Samedi, à l’hôpital,
10h00.
Un café dans une main et une cigarette dans l’autre, je profite de cette pause pour me remettre d’aplomb. Ma journée à Paris de jeudi a été épuisante sur le plan émotionnel et hier aussi. J’ai très peu dormi. Je n’ai pas recontacté Aaron depuis notre dernier échange et lui, non plus. Cette rencontre avec cet inconnu au Starbuck a semé le doute en moi et m’a perturbée. À un tel point que pour la première fois de ma vie, j’ai failli jouer les stalkeuse pour dénicher son identité. Sauf que j’ai vite renoncé à cette idée. Parce que des bruns canon aux yeux verts avec un physique d’armoire à glace et en costume-cravate, il doit y en avoir des centaines à Paris. De plus, il était accompagné et ne semblait pas célibataire. Donc autant dire que mon choix entre lui et Aaron a été vite fait. Les seules questions que je me pose à l’instant, c’est si notre rendez-vous IRL d’aujourd’hui est maintenu . Si oui, comment va-t-il se passer ? Comment va Aaron ? Et est-ce que je le contacte ou non ?
Pendant que je cherche des réponses à mes questions en imaginant tous les scénarios possibles et imaginables, ma mère me rejoint pour fumer.
— Tu es là ? Je te cherchais.
Surprise, je manque de faire un bond et de lâcher mon gobelet.
— Bon sang, maman ! Tu m’as fait peur. Ne me surprends pas comme ça, sauf si tu veux que je fasse une crise cardiaque avant l’heure !, je me plains.
— Désolé. Je t’ai appelé, mais tu ne m’as pas entendu. Tu étais perdu dans tes pensées. À quoi songeais-tu ?
— À tout et rien à la fois, je pense à voix haute. C’est quoi ton programme d’aujourd’hui ?, je change de sujet.
— Le même que d’habitude. Et toi ?
— S’il n’y a pas de changements, je dois rendre visite à un ami cet après-midi. Comme il n’habite pas à la porte d’à côté, je dois partir plus tôt. C’est pour ça, j’ai dit à Jordan que ma visite serait rapide aujourd’hui.
— Oh… Il habite où, cet ami ? Et comment s’appelle-t-il ?
— Cyril et il habite à Paris, je mens.
— Cyril ? Ton ex ?, s’étonne-t-elle.
— Ce n’est pas mon ex. C’est un ancien coup de cœur datant d’il y a sept ans, maman, je lui réponds, désespéré à la fin.
— Et pourquoi, tu dois le voir aujourd’hui, après autant d’années ?
— Parce que c’est un ami et que nous avons envie de nous revoir tout simplement.
— Rassure-moi, tu ne vas pas y aller comme ça ? Si ?
J’ai folle envie de l’envoyer sur les roses avec sa remarque désobligeante et sa question idiote. Je ne lui parle pas ou peu de ma vie pour deux raisons. La première, c’est que je préfère éviter ce genre de réflexion blessante et dévalorisante. La seconde, c’est parce qu’elle ne m’écoute pas et n’est pas attentive à ce que je dis. La preuve avec Cyril.
Je suis en train de me mordre l’intérieur de la joue à sang pour me contenir. Mon téléphone ne tarde pas a biper sous la réception d’un message.
Sauvée par le gong !
Je m’empresse de cliquer dessus. En voyant le prénom d’Aaron s’afficher, mon cœur rate un battement. Je souris niaisement contre mon gré et je le lis.
« De Aaron à Laure.
Bonjour,
Comment vas-tu ? »
« De Laure à Aaron.
Je vais bien et toi ? »
« De Aaron à Laure.
Ça va.
Désolé de ne pas t’avoir contacté plus tôt. »
« De Laure à Aaron.
Ce n’est rien. Je ne t’en veux pas. Et puis, je suis aussi fautive que toi.
Moi non plus, je ne t’ai pas contacté depuis jeudi matin.
Donc un partout, la balle au centre 😉 »
« De Aaron à Laure.
Tu viens toujours cette après-midi ?. »
« De Laure à Aaron.
Oui. Pourquoi ?. »
« De Aaron à Laure.
Pour rien. Je suis content. »
Son dernier message me fait sourire jusqu’aux oreilles et je ne sais pas quoi répondre. Mon cœur, lui, s’emballe et mes mains deviennent moites. Savoir qu’il est heureux de me rencontrer me remonte le moral et m’apaise. Bien que je me remette à stresser et redoute qu’il parte en courant en me voyant.
« De Aaron à Laure.
Je viendrais de chercher à la gare.
Ensuite, je t’emmènerais quelque part. . »
« De Laure à Aaron.
Quelque part ? C’est-à-dire ?. »
« De Aaron à Laure.
Tu le sauras le moment venu. »
« De Laure à Aaron.
D’accord. Comment te reconnaîtrai-je ?. »
« De Aaron à Laure.
J’aurais un bouquet de lys. »
Son attention me touche et je me retiens de sauter de joie. Le lys et les roses sont mes fleurs préférées. Je suis surprise qu’Aaron ait retenu cette information, autant que ça me rend toute chose. Sauf que ma mère me gâche ce moment de bonheur en me demandant une cigarette.
Je verrouille mon téléphone et je lui donne mon paquet. Puis je mets mon mégot de cigarette dans mon gobelet et jette le tout dans la poubelle.
— Je suis désolé maman, mais il faut que j’y aille, je lui annonce.
Je lui fais la bise en la serrant dans mes bras.
— Roxy m’attend et j’ai des choses à faire avant cet après-midi. Je t’appelle dans la journée ou demain, je lui explique. Prends soin de toi et repose toi bien. À plus tard !, je la salue.
— Quoi ? Mais attend… Ton paquet de cigarettes ?
— Garde-le, c’est cadeau. Embrasse Mamie et Jordan pour moi.
Puis, je rejoins le parking et ma voiture avant de quitter l’hôpital.
Après une trentaine de minutes, en passant par des petits villages de campagne, j’arrive dans ma ville. Je me gare sur la place du marché et rejoins le bâtiment de mon appartement. Je récupère mon courrier dans la boîte aux lettres et monte chez moi. À peine suis-je arrivée que Roxy me fait la fête comme à son habitude. Je pose mon courrier et mes clés sur le bar de l’entrée et m’octroie une pause tendresse et câlin avec ma chienne. Elle est tout pour moi et je l’aime plus que tout. Sans elle, ma vie serait vide de sens. Elle est mon animal de compagnie, ma peluche, ma fille, ma confidente et ma meilleure amie. Jamais, je ne l’abandonnerai ou la délaisserai.
— Hein c’est vrai, ma Roxy ? Toi et moi, c’est pour la vie, je dis en la cajolant.
Elle pigne pour accord et ferme les yeux sous mes caresses et mes grattouilles. Je dépose des baisers sur le dessus de sa tête qu’elle me rend avec des léchouilles sur les avant-bras. Roxy profite de ce moment à nous, un moment. Puis, elle enlève ses pattes avant de mes cuisses et jappe en remuant la queue.
— Laisse-moi deviner, c’est l’heure de la ballade au parc du samedi. C’est ça ?
Roxy aboie pour confirmer et je souris. Je me lève de mon canapé et je vais chercher sa laisse et son jouet avant de quitter mon appartement pour me rendre au parc.