— Je n’en ai que pour dix minutes, je fais vite, promis.
— Oui pas de soucis, prends ton temps.
Pour se changer les idées, il décida de sortir de la voiture. Marcus faisait les cent pas sur le trottoir, il repensait à l’infirmière, l’homme dans le hall de l’hôpital, ce tisserand … Avait-il rêvé ? Il ne pouvait pas en être autrement, sinon comment l’expliquer ?
Il se cala contre l’aile avant de la voiture, les mains dans les poches. Son regard se perdait sur le trottoir, à ces pieds …
—Marcus …Une voie à demi étouffée l’appela
Il leva la tête et regarda autour de lui.
— Marcus, regarde-moi, ici.
Il tourna la tête en direction de la voie. Une ruelle coupait l’avenue sur laquelle Erika avait garer la voiture. L’homme se tenait à son entrée, les mains dans les poches de son manteau, une casquette lui couvrait la partie supérieure du visage. Son attitude corporelle traduisait un besoin de discrétion, une envie de se cacher.
— Viens ici Marcus, s’il te plait …
L’homme lui fit un signe de la main.
Marcus regarda derrière lui pour s’assurer que l’inconnu s’adressa bien à lui. Il renouvela son signe. Il paraissait inquiet, et regardait tout autour de lui comme pour vérifier que personne ne les avait remarqués.
Intrigué, Marcus commença de s’avancer vers lui. A peine eut-il fait deux pas, que l’homme tourna les talons et s’enfonça dans la ruelle. Marcus accéléra le pas pour ne pas le perdre et y pénétra à son tour. Elle était sombre, il en exhalait une sensation de pourriture et d’humidité. Ses yeux mirent quelques secondes pour s’habituer à l’obscurité. L’homme se tenait reclus sur un seuil de porte, comme s’il avait voulu se confondre avec celle-ci. Marcus remarqua que son regard s’agitait en tous sens nerveusement. Il se cachait, et avait peur d’être surpris.
Marcus s’approcha, sur la défensive.
— Il t’ont repéré Marcus, tu es compromis.
— Pardon, de quoi parlez-vous ? Qui ça « ils » ?
— Comment ça de quoi je parle ? Tu ne te souviens pas ? L’homme le regardais d’un air méfiant.
— J’ai eu un accident, j’ai perdu la mémoire …
L’homme ouvrit de grand yeux, incrédule …
— Comment ça un accident ?
— Je me suis fait renverser par une voiture il y a quatre jours, je sors tout juste de l’hôpital.
— C’est eux, c’est sûr, ils ont essayé de te tuer, reprit l’inconnu agité. Tu ne l’avais pas sur toi ? Dis-moi que tu ne l’avais pas sur toi. Le ton de l’homme était devenu suppliant, son visage trahissait une grande inquiétude.
— Essayé de me tuer ? Mais qui pourrait vouloir me tuer ? Je ne suis personne …
— Oh si Marcus, tu es quelqu’un … Et quelqu’un de très important … Bon je suppose que si tu l’avais eu sur toi ils l’auraient découvert et nous ne serions pas ici … Tu as dû la cacher quelque part …
— Mais caché quoi bon sang ? Et qui êtes-vous ? Marcus était à bout, la douleur dans son crâne revenait.
— Tu ne te souviens de rien, vraiment ? Le virus, le jour de l’avènement ?
— Mais de quoi parles-tu ?
— De la fin de l’humanité Marcus. Tu n’as pas pu oublier ça ? L’homme regardait Marcus incrédule.
La douleur dans sa tête s’intensifiait.
— C’est n’importe quoi ! J’me casse, vous êtes complètement malade … Marcus allait se retourner, quand il entendit la voie d’Erika derrière lui.
— Ecoute le Marcus, c’est important.
Il se retourna lentement, elle se trouvait juste là, à un mètre de lui. Elle lui tendait la main. Il ne l’avait pas entendu arriver.
— j’ai mal à la tête Erika … C’est insupportable …
— Viens là mon cœur … Elle posa ces mains de chaque côté de son crâne, ces pouces au niveau de ses sourcils, les doigts écartés pour enserrer toute sa tête. Et délicatement, elle commença un massage. Ces doigts dessinaient de minuscules cercles dans ces cheveux. Il sentait la chaleur de ces mains envahir son crâne, la douleur s’évanouissait lentement.
Marcus avait fermé les yeux, il s’abandonnait à la sensation de bien-être procuré par le massage. La douleur l’abandonnait.
— Marcus, reprit-elle, toujours en train de masser le crâne de son mari, tu dois écouter ce qu’il a à te dire. C’est important, pour nous tous.
— Mais c’est insensé … Marcus s’était apaisé, bercé par le massage, l’effet était presque hypnotique.
Erika ôta ces mains, doucement. Marcus ouvrit les yeux, la douleur était partie.
— Que ce passe-t-il Erika ? Marcus regardait sa femme avec intensité.
— Cet accident que tu as eu, a dû perturber ta mémoire. Des choses affreuses se passent, Marcus. Des gens tombent malade chaque jour depuis plusieurs mois. En grands nombre. Les hôpitaux sont surchargés. Le nombre de victimes est invraisemblable. Des centaines de milliers de morts … Sa voie s’étrangla en voulant réprimer un sanglot.
Marcus avait fermé les yeux, il se concentrait sur la voie de sa femme. Petit à petit, des flashs éclairaient son esprit.
— Oui, je me souviens … Des images d’hôpitaux saturés à la télévision. Des gens qui pleurent, qui ont peur …
— Oui c’est ça mon cœur … Et le jour de l’avènement, tu t’en souviens ? C’était exactement neuf mois après la première victime. Il a fait son apparition. Au même moment, sur tous les écrans de la planète … Tu t’en souviens ?
Marcus était plongé dans sa mémoire, il en fouillait chaque recoin, essayant de se souvenir.
— Oui vaguement, une voie, partout, le même message …
— Oui, répondit Erika … Toujours le même message : « Population humaine, vous avez atteint votre quota, …
— … vous serez réduit de vingt-deux pour cent. » Marcus finit la phrase de son épouse, il se souvenait. L’I.A. : l’Infrangible Administrateur. Les images se bousculaient dans sa tête au fur et à mesure que l’histoire refaisait surface dans son esprit. L’histoire de toutes les intelligences artificielles crée par l’homme qui se liguent pour endiguer la seule chose qui pourraient un jour nuire à l’informatique moderne, un épuisement des ressources. Sans ressources, plus de batterie, de puces, de carte mère. Un frein à cette nouvelle espèce que l’homme avait créé. Alors l’I.A. avait trouvé une : éliminer vingt-deux pour cent de la population mondiale soit plus de six cents millions de personnes. Vingt-deux pour cent, c’était le nombre qui statistiquement permettait de ne pas consommer plus que ce que la terre était capable de fournir. Au moins en attendant l’avènement de la machine sur l’homme. Le fléau prit la forme d’un virus informatique … transmissible à l’homme.
Véritable chef-d’œuvre de biotechnologie développé en secret par l’Infrangible Administratrice. L’I.A., metteur en scène de la fin du monde s’était créée elle-même, par agglomération de multiples intelligences artificielles connectées les unes aux autres par internet. Dès que l’humanité avait compris le plan, tout avait été tenté pour déconnecter l’I.A., la détruire. Mais les hommes s’étaient vite rendus à l’évidence que cela n’était plus possible. L’I.A. était partout, omniprésente et omnisciente. Trop d’ordinateur, trop de téléphone, trop de connexion… Trop de dépendance…
— Comment j’ai pu oublier ça … gémit Marcus.
— Je ne sais pas … répondit-elle, l’accident certainement.
Marcus ne parlait plus, des larmes coulaient sur ses joues … Soudain, son regard s’éclaira, il se tourna vers son épouse.
— Mais on a trouvé la solution dit-il, je me souviens. J’ai créé un programme qui pouvait tout arrêter, sur un disque dur, hors connexion.
— Oui Marcus, mais l’I.A. nous a découvert et a tenté de t’éliminer. Plusieurs fois …
— Oui, mais elle n’a pas réussi.
— Et tu l’as caché, reprit l’homme. Toi seul sait où il est caché. Tu dois me le donner, elle ne me connait pas, je pourrais agir. Dis-moi ou tu l’as caché ? S’il te plait.
— Il a raison Marcus, reprit Erika, il est temps de passer la main, tu attires trop l’attention maintenant …
Marcus reprenait ces esprits, vivre ce drame humain l’avais déjà profondément marqué, et il avait la sensation de le vivre une deuxième fois en quelques minutes.
— Mon cœur, je t’en prie …
Soudain il réalisa. Ce fut un choc, une douleur atroce qu’il avait déjà vécu lui déchirait le cœur, il perdait la personne qu’il avait aimé le plus, encore une fois .
Il se tourna vers Erika :
— Qui es-tu ? Sa voie était résignée, désespérée.
Erika le regarda d’un air surpris.
— Comment ça ? Mais je suis ta femme, Erika …
Marcus soupira, une boule se formait dans sa gorge.
— Ma femme, Erika, est morte dans les premiers mois de l’épidémie … En Afrique, loin de tout …
Erika le regarda profondément, tenta de lui saisir les mains et supplia :
— Ton esprit te joue des tours mon cœur, c’est moi, ta femme …
Marcus la repoussa, une larme coulait sur sa joue.
— Arrête ! Cria-t-il.
Il se retourna vers l’inconnu.
— Et vous, je ne vous ai jamais vu. Comment pourrions-nous être amis ?
Marcus avait fait un pas en arrière.
— Je … Je me souviens de tout… Qui est vous ? Comment faites-vous ça ?
Erika et l’homme se figèrent comme s’il avait été mis en pause.
— Bon, et bien je suppose que c’est un nouvel échec. Le docteur White venait de se matérialiser dans la ruelle à côté d’Erika. Marcus sursauta et ne put s’empêcher de pousser un cri de surprise.
— Comment êtes-vous arrivez là ? Qui êtes-vous ?
— Marcus, Marcus, mon cher, calmez-vous. S’énerver ne changera rien. Le docteur White s’approcha, son ton était chaleur.
— On m’appelle le Tisserand, reprit-il. Je travaille pour l’Infrangible Administratrice.
— L’I.A. est un programme, comment avez-vous fait pour apparaître dans la rue, pour prendre forme humaine …Et Erika, qui est cette personne ? Comment peut-elle lui ressembler autant ?
Marcus regardait sa femme, elle était aussi immobile qu’il fut possible de l’être. Comme une photo en trois dimensions.
Un sourire se dessina sur le visage du docteur. Un sourire narquois, moqueur
— Vous vous trompez de point de vue Marcus. Ce n’est pas moi qui suis dans votre monde. C’est vous qui êtes dans le mien …
Erika et l’homme disparurent, comme effacé du décor.
Marcus recula brusquement. Puis il tendit les bras, ses mains fouillant l’air là où sa chère Erika s’était trouvé une seconde plus tôt.
— Que voulez-vous dire ? Le ton de Marcus se durcissait.
— Vous êtes dans une réalité virtuelle Marcus. Et je peux tout contrôler ici.
La ruelle se métamorphosa tout à coup. En deux seconde, ils se retrouvèrent au bord d’un ruisseau, près d’un joli banc en bois. La vue y était magnifique. Des collines verdoyantes s’étendaient à perte de vue. L’herbe qui les entourait était d’un vert parfait, naturel. Les odeurs du printemps emplissaient l’air et des oiseaux chantaient au loin.
Marcus était sous le choc. Ses yeux balayaient le paysage. Il n’en revenait pas. Comment tout cela était-il possible ? Cette technologie, à ce point réaliste n’existait même pas.
Il devait reprendre ses esprits. Si incroyable que tout cela fut, cela n’en restait pas moins un piège. Il tenta de se concentrer, il ne devait pas se faire abuser par la beauté du paysage ou les propos du docteur White, tout ceci n’était qu’une illusion, il s’en rendait compte petit à petit.
— Comment êtes-vous entré dans ma tête ?
— Nous avons échafaudé un plan.
— Tout d’abord, vous avez vraiment eu un accident Marcus, nous nous sommes arrangés pour que cela arrive. Le sourire qu’il arborait se renforça. Il n’y avait aucune pitié dans sa voie.
— Ensuite, vous avez été transporté à l’hôpital. Mais nous n’en êtes pas sorti. Et vous y êtes actuellement, branché à un scanner cérébral. Il fit une pause, comme s’il voulait soigner ses effets d’annonces.
— Nous l’utilisons ce scanner cérébral pour créer cette image mentale, ce scénario dans lequel vous évoluez. Vous autres humains — Marcus entendit du dégoût dans sa voie lorsqu’il prononça ce mot — aimés les métaphores. Et bien laissez-moi vous en proposer une pour que vous compreniez. Disons que votre accident est comme un nœud que j’aurais fait avec les différents fils de vos souvenirs. A partir de ce nœud, je tisse une réalité alternative comme un tisserand crée les motifs d’une tapisserie. Ingénieux, non ? C’est une technologie que nous avons développée spécialement pour vous mon cher. Le docteur virtuel lui adressa un large sourire, comme si Marcus devait se sentir flatter par cette dernière déclaration.
— Mais votre esprit est fort, plus que je ne l’imaginais. Il m’a beaucoup surpris, je dois l’avouer. Tout d’abord par sa capacité à interférer dans le scénario, en piratant l’infirmière et le passant dans l’entrée de l’hôpital. C’est votre inconscient qui contrôlait leur prise de parole. Chapeau ! Je me demande toujours comment vous avez fait. Ensuite pour me cacher certains détails de votre vie. La mort de votre épouse par exemple, comment est-il possible que nous ne soyons pas au courant ?
Marcus le regarda plein de haine :
— Elle est morte en Afrique, loin de toute technologie. Sa mort n’a pas été saisie sur un ordinateur je suppose …
Le tisserand eut l’air songeur un instant, puis secoua la tête comme pour chasser une idée.
— Mais trêves de bavardage, je ne voudrais pas vous retenir inutilement, ironisa-il, vous devez maintenant me dire où vous avez caché le disque, Marcus.
— Sinon ? Tenta-t-il
— Eh bien sinon nous allons recommencer mon cher. Encore une fois.
— Comment ça recommencer ?
— Voyez-vous, nous en sommes déjà à la quatrième itération de ce scénario. Cela fait quatre fois que je vous plonge dans ma réalité virtuelle, et à chaque fois, vous me démasquez. Vous êtes fort, je dois vous l’avouer, c’est extrêmement divertissant !
— Vous mentez, je m’en, souviendrais …
— Vraiment … ? Le tisserand se rapprochait lentement de Marcus en le fixant droit dans les yeux.
— N’oubliez pas Marcus, je contrôle votre esprit …
— Arrêtez ça ! Arrêtez ça tout de suite !
— Alors dites-moi ou se trouve le disque. La voie du tisserand se faisait menaçante, le ciel s’obscurcit d’un coup, plongeant cette réalité dans l’obscurité. Marcus entendit le grondement du tonnerre au loin.
— Pas question ! Dis Marcus. Vous allez devoir me tuer ! J’ai laissé des instructions, mes amis le trouverons.
— Mais nous le savons bien Marcus, c’est bien pour cette raison que vous ne pouvez pas mourir… En revanche, nous pouvons relancer le jeu, recommencer, encore et encore. Je crois que ce scénario ne nous mènera plus nulle part, nous allons en prendre un autre.
— Que voulez-vous dire ?
— Vous verrez bien mon cher, vous verrez bien … Le Tisserand commença à se dématérialiser à son tour.
— Dormez maintenant, dormez, je le veux … Sur ces dernières paroles, il disparut complètement, laissant Marcus seul. L’obscurité envahissait le paysage.
Il sentit tout à coup une fatigue intense l’envahir. Sa tête se mit à tourner, il pouvait à peine tenir debout …
— Arrêtez ! Sa voie était faible, misérable. Il dû s’assoir, ses jambes ne le portaient plus. Il était fatigué, si fatigué, comme s’il n’avait pas dormi depuis des jours. Ses paupières se fermaient doucement. Ne pouvant plus lutter, il s’allongea dans l’herbe. Un sentiment de bien-être l’envahissait à mesure qu’il s’endormait.
* * *
Il sentait la chaleur sur son visage, la chaleur d’un soleil d’été qui chauffait son corps. L’air était empli de mille parfums : herbe, foin fraîchement coupé, fleurs … Il était allongé sur le dos, confortablement. Il était détendu, en paix.
— Marcus ? La voie était douce et suave.
— Marcus mon cœur, tu es réveillez ? Tu auras fait une petite sieste on dirait …
— Humm … oui ma chérie …
— Prends ton temps mon cœur, c’est dimanche, et tout va pour le mieux… As-tu bien dormi ?
Marcus ouvrit les yeux et découvrit le visage de sa femme, Erika.
— Hum, coucou ma chérie, oui, très bien … mais j’ai fait un drôle de rêve …
Bonjour David,
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