J’ai fait un voyage ce soir. On est en confinement certes, les frontières sont fermées, mais j’ai pu m’y échapper, et partir très loin pour le temps d’un petit verre.
Je ne suis pas alcoolique, mais je ne peux qu’être reconnaissant à ce liquide transparent d’avoir sorti mon bateau amarré depuis un certain temps au port, à subir les caprices des marées et des vagues, à s’incliner sur tribord et sur bâbord, et à s’osciller d’avant en arrière, sans pouvoir s’élancer. Un bateau est construit pour naviguer, pas pour rester ancré.
J’étais brûlant d’envie de sortir, d’aller voir les gens que j’aime, de marcher au bord de la mer, et de sentir la brise sur mes joues. Je voulais m’envoler, J’étais jaloux de l’aigle du haut des montagnes qui plane au-dessus des vallées et les lacs. Je manquais d’espace, Je voulais courir plus vite que les chevaux dans les vastes plaines du printemps.
Quand le physique ne peut s’échapper, l’esprit s’évade.
Au deuxième verre, les ancres ont été levés, les sirènes retentissait, et le bateau se détachait du quai. Je me voyais déjà, libéré de mes complexes, la vue dégagée, et la langue dénouée. J’ai aimé être avec tous les gens que j’aime et que j’ai aimés. Les soucis, les angoisses et le stress cédaient la place à la tranquillité, la quiétude et la décontraction.
Le troisième verre a poussé le bateau loin des rivages. Le large, porte bien son nom. La perception et la dimension des choses changent. Je ne garde des larmes du passé, que leur brillance qui éclaire mon chemin.
Le quatrième verre a donné libre court au vent de souffler dans les voiles à sa guise, menant le bateau dans des directions hasardeuses, le faisant tourner des fois sur lui-même. J’aurais aimé danser, j’aurais aimé chanter, j’aurais aimé changer la couleur de mes yeux.
En me séparant du dernier verre, Il y avait de la musique dans le silence de la nuit, il y avait du violon du piano et de la flûte. Je voyais des couleurs dans l’obscurité de minuit, je voyais celles de l’amour, des rires et des jeux d’enfants.