Chapitre 9 : La femme manipulée

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Il n’y avait pas grand chose à dire sur Nanna. Elle s’effaçait à petit feu au fil des jours. Elle me contait ses histoires avec ses enfants, la manière dont elle les éduquait et de la perte brutale de leur père. Je ne prenais pas au sérieux tout cela, puisque mon but ultime était de parler avec Sofia. Je ne me doutais pas qu’Alvilda allait être celle qui allait m’ouvrir les yeux.

L’année 2014 s’acheva et ma sœur, Katharina se présenta à moi devant la porte de mon immeuble. Elle était triste, encore une fois. Après s’être remise avec son copain, ils s’étaient disputés. Katharina voulait un enfant alors que lui se pensait encore jeune et il trouvait que c’était précipité. Ce soir-là, elle se défoula sur moi et je la laissais se plaindre. Au dîner, elle me relata sa conversation avec son copain :

– Nan mais il est sérieux, il croit que mes ovules sont éternelles ? Franchement, je lui ai donner tout le temps de vivre de sa passion ! Mais maintenant ça suffit. Je vais avoir 35 ans, Annie ! 

Je pensais partir d’une bonne intention en lui disant :  

– Kath, personne ne t’as demandé de l’attendre. 

– Ah ! Donc c’est de ma faute ? De toute manière comment tu peux comprendre. Tu as passé ta vie avec un seul homme et dès que ça n’allait plus vous vous êtes séparés. 

Je fus irritée par sa remarque, mais je ne rétorquai pas à ça. Elle décompressait et si cela pouvait la soulager. Elle s’installa chez moi, ce 20 janvier 2015. C’était ma semaine de congé et je pris le dossier de Sofia avec moi. J’y travaillais dessus presque tous les jours. Cependant le vendredi, je me rendis à la clinique à la demande de Ralph. Un patient souffrant de schizophrénie fit une crise, je rejoignis donc mon collègue afin de trouver si le problème ne venait pas du traitement. La journée fut mouvementé avec cette urgence, je voulais juste du calme, en rentrant. Mais je ne m’attendais pas à trouver Katharina dans mon salon, avec des feuilles éparpillés par terre. Je lui demandai ce qu’elle faisait et vis qu’elle examinait le rapport de Sofia.  

– Mais qu’est-ce que tu fais ? C’est confidentiel ! 

En ramassant les pages, elle me dit :  

– Tu n’as rien remarqué ?  

– Comment ça ?  

– Les pseudonymes des esprits de ta patiente n’ont pas été choisis au hasard… 

Je n’avais aucune idée de quoi elle parlait et en prenant le tas de feuilles, j’inspectai les notes. Cela me frappa au tout début ; des prénoms pas très commodes mais sans vraiment y prêter attention. Katharina continua :  

– En fait tu n’as rien écouté quand on était au musée en Grèce ? 

– Tu t’en souviens ?  

– Bien sûr, j’ai même lu des livres sur la mythologie… Et ta patiente aussi on dirait ! 

Je n’avais jamais pensée à ce détail. Et Katharina souleva un point pas si anodin que ça. 

Sur son téléphone, elle se mit à me réciter :  

– Les prénoms Ariane et Daphné viennent de la mythologie grec. L’une est la fille de Minos et de Pasiphaé et la sœur de Phèdre. Par amour pour Thésée, elle lui a donné un fil pour qu’il puisse sortir du labyrinthe où il est allé combattre le Minotaure. Daphné est une nymphe…laisse moi deviner, sous ce nom c’est une prostituée ? 

Etonnée, je répondis que oui. Elle poursuivit :  

– Nanna signifie “mère courageuse”, ça vient de la mythologie scandinave. Alvilda aussi, c’était une princesse qui a fuit un mariage forcé. Et Bien, elle est doué cette femme ! 

Avec cette nouvelle, je savais comment discuter avec ces personnalités. Je remerciai Katharina, mais sa curiosité devenait gênante. Elle me demanda pourquoi Sofia s’était retrouvée dans ma clinique. Je lui dis simplement que c’était une affaire compliquée.  

Le lundi 26 janvier 2015, je conversai avec Alvilda. En sachant les origines de son pseudo, je me disais qu’il était plus facile d’avoir un entretien sérieux.

– Bonjour, comment vous allez Alvilda ? 

– Cette fois, ça ne vous a pas pris beaucoup de temps ! 

– Je vous ai vu dans le jardin. 

– Ah ! Et comme je suis la seule à fumer. C’est évident ! 

– Et si on parlait de votre nom ? 

Elle se mit à rire nerveusement. Je continuai donc :  

– Cela vous dérange ? 

– Non, juste que je sais où vous voulez en venir. 

– Dites moi toujours. 

– Vous pensez que Sofia s’est inventée ces noms pour se couvrir ? 

– Se couvrir de quoi ?  

Après un temps, elle me révéla :  

– J’ai rencontré Sofia en prison. Je suis la dernière à être rentrer dans sa vie. Si nous sommes là, c’est parce qu’elle avait besoin de nous à des moments précis. 

Elle racla sa gorge et me dit :  

– Vous pensez qu’on est là pour lui planter un couteau dans le dos ? Nous serons prêtes à parler que si vous nous promettez de ne pas vous en prendre à elle. 

– Pourquoi, je m’en prendrais à elle ? 

– Sofia croit que ce ne sont que des rêves… 

Je venais de faire un énorme bond en avant avec ce renseignement, mais ces entités ne pouvaient s’empêcher de me bloquer sur ma faim. Quand j’annonçai cela à Ralph, il répéta de laisser le temps faire les choses. C’était ce que je fis et les mois passèrent sans grandes encombres. Alvilda me déclara qu’elles n’étaient pas seules à prendre le contrôle sur Sofia, qu’il y avait bien une autre entité mais dont elle tut le nom.  

Le printemps arriva et j’eus une venue inattendue. Je pensais que Jana ne voulait plus entendre parler de sa sœur mais elle insista pour la voir. Jana avait avec elle une boîte qu’elle ne me présenta, qu’après avoir discuter avec Sofia. Elle avait à faire à Alvilda en fait, qui lui demanda de cacher cet objet. Lorsque Jana franchit ma porte elle me dit :

– Je ne peux plus rien faire pour Sofia. Elle s’acharne à jouer et à mentir. Alors tenez, faites-en ce que vous voulez. 

– C’est quoi ?  

– Son trésor, ou ce qui pourrait la ramener en prison.. 

Je tenais donc une boite en métal, et en l’ouvrant je découvris des objets futiles à première vue ; une montre d’homme, une gourmette en argent, des lunettes de soleil, une chevalière et une photo d’un homme. Je ne saisis pas la raison pour laquelle Jana prenait ça à cœur. Je la vis s’en aller alors je la rattrapai :  

– Attendez, que suis-je sensé faire avec cette boîte ? 

– Je l’ai trouvé en faisant le vide grenier. Je dois vendre la maison de nos parents. Ce n’est ni à eux, ni à moi. À vous de savoir, quoi en faire.   

Je posai ce coffret dans mon tiroir et me dis que peut-être Alvilda me parlera. Celle-ci n’avait plus dit un mot pendant quelques semaines. L’été approchait et résolu à avoir le fin mot de l’histoire, je m’obstinai avec Alvilda.  

– Vous m’avez dit que vous aviez connu Sofia en prison, donc ça fait pas si longtemps ? 

– Vous parlez de Forest ? Non, docteur vous n’avez pas eu toutes les informations… 

– Vous parlez de son premier né ? 

– Oui… 

– J’ai lu qu’elle s’est échappé avec son fils, alors qu’il était sous juridiction. Elle a été enfermé ? Je n’ai aucune note sur ça… 

– Elle a été arrêté, oui. Pas en Belgique. 

– Où alors ?  

– En Bulgarie. Elle a été recherchée par Interpol. 

– Et c’est là que vous êtes apparu ? 

– Dans la maison d’arrêt, j’étais son seul refuge. 

– Il y a une chose qui me turlupine dans tous ça…  

– Dites docteur, je pourrais vous répondre. 

– Si chacune de vous est là pour protéger Sofia, qui a tué Sami ? 

– Celui qui est présent pour nous toutes… 

Depuis cet entretien, Alvilda ne voulait plus divulguer quoi que ce soit à propos de Sofia. Elle se confia sur sa vie supposée. Je compris bien plus tard que chacune d’elle racontait l’histoire de Sofia. 

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