Le confinement rend fou, jour 3 après le 4.

6 mins

Je rentre par la terrasse, de la lumière au fond, il me semblait pourtant, et c’est là que j’entends, je reconnais la voix, le cri de ma copine, cachée dans l’embrasure tout au fond du salon, c’est à partir de là que tout à dérapé, je m’en souviens encore, comme si c’était hier, comme si c’était un rêve qui aurait mal tourné, déjà ce matin là j’avais perdu mes clefs.

C’est banal une rencontre, rien à voir dans les films, ou les romans de gare, changement de direction, tout le personnel réuni pour fêter le départ de l’ancien directeur et faire la connaissance du nouveau pistonné, oui je sais j’exagère mais le nouveau promu arrivait de nulle part, j’ai des difficultés avec les nouvelles têtes, il faudra que je m’y fasse, et puis de toute façon je travaille sur chantier, je rencontre très peu les administratifs, tout se passe par écrans, et par notes de services, j’ai serré quelques pinces, reconnu des visages, souri à des nouveaux, et je l’ai croisé elle, je la trouvais jolie, c’est elle qui m’a parlé, je suis un peu sauvage.

— On m’a parlé de vous, en des termes élogieux, je voulais voir à quoi ressemble ” un kamikaze”, c’est le nom qu’on vous donne, et encore c’est gentil, j’en connais des moins tendres.

On s’est connu ainsi, j’ai dû faire une grimace qui l’a faite sourire, je n’ai rien trouvé mieux que de parler passion, je crois qu’elle a compris que j’étais décalé, pas que je sois associable, ou fondu de boulot, juste un peu aérien, je me suis défendu en tentant d’expliquer, mais j’ai dû m’enfoncer et ça a dû lui plaire.

Il faut ces circonstances pour que je vienne à l’agence, je suis toujours dehors, à réparer les mats, dépanner les moteurs, monter les matériels, le vertige m’indiffère, je monte sur les hauteurs des nacelles d’éoliennes, certains me traitent de fou et d’autres d’inconscient, ce qu’ils ne savent pas, c’est que j’adore le vent, sentir les éléments me caresser la peau, avoir comme impression de tutoyer le ciel, la piétaille c’est en bas, le paradis en haut, je suis à mon affaire quand les tours se balancent, beaucoup lâchent quand ça souffle, moi je suis infrangible, soudé avec la tour, appuyé sur de l’air comme s’il était solide,  je sais ce que je fais, alors ils laissent faire, d’où mes petits surnoms.

On ne s’est plus quitté depuis ce fameux jour, je n’étais pas vraiment pour, je n’étais pas vraiment contre, pour une fois j’ai envie de me laisser porter, de ne rien décider tant que ça ne me gênait, j’étais bien avec elle, c’est ça qui importait.

Depuis un an déjà, on habitait chez l’un ou on allait chez l’autre, on préservait ainsi un peu d’intimité chacun de son coté, j’avais mes habitudes elle en avait certaines, on se faisait confiance, en gardant nos jardins, mais c’est vrai qu’a la longue, on avait tout en double, et puis financièrement il fallait faire un choix, mon appart était grand en lisière de la ville sur le toit d’un immeuble, le sien en pleine ville, je n’aimais pas la foule, je n’ai fait qu’acquiescer l’aménagement futur, le temps qu’elle vende le sien et rapatrie ses meubles. Tout allait pour le mieux, jusqu’à ce qu’elle propose, je crois que j’ai tiquè, il fallait que j’y passe, la rencontre officielle, le repas de famille. Pour elle tout est réglé, il y a Papa Maman, et quelques frère et sœur, je n’ai rien contre ça, mais des gens qui se mêlent, qui veulent tout savoir, les liens de la famille, chose que je ne comprends pas, je suis de l’assistance, elle le savait très bien, ceci explique cela je ne compte que sur moi, une part de vérité, elle n’en saura pas plus.

Tout allait pour le mieux, les projets avançaient, le repas s’est passé je me sentais touriste, et tous me regardaient comme si je débarquais, une pièce rapportée dans un milieu commun, j’écoutais s’égrener des détails antérieurs, qu’avais-je à échanger sinon des politesses, raconter les dortoirs de souvenirs d’enfance, ils n’auraient pas compris que si j’étais ici au milieu de leur clan, le mien est pièce unique, éventuellement une fille, on ne change pas de vie parce qu’on se met à deux, je n’ai rien raconté, je n’ai fait qu’écouter, ils n’y étaient pour rien, je n’ai pas renouvelé.

Tout s’est cassé la gueule depuis ce fameux soir, mon coté solitaire fait que souvent la nuit, je préfère le dehors, elle m’avait dit comprendre, l’assistance à bon dos, mais ça lui suffisait, un jour je lui dirais, si on est encore là.

Je venais de rentrer, c’était le petit jour, elle était horrifiée, cachée dans la cuisine, elle venait de crier en pleine crise de nerf,  elle est roulée en boule, elle tremble de partout, doucement je m’approche, j’essaie de lui parler pour qu’elle entende ma voix, au bout d’un certain temps à force de patience, elle ouvre enfin les yeux et rampe loin de moi, elle tremble encore un peu et ne dit pas un mot, elle attend quelque chose, je n’imaginais pas lui dire la vérité, si tôt c’est malvenu, je vais faire une bêtise, sans doute le regretter, mais je me suis lancè dans la vraie vérité.

— Tu ne t’en souviens pas, il y a plus de trente ans, le corps d’un jeune enfant à été retrouvé le corps criblé de plombs, malgré toutes les recherches personne à réclamé, je suppose qu’à l’époque, on ne voulait pas de moi, tu es seule à ce jour à voir ce que je suis, une espèce d’homme volant, une déformation, une mauvaise expérience, je n’ai pas d’explications, je peux me transformer en ce que tu as vu, du fait de mes blessures je n’ai aucuns souvenirs, je ne sais pas qui je suis, je sais que tu penses monstre, c’est peut-être possible, mais tu m’as côtoyé, mes penchants sont normaux, je pense raisonnable, je vis comme tout le monde, j’ai même une petite amie dans son intimité qui sait ce que je vaux, tu sais à peu près tout, je suis toujours le même, tu as l’explication de mes virées nocturnes.

Elle prenait des couleurs, et reprenait son souffle, elle semblait aller mieux mais restait loin de moi.

— Je n’ai pas vraiment compris, tu es comme dans les films, tu te transformes la nuit.

— Je ne suis pas un vampire, ni une chauve-souris, je n’ai pas d’explication, des années que je cherche quel genre d’aberration m’a ainsi transformée, je n’ai pas intérêt à passer une annonce, pour finir dans une foire ou un laboratoire. Je peux me transformer à n’importe quel moment, c’est assez contraignant, mais c’est instantané, dans un sens comme dans l’autre. J’ai dû passer des heures debout devant ma glace, essayer de comprendre comment je me transforme, je suis humain comme toi, enfin je le suppose, j’essaie de découvrir pourquoi je suis ainsi, pourquoi mes bras s’allongent et étirent ma peau des mains jusque la taille pour dessiner des ailes, mes jambes s’aplatissent comme la queue d’un oiseau, je ne peux plus marcher, je ne peux plus rien prendre, je ne peux que voler, je ne suis pas un ange.

— Personne n’a jamais vu même quand tu étais petit ?

— Enfant, de ma mémoire, je me méfiais déjà, mais avec mes blessures, je n’avais pas la force, c’est d’ailleurs la raison du maintien en foyer, on adopte des bébés pas des enfants blessés, on m’a trouvé un nom, celui que tu connais, et pour la petite histoire, les surnoms qu’on me donne, quand je travaille en haut, tu as l’explication, je n’ai pas peur du vide.

— Pourquoi tu voles la nuit, tu pourrais aller loin, personne pourrait te voir.

— Il y a quelques années, j’allais dans les montagnes, au-dessus des forêts, loin dans l’arrière pays, mais rien n’est vraiment loin, il y a des gens partout, les endroits reculés ne sont plus assez loin, c’est comme ça par hasard, j’ai vu ma photo floue dans un journal local, heureusement la légende parlait d’un grand rapace ou alors un condor qu’on aurait relâché, depuis je me méfie, la nuit tout est grisé, mais ça me manque beaucoup. Tu n’as aucune idée de voler dans les airs, entrer dans les nuages, balloté par les vents, jongler du coruscant des gouttelettes de pluie, du soleil flavescent qui arrose les prés, au noir des tournesols qui attendent qu’on les cueille, les couleurs en hauteur habillent mes visions, mais j’ai dû me restreindre, griser toutes mes envies pour ne pas me faire prendre, un peintre sans tableau alors je monte aux tours, piètre consolation, parce que même en hauteur, le ciel est sillonné, mais on est beaucoup moins.

— je ne m’attendais pas, en ramenant tes clefs, je les ai retrouvées, cachées sous un coussin, te retrouver au lit, te faire la surprise, l’amie d’un homme oiseau, plus fort que dans les films, pire que les Avengers.

Nos vies ont continuées, comme si de rien n’était, elle avait quelque mal à revendre son appart, on n’a plus reparlé de mes sorties nocturnes, elle m’avait fait promesse de ne rien divulguer, j’ai cru en sa parole, jusque un certain jour, j’ai reçu un appel venant d’un inconnu qui voulait tout savoir sur mes antécédents, si je ne connaissais pas un homme chauve-souris, j’ai raccroché au nez et appelé ma copine, elle jurait tous les Dieux n’avoir rien raconté, peut-être à sa famille, mais pas dans le détail, la famille c’est sacré on n’a pas de secrets, j’ai fait une bêtise, j’ai voulu faire confiance, tout s’est précipité, mon téléphone sonne, numéro inconnu, la sonnette de l’entrée, je n’attendais personne, je n’ai plus réfléchi et j’ai pris mon envol, direction la montagne direction les forêts, exhalaisons sucrées qui montent vers les cieux, me poser quelque part sans que l’on me bouscule, ou que l’on veuille m’étudier, je me doute assez bien comment ça va finir.

Je touche presque au but, j’aperçois quelques cimes à une volée d’aile, je perçois tout à coup comme un coup de fusil, le temps que je recherche l’origine du bruit, j’ai comme l’impression de traverser une ruche, des milliers de piqures me parcourent le corps, quelque chose de chaud avec un goût de sang remonte dans ma gorge, je tombe sur un arbre, je redeviens humain, je l’ai toujours été, je m’accroche comme je peux, je m’accroche et j’ai mal, je suis haut, je suis loin, et j’ai comme l’impression de voir des ombres noires qui survolent la forêt…

Et là je me réveille, je suis tombé du lit, je suis rentré très tard, hier j’ai perdu mes clefs et maintenant un cauchemar, je dois me remplumer, la journée commence bien,

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4 années il y a

Bonjour Michel,
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